Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/643

Cette page n’a pas encore été corrigée

1273

JESUITES

1274

foi, on traduisait en style protestant : » Tout homme qu’il est, le pape, eu tant que vicaire de Dieu sur terre, a droit à des honneurs divins. Il ne peut errer dans ses décisions, eùt-il contre lui tout l’ordre ecclésiastique et les conciles eux-mêmes. U peut, à son caprice, disposer de l’autorité des Ecritures, interpréter et modifier le droit, etc. » — S’ils disaient avec Bellarmin que la juridiction du pape est universelle et souveraine dans le domaine spirituel, qu’il a un pouvoir a indirect » sur le temporel en matière mixte, jusque-là qu’en certains cas très rares, pour des motifs exceptionnellement graves, et quand le salut des âmes l’exige impérieusement, il pourrait déposer le prince, les prolestants traduisaient : « Le pape a toute [luissaiice temporelle et spirituelle ; il peut à son gré déposer, instituer, princes, rois, empereurs. Il est maître des territoires et peut, comme il le veut, les faire passer des hérétiques aux papistes. Et cela est de foi. » — S’ils enseignaient avec toute l’école catholique de ce temps-là, beaucoup plus modérée que l’école protestante illuminée et fanatique, que la vie d’un usurpateur (/irrtHH » s ustirpalionis), dans l’acte de l’usurpation, n’est i>as plus sacrée que celle de n’imporle quel ennemi public, et que le tyran d’administration, légitimement déposé, qui défend son pouvoir par la guerre, n’est plus qu’un usurpateur (voir article TvR.t.N.iciDE) ; cette doctrine se transposait comme il suit : « Que les sujets d’un prince le déclarent tyran et le déposent, ils sont déliés de tous leurs devoirs envers lui : à défaut de congrès, diète ou comices, il sulFira, pour cette déposition, de la décision d’un Jésuite grave. Dés lors ce sera faire œuvre louable que de tuer ce prince. On y pourra employer le fer ou le poison, et le p^ipc pourra ensuite, comme il lui plaira, distribuer à de bons catholiques et donner en toute propriété les biens de l’hérétique, » (Becanus, Aphnrismi doctrinæ Cah’inistarnni. ex enruin lihris et fuel is (1608). Opiiscul. théologie, Paris, 1633.) A ces aphorismes, s’en ajoutèrent deux ou trois autres ; — que « la Un justilie les moyens », — « qu’il estloisibleàun catholique de ne pas tenir la parole donnée à un hérétique a, — t qu’il est permis d’user et d’abuser des équivoques et restrictions mentales ». — que tous les moyens sont bons pour se débarrasser des hétérodoxes, etc. Principes qui n’étaient pas simples défaillances pratiques de la moralité ou entraînements de passion, mais formaient uii système suivi, longuement élaboré par les supérieurs et passé à l’étal de règles. Kègles occultes, bien entendu ; car. à côté des Constitutions avouées, il y avait chez les Jésuites un code secret. Et justement, ne venait-on pas d’en découvrir la partie relative aux accaparements des fortuneset des influences, les fameux Munita sécréta ? (Voir l’article Moxir.i

SECRETA.)

L’Angleterre accueillit ces fables et y ajouta du sien. Les crimes publics des Jésuites s’accrurent d’un nombre incalculable de conspirations, d’incendies, de meurtres et de tentatives de meurtres. L’accusation de mensonge fut accentuée et systématisée.

II. En France. Gallicanisme et Jansénisme. — Une bonne partie de ces calomnies fut exploitée en France par les grands ennemis gallicans des Jésuites, ! comme Etienne Pascjuiku et l’avocat…Vrnaui.d. Ils se donnèrent le ridicule de les propager sans discussion. Or d’où venait l’opposition que, dès le prcuiier, jour, la Compagnie rencontra dans le monde parle mentaire, non pas de la France, mais de Paris’.' Aux yeux des régalistes, elle avait le tort, toujours le même, d’être « papiste i.. Avant d’avoir rien fait qui put provoquer la réprobation populaire, elle était condamnée parce qu’elle seprésentaitcomme dévouée aux droits ultramontains. Delà dans le Parlement

