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JANSENISME

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sinon leur nécessité, saute aux yeux, lorsqu’on songe à lallilude du parti et aux maximes suivant lesquelles il se conduisait. Les appelants, toutefois, ne se rendirent pas ; ils en appelèrent comme d’abus, non pas à Rome cette fois, ou au futui’concile, mais au Parlement, et celui-ci, tout évidemuieut incompétent qu’il fut, jugea bon de recevoir ces étranges appels. Il se mit donc à procéder contre les prêtres et les évéques qui, à défaut de billet de confession, ou de déclaration du nom du confesseur, ou d’acceijtation de la bulle C’nigenitus, dureraient les sacrements, comme coupables d’actes tendant au schisme. Les évéques de protester et d’adresser au roi des représentations. Louis XV annule les arrêts portés, mais le Parlement persiste, sans tenir compte de ces annulations, et il présente des remontrances à Sa Majesté Pris entre les représentations justement réitérées des prélats et les insolentes remontrances des parlementaires, le roi faiblit ; il donne des décisions équivoques, devant lesquelles les magistrats, loin de céder, s’enhardissent encore. Commencés à Orléans, dès 1731, ces débats qui, de la part du Parlement, prennent le caiactère d une persécution, deviennent plus retentissants de 17^9 à 1754. Des jirètres sont dénoncés, cités à la barre, décrétés de prise de corps. Excédé entin par l’insolence de son Parlement, Louis XV exile les conseillers de la chambre des Enquêtes et de celle des Hequètes, et il transfère la Grand’t^hambre à Ponloise (mai 1758juillet 1754). Mais les parlementaires ne s’assagissent pas pour si peu ; à peine sont-ils rentrés à Paris que l.i lutte recommence. Us sont alors soutenus par le roi : des ecclésiastiques sont bannis, et l’archevêque de Paris, Cuuistopub de Bbaumont, est relégué à Conllans, puis à Lagny. En vain des déclarations de Sa Majesté enjoignent par deux fois le silence (ï sept. 1754 et 10 décembre 1766). Elles sont sans cesse enfreintes par ceux du parti. Libellistes el chansonniers répandent de toutes parts chansons et pamphlets. Un conllit s’élève entre l’archevêque de Paris et des religieuses jansénistes, les Hospitalières de la Miséricorde, au faubourg Saint-Marceau, et ce conflit vaut à M. de Paris son second exil, dix-huit mois de rélégation en Périgord (janv. 1 758-sept. 1 709). Ce qui aggrave singulièrement l’affaire, c’est une intervention de l’administrateur du diocèse de Lyon, M. DE MoNTAZET, alors simple évêque d’Autun. C’est vraiment la crise aiguë, et il faut attendre jusqu’en 1759 pour constater une accalmie [le P. Emile Regnault, Christophe de fteaumottl, archevêque de Paris (1703-1781), Paris, 1882. 2 vol.).

Entre temps, dans l’assemblée de 1765, les évéques, désireux de faire l’uniformité sur le point de l’administration ou du refus des sacrements et ne s’accorvdant pas absolument, s’adressent au Pape, alin d’être fixés. Par des brefs de 1756 (16 oct.) et de 1767 ^7 sept.), Benoit XIV loue leur fermeté et maintient qu’on doit refuser la sainte Eucharistie aux réfractaires, comme à des pécheurs publics et notoires.

En dcjiit de l’apaisement de 173g, les vexations des Parlements n’ont jamais entièrement cessé. Elles sont partiouliéiement brutales à l’occasion des actes du clergé de 170."). Mais en 1767, la guerre reprend complètement, et elle se prolonge jusqu’à l’exil des parlementaires par le roi (20 janvier 1771). ou jdulot jusqu’à la déclaration du iT) juin suivant, qui donne aux représenlalions des évéques une satisfaction tardive, niaisentière. C’est alors que, la disgrâce aidant,

« t le nombre des ap|)elants se réduisant d’ailleurs de

jour en jour, s’apaise ou s’achève proprement la persécution survenue à la suite des appels contre la bulle et des r<-fus de sacrements. A la considérer, non pas du point de vue des soi-disant libertés de

l’Eglise gaUicaue, qui la légitimeraient peut-être plus ou moins, mais avec les saines idées d’un vrai catholique, elle n’est pas moins ridicule à sa manière que les convulsions du bas Jansénisme, ’l’out au contraire, le rôle est beau des Assemblées du clergé qui défendent les droits épiscopaux : de 1654 à 1770, leur constante hostilité contre la doctrine de Jansénius est leur titre de gloire (Bodrlo.x, Les Assemblées du clergé et le Jansénisme).

