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JEANNE D’ARC

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procès, l’évêquc u ordiuaLie » de Jeanne. D’aulre pai’t, il ne sollicita aucune délégation ni de l’Ordinaire de la prisonnière ni du Saint-Siège : ce qui lit. du tribunal de Rouen un tribunal acéphale et du procès même un procès radicalement nTl, un faux procès.

L’évcque de Beauvais eûl-il d’ailleurs été l’Ordinaire de l’accusée, il foula aux pieds de tant de manières le droit divin et buniain, que le procès eût été nul au moins à la liii, s’il ne l’eût |ias été avant. Parmi les violations du droit que le prélat se iiermit, on doit noter le refus de mettre Jeanne en prison d’Eglise, le refus de lui donner un avocat-conseil au commencement des interrogatoires, la rédaction frauduleuse des douze articles, et la fausse abjuration, la fausse cédule du cimetière de Saint-Ouen. Il n’en fallait pas tant pour que le procès fût justement annulé, invalidé, cassé par le tribunal de la réhabilitation.

Quicheral et les historiens de l’école francocauchonienne accusent l’Eglise d’avoir jugé la Pucelle à Rouen ; l’ayant ensuite réhabilitée en 1456, l’Eglise se serait contredite et déjugée. Aujourd’hui même, elle se contredirait et se déjugerait une seconde fois, en élevant la condamnée de Rouen au rang des Bienheureux. La proposition qui sert de base à cette double accusation portée contre l’Eglise est absolument ffiusse. C’est chose établie par les documents que le Saint-Siège n’est intervenu au procès de la Pucelle ni avant, ni pendant, ni après. C’est chose prouvée qu’il fut tenu par le gouvernement anglais dans une ignorance totale du procès : il ne fut ni avisé, ni consulté. Les régents entendaient n’être pas arrêtés ou gênés dans l’exécution de leurs desseins de vengeance par les papes régnants, comme le roi Philippe le Bel l’avait été par l’intervention du pape Clément V dans le procès des Templiers. Ils ne voulaient pas que leur procès à eux durât cinq ans. En cinq mois, il fut expédié. Le pape régnant Eugène IV n’en fut instruit que lorsque Jeanne eut été brûlée.

L’Eglise n’a donc pas jugé Jeanne à Rouen. Pour le soutenir, il faudrait dire que Pierre Cauchon était l’Eglise. Gens d’Eglise ne seront jamais l’Eglise.

Comme preuve documentaire achevant de ruiner l’objection, signalons la lettre d’Eugène IV à son légat le cardinal de Sainte-Croix, en date de lin avril 1431, un mois avant le drame du Vieux-Marché. Dans cette lettre, le pape presse son légal d’amener un rapprochement pacilique entre les deux rois de France et d’.

gleterre. C’était, ou jamais, le moment d’intervenir dans l’affaire de la Pucelle, si le Pontife romain en eût eu connaissance. Or, dans cette lettre, il n’est question de rien de ce genre : ni Jeanne, ni le procès n’y sont même nommés (voir Uaynaldi, Annales ecclésiastiques, à l’année i^Si).

Un dernier reproche dirigé contre l’Eglise, c’est celui qui rend la procédure inqiiisitoriale responsable de la condamnation de Jeanne d’Arc. Pierre Cauchon, a eu, dit-on, la main forcée par les exigences de cette procédure. — C’est le contraire qui est la vérité, et c’est un point que les travaux récents des historiens ont rais en pleine lumière. C’est poiir n’avoir pas suivi les régies de la procédure inquisiloriale, pour les avoir outrageusement violées, que le juge de Jeanne d’Arc a terminé le procès par une sentence de condamnation. Si le pape eût évoqué la cause à son tribunal, s’il l’eût déférée à des juges consciencieux et indépendants, ces juges eussent conclu à l’innocence de Jeanne d’Arc et l’eussent mise hors de cause. A Rouen, Pierre Cauchon a jugé et condamné par ordre.

