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ISLAMISME ET SES SECTES

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prescience divine et de la liberté humaine, ils imaginèrent une disposition préalable de la part de Dieu, ressemblant beaucoup à l’harmonie préétablie.

Ces docteurs s’occupèrent ainsi de questions plus purement scientifiques, et en particulier de l’atomisme.


Le plus célèbre Molékallim fut Achari. né à Basrah en 260 ; il appartenait à une illustre l’aniiUc de l’Yéinen, fut disciple du Motazélite el-Djobbay, et le quitta. Il mourut en 024 (V. Steiner, Oie MotuzUiten, oder die Fieidenker im Jslàm).

Les Philosophes proprement dits. — Les ou^Tages grecs cauimencèrent à être traduits en arabe sous le règne d’el-Mamoum. Ce khalife établit un Imreau de traduction à Bagilad en ai- : à sa tête fut placé un chrétien ibadite, Honéi.x, lils d’ishàk, qui est le plus important traducteur avec son hls Iskhak. fils de Honéïn. On compte parmi les traducteurs quelques autres chrétiens, et des savants appartenant à la secte des Sabéens, dont le plus illustre eslTABir, lils de Korrah, de Harrân, mort en 188. Une partie des traductions furent faites par l’intermédiaire du syriaque.

La scolastique arabe se constitua de bonne heure en système, affectant un caractère constructif et syncrétiqae selon l’esprit du néoplatonisme. Le nom de

« philosophe », dans sa forme grecque (J’ailasoiif), 

est appliqué en propre par les auteurs arabes aux philosophes de l’école hellénisante. Les plus illustres représentants de cette école furent : el-Kim>i (m. 260 11. 873), qui était de bonne race arabe ; Fahabi, (m. 33g H. gôo), d’origine turque ; Avicennk (m. 4a8H. io36), qui était plutôt persan ; et AvKRROÈs(m. SgSH. 1198), cordouau. Il ne nous reste presque rien de Kindi ; nous avons plusieurs bons traités de Farabi ; l’oeuvre d’Avicenne, qui est volumineuse, nous est parvenue dans l’original arabe ; celle d’Averroès, ayant été proscrite par les khalifes Almohades d’Espagne, a été presque entièrement détruite en arabe ; on la connaît surtout par les traductions hébraïques.

Le système de ces philosophes comprenait principalement : une grande tliéorie de l’Etre nécessaire, présentée en forme de démonstration géométrique ; une théorie de la diffusion de l’intelligence et de la rie à travers les astres jusqu’au monde sublunaire, c’est-à-dire jusqu’à la terre, théorie d’origine néoplatonicienne et sabéenne ; une psycliologie fondée sur la distinction de l’âme, conçue comme principe de vie et d’animation, d’avec la raison ou intellect, principe de pensée, — psj’chologie attribuée par les Arabes surtout à Aristote, construite dans le même goût que celle de la scolastique occidentale, étendue aux animaux et aux plantes, expliquant les actes successifs de l’âme et de l’intelligence, et les localisant dans les divers organes. Ce système comprenait encore : beaucoup de logique, rédigée surtout d’après’Isago «e ; un peu de physique ; et une partie mystique. La mystique y apparaissait comme le couronnement de la psychologie, car l’intellect de l’homme ne devenait complet que par son union avec l’intelligence divine ou intellect agent ; c’est dans l’intellect agent que résidaient les Idées.

L’intention des philosophes était de réaliser la synthèse de la philosophie et du dogme religieux. C’était là pour eux deux vérités, également respectables, et qui devaient s’accorder. La philosophie, à leurs yeux, était une : Platon bien compris ne devait pas différer d’Aristotc Ils étendaient à la philosophie la notion de prophélisme.