C. La i-iN DU Jansénisme en France et.sa survivance. — En même temps qu’ils résistent aux évêques et, avec l’assistance des magistrats, prétendent leur forcer la main, les Jansénistes, pendant la seconde moitié du xviiie siècle, luttent sans discontinuer contre les Jésuites — c’est une inimitié de la première heure — et contre l’autorité des papes. Ils remportent donc une victoire signalée, lorsque, aidés des philosophes incrédules — à l’incroyance desquels les convulsions et les miracles de Saint-Médard, im[irudemment compares à ceux de l’Evangile, ont pu frayer le chemin — ils obtiennent la dissolution des Jésuites de France (1764) ! suivie bientôt de leur complète suppression (bref Dominas ac liedempior, 21 juillet 1773). La même influence janséniste se découvre, vingt ans plus tard, dans l’élaboration de la Constitution civile du clergé et dans l’établissement de l’Eglise constitutionnelle. Il paraît même bien ijue la secte est venue mourir dans ce stérile essai de schisme.

Cependant des Jansénistes ont survécu, et quelques historiens ont tenté de démasquer leur survivance dans la Petite Eglise antieoncordataire, le Vieux-catholicisme et le Libéralisme catholique. Il y a peut-être aussi comme un prolongement de leur rigorisme chez tant de vénéraldes prêtres ou d’austères laïques français, aucunement jansénistes par ailleurs, qui ont longtemps professé dans les choses morales une extrême rigueur et, à l’égard des sacrements, un respect scrupuleux, capable d’en écarter plutôt que d’en rapprocher. Encore une fois, ce n’est là le Jansénisme que dans un sens lointain, mais il existerait, dit-on, un groupe mystérieux de Jansénistes vrais, héritiers des revenus du parti, ceux de la fameuse hoite à Perrette, de ses archives et de ses bibliothèques. L’un d’eux, M. Sii.vv, a racheté les ruines de Port-Royal (1826) et établi d’abord les Frères de Saint-.-Vntoine à Saint-Lambert (1829), puis à Magny ces sœurs de Sainte-Marthe qui sont probablement en France les dernières religieuses du groupement (1834). Plusieurs de ces fervents se sont retrouves, le 29 octobre 1909, dans un pèlerinage à Port-Royal : ils ont ainsi célébré le troisième centenaire de la réforme de l’abbaye et le second siècle écoulé depuis sa destruction (Séché, Les derniers Jansénistes, t. I, ch. iv-vii et x ; t. II, ch. Il ; t. III, ch. m. — Latbbille, Les origines jansénistes de la Petite Eglise de Lyon. — IIallays, Le pèlerinage de Purt-Hoyal, spécialement ch. vi, viii et ix. — Gazibh, PnriUuyal des Champs, Xotice historique. — Pu. dk XÉHY, Parmi les saints et les possédés a Paris. Les derniers Jansénistes, dans La Itevue, 15 déc. 1910. — Vn centenaire, dans Les Flèches, i" dée. 1909, Paris, Falque).

D. Lk schisme janséniste de hollande. — Après la mort du dernier des prélats appelants de France, M. d’.uxerre (Louis-Daniel-Gabriel de Pestel de Lévis de Thubières de Cavlus, ~ 3 avril 175/1). le Ouesnellisme semblait à la veille de disparaître, faute d’évéque qui consentît à lui ordonner des prêtres. L’Eglise sehismatique de Hollande s’était formée sous l’influence des Jansénistes français ;