L’Eglise n’a donc ni jugé ni condamné Jeanne en 1431 ; mais elle a jugé en 1456 et elle l’a réhabilitée.

Elle a jugé encore en 189^, quand elle a introduit la cause de sa béatification.

Elle a jugé en 1909, quand ajirès avoir jugé digne d’approbation les miracles présentés au tribunal des Rites, elle décrétait et célébrait sa béatiUeation.

Voilà dans quelles circonstances l’Eglise a jugé sa glorieuse enfant.

BlBLIOGRAPUIE

Sources générales de l’histoire de Jeanne d’Arc

Lelong (Jacques), prêtre de l’Oratoire. Bibliothique historique de lu France, 4 vol. in-folio, Paris, 1768-17-5. Pour la bibliographie de Jeanne d’Arc, voir t. ii, p. 180-189 ; et t. IV, n"^’i’ji’ji-i’j242, additions et rectilications. — Chevalier (le chanoine Ulysse), Répertoire des sources historiques du moyen âge. Bio-bibliographie. Nouvelle édition, petit in-4°, Paris, 1906-1906. — Lanéry d’Arc (Pierre), Le livre d’ur de Jeanne d’.irc, i vol. in-8°, Paris, 1893.

Sources spéciales

Quicherat (Jules) et la Société de l’histoire de France, Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d’Arc, avec extraits des chroniques du XV’siècle et autres pièces de l’époque, 5 volumes in-8°, Paris, iS^i-iS^g. — Lanéry d’Arc (Pierre), Mémoires et consultations… des docteurs de la réhabilitation, in-8°, Paris, 188g. — Belon et Balme, des Frères prêcheurs, Jean Bréhul, grand inquisiteur de France, et la réhabilitation de Jeanne d’Arc, avec le texte de la RecuUectio, in-S", Paris, 1898. — Denille (R. P. Henri), des Frères prêcheurs, Chartularium Universitatis parisiensis, 4 vol. in-4, Paris, 1889-1897 ; Auctarium Chartularii… 2 vol. in-4°, 1893-1897. — Fournier (Marcel), Statuts et privilèges des Universités françaises, 4 vol. in-4, Paris, 1891-1894.

Critique, d’après les te.rtes, de l.’tiatoire de Jeanne d’Arc

Richer (Edmond), docteur de Sorbonne, Histoire di’la Pucelle d’Orléans et critique des deux procès. Manuscrit de514 feuillets à recto et verso in-folio. Bibliothèque nationale, fonds français, cote io448.

— Averdy (François de L’), Notices sur les deux I)rocès ; dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, au tome 1Il des Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque du roi, in-8° d’environ 500 pages. — Quicherat (Jules),.4pertus nouveaux sur l’histoire de Jeanne d’.irc, in-8, Paris, 1850. — Sepet (Marins), Vea/me d’Arc, Tours, 1869. — Ayroles (R. P.), S. J., U vraie Jeanne d’Arc (L’Eglise de son temps ; La paysanne et l’inspirée : La libératrice : La guerrière ; ta martyre), 5 vol. in- 8°, Paris, 1890. — Dunand (Philippe-Hector), Etudes critiques d’après les telles sur l’histoire de Jeanne d’Arc, 4 vol. in-8’, Paris, Ch. Poussielgue. t" série. Les Visions et les Voix. In-S" de lvi-660 pages. 2’série. Dix études, dont les suivantes : La fausse légende anglaise de Jeanne « renégate et parjure » ; L.’abjuratiim du cimetière de Saint-Ouen : Va procès de rechute ; De l’information posthume : Pe Pierre Cauchon, Edmond liicher et J. Quicherat. 3* série, La Société de l’histoire de France, Jules Quicherat et Jeanne d’Arc : Jeanne d’.4rc et l’Eglise, oh le dernier mot du procès de Jtuuen. 4’série, Jeanne d’.irc et sa mission, d’après les documents : La sainteté de Jeanne d’Arc et l histoire ; Le procès d&