Les théologiens leur furent hostiles : ils soutinrent que ce système, tout en n’étant peut-être pas faux en lui-même, pouvait aisément conduire à l’errear, et qu’il était en tout cas incapable de prouver

la vérité religieuse, lis poussèrent à cet égard le scepticisme fort loin : ainsi ils n’admirent même pas comme satisfaisantes les preuves données par les philosophes de la nécessité d’un être premier. Les purs théologiens nièrent en somme à peu près l’utilité de la méthode rationnelle en matière de foi. Gazali, leur principal représentant, écrivit contre Farabi et Avicenne un livre célèbre, le Téhùfnt el fahUifah ou « vanité des philosophes », ouv-rage où l’art du raisonnement scolastique atteint son apogée, mais qui conclut à la vanité de ce raisonnement même.

Plus tard les théologiens obscurs postérieurs à Averroès eurent sur lui la même opinion : et ce fut celle qu’adoptèrent à leur tour la plupart des théologiens chrétiens, pour qui Averroès dcA-int nu type d’impiété. Dans les deux religions on l’accusa de nier la Providence, la connaissance des particuliers en Dieu, et la résurrection. Cette accusation est injuste : les théologiens ont eu sans doute de bonnes raisons pour n’être pas satisfaits du sj-stème des philosophes ; mais ils n en ont point eu qui établissent qu’ils manquaient de sincérité.

On a souvent exagéré l’intluence de la scolastique arabe sur la scolastique chrétienne du moyen âge. Celle-ci emprunta à Averroès la forme de ses commentaires ; mais les ouvrages grecs ne furent pas tous connus par l’intermédiaire des Arabes ; il en est qui le furent par des voies plus directes. Le travail de la pensée se fit de part et d’autre d’une façon j)arfois analogue, mais avec une suffisante indépendance mutuelle ; certains caractères essentiels ne sont pas les mêmes dans les deux scolastiques : ainsi la grande question des universaux ne domine pas dans la scolasticpie arabe comme elle fait dans les écoles chrétiennes.

V. Mdnk, Mélanges de philosophie arabe et jiiite.

— Renan, Averroès el r.4yerroisi>ie. — Carra de Vaux, Avicenne : — le même, Gazali : — Tj.oEBoiiR, The histor)- of philosophy in islam, traduit de l’allemand ; — les publications de Bæcmkkr et voK Hert-LING, Beitreige zur Geschichte der Philosophie des Alitlelalters, Munster ; et L. Gacthier, La Théorie d Ibn liochd (^Averroès) sur les rapports de la religion et de la philosophie.

Vil. Le Cbiisme et les religions qui en sont dérivées. — Les principales hérésies de l’islam se rattachent logiquement el historiquement les unes aux autres, et forment chaîne. On peut les considérer ensemble comme une réaction continuelle de l’esprit persan et aryen contre l’esprit arabe et sémitique (V. ce point de vue expliqué dans Je Mahdi de J. Darmesteter, 1885, et dans Le Mahométisme, de C..rra de V.4.UX. Cf. Les Prolégomènes d’lB>' Kual-DOfx, trad. de Slanb). Dans ces sectes, le personnage d’ALi acquiert une importance supérieure à celle de Mahomet ; Ali y est en quelque sorte transfiguré, souvent même divinisé. Une espèce de conception du prophétisme, qu’on appelle doctrine du mahdisme ou de l’imamat, en domine la théologie

Ali nous est assez bien connu par l’histoire. Il était fils d’Abou Taleb, l’oncle du Prophète. Il fut l’un des premiers à embrasser l’islam ; il accompagna Mahomet dans sa fuite à Médine, et il épousa sa fille Fàtimah, dont il eut deux fils, Hasan et Iloséïn. Très brave, il se battit à Bedr et à Oliod. Le prophète l’aimait beaucoup, el peu de temps avant sa mort, comme il revenait du pèlerinage « d’adieu ». il prononça sur lui ces mois qui sont un des fondements des prétentions chiites : « Quiconque m’a pour ami est aussi son ami. O mon Dieu, aime celui qui