Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/618

Cette page n’a pas encore été corrigée

1223

JEANNE D’ARC

1224

prend une éolielle, l’applique au rempart et, au cri de : (I Qui m’aime me suive », elle se met à monter. A peine avait-elle gravi quelques échelons qu’un trait d’arbalète l’atteint entre la gorge et l’épaule et la perce de part en part. On l’emporte et on panse sa blessure. Des larmes coulent de ses yeux à la vue du sang. Mais, se reprenant, elle-même arrache le ter de la plaie. On lui otlre un charme pour la guérir. « II y aura bien moyen de guérir sans mal faire », répond-elle. Frère Pasquerel, qui n’a pas oublié la recommandation de la veille, est près d’elle : il la confesse et Jeanne reparaît au milieu des siens. On parlait de renvoyer l’attaque au lendemain. — « Point du tout, s’écrie Jeanne ; n’ayez doute, vous entrerez bientôt dedans. Reposez-vous, mangez, buvez, et puis retournez à l’assaut de par Dieu : les Anglais faibliront et seront prises leurs tourelles et bastilles. » On suit le conseil de Jeanne. Les Anglais n’opposent qu’une faible résistance. — « Glacidas, Glacidas, crie Jeanne, rends-toi au roi du ciel : tu m’as grossièrement injuriée ; mais j’ai grand’pitié de vos âmes. i> Glasdale essaie de passer le pont qui reliait le boulevard au fort des ïournelles : le pont auquel les Orléanais avaient mis le feu s’elfondre et le capitaine anglais avec ses gens est précipité dans la Loire. Ainsi qu’elle l’avait annoncé, Jeanne rentra dans Orléans par le pont, bien qu’une arche en fîit rompue ; car on se liàta de rétablir le passage. Les cloches sonnèrent dans toutes les églises, on chanta le Te Deiim.

Le lendemain 8 mai, de grand matin, les troupes anglaises, sortant de leurs bastilles de la rive droite, se rangèrent devant la ville comme pour olTrir la bataille, (^e n’était qu’une feinte : ils levaient le siège. Les troupes fran(, aises sortirent également, prêtes à combattre, s’il le fallait. En attendant, comme c’était un dimanche, la Pucelle lit célébrer publiquement deux messes. — « Les Anglais, demanda-t-elle, tournent-ils le visage ou le dos ? — Us tournent le dos, lui fut-il répondu. — Eh bien, qu’ils s’en aillent ; vous les aurez uneautre fois. » Les. glais battaient

effectivement en retraite. Orléans était délivré.

Campagne de la Loire. — Jargeau, Meung, Beaugency. — Victoire de l’atay. — Campagne de Reims. Le sacre. — S’arrachant le lo mai à la reconnaissance des Orléanais, Jeanne se dirigea sur Tours où le roi vint la rejoindre et la féliciter. De Tours, Charles VU l’emmena au château de Loches. Coupant court à ses hésitations, la Pucelle lui proposa de nettoyer les bords de la Loire et de reprendre Jargeau, Meung, lîeaugency. où les.Vnglais battus s’étaient retirés. Charles approuva ce plan de campagne, et l’on en prépara l’exécution. Le duc d’.lençon, qui venait de payer le complément <ie sa rançon aux Anglais, fut mis à la tête de l’armée royale, et la Pucelle lui fut adjointe, avec ordre de ne rien faire sans son conseil.

Le lieu fixé pour la réunion des troupes fut Sellesen-Berry. Le 6 juin, Jeanne y était rendue. Le 12 juin, huit mille combattants campaient devant Jargeau, que SufTolk défendait avec six cents hommes d’élite et de l’artillerie. La nuit même, les Français occupaient les faubourgs. Le lendemain, l’assaut était donné dès neuf heiu’es du matin, la place prise et Sulfolk contraint de rendre son é>ée.

