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IRAN (RELIGION DE L’)

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maintenant que Zoroaslre, le grand propliète, est bien antérieur à Cyriis. Xous ne craignons pas de répondre : Pas un mot des inscriptions des Acbéménides ne sort du cadre des religions naturalistes de l’anti.iiiité et ne révèle un zoroaslrien.

Artaxerxès II n’est déjà plus le type voulu, puisqu’il invoque Mithra et Anahita.

Le zoroastrien modèle, c’est sans doute Darius (Wrissbach et Banq, Die ultpersischen Keilinschiiften, Leipzig, 1898). Or nous avons déjà noté que s’il proclame Aliuramazda le ])lus grand des dieux, il en admet d’autres, et des dieux de clan (o/ ;. /., p. 35, ^ 3, de l’inscription a de I’aqcIi-i-Iioiisteiii). Il a prié AUuramazda, celui-ci est venu à son secours et lui a donné la royauté. Tous ces traits se retrouvent dans les inscriptions babyloniennes. Le messianisme au sens très large, qui fait de Darius un roi providentiel dans une époque troublée (op. /.,

p. S>, S ! 4.

même inscription), est beaucoup plus déve loppé par exemple chez Assourbanipal (Keilinschr. /tihl iolli., Il, ib-j). Il esUrèi édifiant d’entendre Darius attribuer la faveur du dieu à ses qualités morales : .< Aliuramazda m’a secouru, et les autres dieux qu’il y a, parce que je n’étais point mal intentionné, je n’étais pas menteur, je n’étais pas violent, ni moi. ni ma race. J’ai gouverné selon la loi… i>

Mais il ne faut pas oublier que Mardouk en ût autant pour Cyrus : « Mardouk… fut pris de compassion. Il a jeté les regards sur tous les pays ensemble, les a passés en revue et a cherché un prince juste selon son cœur, pour le prendre par la main. » (Keilinschr. Biblioth., 111, 2, p. 122.) Pour le fond, cette idée remonte du moins à Hammourabi : « Les grands dieux m’ont élu moi-même, pasteur sauveur dont le sceptre est droit. » (Ed. Scheil, p. 118.) Les Phéniciens ne comprenaient pas la chose autrement : Il Que la dame de Byblos bénisse Iakhoumélek, roi de Byblos, et qu’elle le fasse vivre et qu’elle prolonge ses jours et ses années sur Byblos, parce que c’est un roi juste, t (C/S., I.) — Sennachérib fut aussi un roi gardant le droit, aimant la justice, et Xabuchodonosor aussi, etc.

Ce qui est spéciliquement perse, c’est l’horreur du mensonge. Darius est profondément froissé que les neuf usurpateurs qu’il a vaincus aient menti en disant : « Je suis roi. » Il demande à Ahuramazda de protéger le pays contre la troupe mauvaise, sans doute l’armée des démons, contre la stérilité et le mensonge (0/).’., p. 35, 5 3). Il ne dit pas si cette armée avait un chef. M. Louis H. Gray (art. Achæmenians dans Encyclopædiu of religion and elhics, t. III, 1908, p. 69 ss.) a prétendu que le mensonge lui-même (diniiga) identifié avec la dnij de l’Avesla était une véritable personne et que ce nom pourrait être « un terme euphémique pour désigner un chef des démons, ce qui expliquerait l’omission de toute mention d’Angra-MaitiYU dans les anciennes inscriptions perses ». Mais le P. Dhorme (f.a religion des Acliéménides, dans la / ?e> »e biblique, ig13, p. 15 ss.) a bien montré le caractère sophistique de cette échappatoire. Darius condamne le mensonge parce qu’il était odieux aux Perses et surtout parce qu’il avait été l’arme des neuf rois usurpateurs soulevés contre lui.