l’Université, chez les curés, chez quelques évêques, une répulsion irréductible et des procès sans Un. Les rois acceptaient les nouveaux religieux. Mais, plus royalistes que les rois, les gallicans voulurent voir dans l’institut des Jésuites une opposition formelle avec les lois fondamentales du royaume. Dans ses Hecherches de la France, Pasquier écrivit un chapitre intitulé : « Quelle compatibilité il y a entre la profession des Jésuites et les règles tant de nostre Eglise gallicane que de nostre Etat.^ » (L. 111, eh. xlv.) Et il concluait naturellement à l’incompatibilité. Inutile de dire que, pour en venir à cette conclusion, l’honnête l)arlementaire faisait subir aux règles et aux constilutions de la Compagnie les déformations les plus grotesques. De plus, aux yeux de Pasquier, les approbations pontilîcales étaient subreptices et non avenues. On avait aveuglé les papes. Les Jansénistes chanteront indéliniment la même antienne. A ces préjugés gallicans, ajoutez les accusations relatives au tyrannicide, et nombre de faits divers, à faire dresser les cheveux sur la tête, empruntés aux pamphlétaires d’Outre-Manche et d’Outre-Rhin, et vous aurez une idée de l’antijésuitisnie français au temps d’Henri IV et de Louis XUl.

.vecleJansénisme, ils’enrichit d’un nouveau ettrès important chapitre. Les Jésuites dénonçaient chez les novateurs un calvinisme honteux. Dans cette doctrine soi-disant inspirée de saint Augustin, ils montraient la liberté humaine anéantie, et le fatalisme réinstallé sous le nom de grâce. Les Jansénistes répliquèrent par unecampagnemenéependantcent ans, avec une suite obstinée, pour discréditer et détruire la trop ultramontaine Compagnie. Ce long duel, commencé en 1631 par la publication de VAurelius de l’abbé de Saint-Cyran, se terminera en 1773 i)ar la destruction des Jésuites. On y peut discerner cinq grands assauts, résumés chacun dans un livre.

Dans VAurelius, nous avons l’assaut gallican. C’est là qu’on trouvera les attaches du jansénisme avec le gallicanisme le plus avancé. Car, en même temps qu’on y attaque les religieux dont les privilèges sont l’expression vivante de l’universelle juridiction du Saint-Siège, on y exalte les curés aux dépens des évêques, et les évêques aux dépens du pape. Là est la clef du rôle joué par le clergé paroissial de Paris et autres grandes villes de France, dans les luttes jansénistes. « Querelle de confessionnaux », diront avec méi)ris les libertins, Saint-Evrkmond en tête ; en réalité, lutte de principes. Oui ou non, la juridiction ponlilicale, s’exerce-t-elle de façon elfective et pleine dans toute l’Eglise ?

VAugustinus, publié en 16/|0, commence l’assaut doctrinal. jANSÉxius.enexattant saint Augustin, » met en parallèle et examine l’erreur des Marseillais et de quelques modernes ». Les Marseillais sont les Semi-Pélagiens et les modernes sont les Jésuites, Suarbz, Vasqukz et MoLiNA. Dès lors, les théologiens de la Compagnie, pour avoir repoussé les interprétations de l’évêque d’Ypres sur la doctrine du grand docteur, seront taxés de semi-pélagianisme. « Ils rejettent, diront les Jansénistes, ou énervent l’autorité de saint Augustin, ils exaltent la liberté aux dépens de la grâce : ils sont les ennemis hypocrites de la grâce souveraine, et par suite de tout l’ordre surnaturel. » Cette campagne devait aboutir à la condamnation, non des Jésuites, mais des « cinq propositions ». Là-dessus, par une lactique habile qui ne pouvait que dérouter le public, changement de front et nouvel assaut sur un autre point (1656-1657).

Pascal était déjà entré en ligne. Trois de ses lettres avaient paru, où il n’était encore question que <ie la grâce et des propositions condamnées, <|uand tout à coup, quatrième lettre : II n’est rien de tel