Le lundi 1 3 juin, Jeanne et le duc d’Alençon allèrent à Orléans mander cette bonne nouvelle au roi. Le mercredi 15 juin, on attai|uait le pont de Meung et on s’en emparait. Le lôjuin, on se portait devant Beaugency. La garnison avait abandonné la ville et s’était retirée sur le pont et dans le château. A ce moment, la Pucelle apprenait que Talbot était allé au-devant de Falstalf, le vainqueur de Rouvray,

qui venait avec un corps de troupes considérable porter secours aux vaincus. Les Français, que le connétable de Richemont avait rejoints avec quatre cents lances et huit cents archers, laissèrent Beaugency et marchèrent au-devant des deux capitaines anglais. Us les rencontrèrent non loin de Meung. Les deux armées passèrent la journée â s’observer et à préparer la défense. Le lendemain, Falstaff et Talbot apprenaient que pendant la nuit la garnison de Beaugency avait capitulé. Il ne leur restait qu’à livrer bataille ou à battre en retraite ; ils prirent ce dernier parti. La Pucelle et ses gens s’élancent à leur poursuite ; en tête chevauchent à toute bride quinze cents cavaliers conduits par La Hire et Xaintrailles. Les Anglais sont atteints dans les champs de Patay. La Hire et Xaintrailles les culbutent ; Falstalf lui-même s’enfuit sans tourner la tête, Talbot est fait prisonnier. Ainsi que l’avait dit la jeune guerrière, « le gentil roi tenait bien la plus grande victoire qu’il eût jamais n.

Le dimanche matin ig juin, le lendemain même de la " chasse » de Patay ( 18 juin), la Pucelle revint à Orléans, et de là rejoignit le roi à Sully-sur-Loire, où son favori La Trémoille lui donnait une royale hospitalité. Le 22 juin, on tint conseil à Château-neuf. Plusieurs capitaines étaient d’avis qu’on marchât sur la Normandie ; Jeanne insistait pour qu’on marchât sur Reims, par la raison que, le Dauphin une fois sacré, la puissance de ses adversaires diminuerait considérablement. On se rendit à son avis. La ville choisie pour le rendez-vous général fut Gien sur la Loire. Le 24 juin, Jeanne y arrivait. Le 27, elle se portait en avant dans la direction de Montargis. Le 29, Charles Vil partait lui aussi avec les douze mille hommes qui composaient la petite armée. Jeanne écrivit aux habitants de Troyes une lettre pour les engager à ouvrir leurs portes. Charles Vil leur en écrivait une semblable. Mais quand l’armée se jirésenta devant la ville, elle en lrou a les portes fermées. C’était un siège qu’il fallait entreprendre. On n’avait pas abondance de vivres..Vu bout de cinq à six jours la disette se fit sentir. Devant ces dillicultés, on agita dans le conseil royal la question de reprendre la route de la Loire. C’était l’avis de l’archevêque de Reims, et on y paraissait décidé lorsque le seigneur de TrèA-es fit (d)server qu’on devait entendre au moins la Pucelle sur ce sujet. Le roi mande Jeanne — « Gentil roi de France, lui dit-elle, si aous voulez demeurer ici, avant trois jours Troyes sera en votre obéissance par force ou |)ar amour ; n’en faites nul doute. » Regnault de Chartres repartit : » Qui serait certain de l’avoir dans six jours l’attendrait bien. Mais dites-vous vrai’.' — Oui, je dis vrai, réi)lique Jeanne. » Et l’on résolut d’attendre.

Sans perdre de temps, la Pucelle ordonne qu’on ]>rcparc tout pour donner l’assaut le lendemain à la première heure. L’assaut allait commencer lorsqu’une députation se présente et, au nom des habitants, demande à se rendre. A neuf heures du matin, le 10 juillet, au son des cloches. Charles Vil, Jeanne et l’armée royale entraient solennellement dans la ville de Troyes. Le 15 juillet, Chàlons-sui’-Marne suivait l’exemple de Troyes.

Le 16 juillet, le Dauphin était à Septsaulx, distant de quatre lieues de Reims. En cet endroit, une députation de Uéraois vint solliciter amnistie pleine et entière. Charles VU l’accorda bien volontiers. Le soir après diner, il se présentait aux portes de sa bonne ville avec la Pucelle et il était reçu solennellement par l’archevêque Regnault de tlhartres qui s’y était rendu le malin même. On avait fixé la cérémonie du sacre au lendemain. Les seigneurs de