Il est encore un point que nous recommandons à l’impartialitéde lacritique. Lorsque les inscriptionsbabyloniennes ou phéniciennes bénissent ou maudissent les générations à venir selon qu’elles respectent ou détruisent les inscriptions, tombeaux, etc., elles ne fiml jamais allusion, depuis Hammourabi jusqu’à Tabnit ou Echmounazar, qu’à des récompenses ou à des châtiments dans ce monde. On en conclut que ces écrivains lapidaires n’admettaient pas les rétributions futures.

L’argument est sans doute trop absolu, mais enfin notre Zoroastrien prétendu ne lient pasun autre langage :

« Si tu vois cette inscription ou ces images

etj que tu ne les détruises pas, [mais] que tu me les conserves aussi longtemps que dure [ta] race, que Ahuramazda soit ton ami, et que ta race soit nombreuse, et ta vie longue, et que Ahuramazda fasse prospérer ce que tu fais ! >> Le contraire naturellement dans l’hypothèse opposée ; quand.Miuramazda a fait mourir le coupable, il n’est jilus question d’un autre châtiment.. un passage seulement on croirait sentir passer le souille desGàthas : « O homme ! que les commandements d’Ahuramazda ne te paraissent pas néfastes ! N’abandonne pas la voie droite ! ne sois pas injuste ! » (Op. /., p. 3 ; , 5 6.) N’est-ce pas du prosélytisme, presque une prédication ? En réalité, le roi prêche pour lui-même. Les lois d’Ahuramazda sont la décision suprême du dieu qui lui a confié l’empire. Le roi invite ses peuples à ne plus se révolter vainement contre la volonté divine qu’il représente :

« Tout ce qui a été fait, je l’ai fait d’après la

volonté d’.huramazda. » (, 0p. /., p. S"), ^ 5.)

Les Gàthas souhaitent un roi qui fasse régner .huramazda. Darius constate que.huramazda lui a donné le règne ; c’est toute la différence des points de vue ; elle sullit à distinguer l’esprit des anciennes religions de celui delà religion nouvelle.

Darius se vante d’avoir rétabli les temples détruits parleMage Gaumata (op. t., p. 15, 5 i^). La solution la plus simple est de songer aux temples des nations soumises que le Mage a pu détruire par fanatisme national et que Darius relevait par esprit politique Inspiré de la tradition de Cyrus. Ce n’est pas d’un zoroastrien bien fervent.

Enfin on a remarqué depuis longtemps que les quelques noms de mois qui figurent dans l’inscription de Béhistoun supposent une tout autre nomenclature que celle de l’.^vesta.

On doit donc considérer la question de la religion des.chéménides comme tranchée dans le sens opposé à Ed. Meyer. Le P. DH0RME, le dernier qui l’ait reprise (Ret ne biblique, l. t.), ne voit dans les inscriptions aucune trace de la doctrine de Zoroastre. L’opposition est même si radicale, d’après ce critique, que le Zoroastrisnie n’aurait pu découler de la religion des Perses proprement dits. Il faudrait plutôt le regarder comme un développement et une réforme de la religion des Mèdes, représentée par les Mages. Mais il nous paraît prématuré de faire le départ entre ce qui appartenait aux Mèdes et aux Perses dans la religion de l’Iran.

III. Les influences réciproques. — Cette comparaison, rapide et fort incomplète, des idées de la réforme avec les croyances traditionnelles des Perses accuse encore mieux ce que nous avions d’abord indiqué du caractère réfiéchi, presque philosophique, du système des Gàthas.

On peut maintenant se faire une opinion sur la façon dont se pose le problème des infiuences réciproques. S’il s’agissait d’une influence de peuple à peuple, de religion nationale à religion nationale, il serait interdit d’avance de supposer que les Juifs ont eu assez d’ascendant sur les Perses pour changer quelque chose au train religieu.x du grand roi et de son peuple.

.u contraire, les Juifs étant sous la domination lies Perses, ils ont pu faire à leur égard le raisonnement qui avait entraîné leurs ancêtres à sacrifier aux dieux de Damas et de Ninive. On ne voit pas cependant qu’ils en aient même été tentés. Leurs convictions étaient alors trop fortes, et, quoi qu’il en soit de cas exceptionnels qui échappent à l’histoire,