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FRANC MAÇONNERIE

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rents grades (apprenti, compagnon, mailrc, iC^Ci 65a’?). Le grade de Clievalicr du Temple donna l’idée d’inventer la légende des Templiers. La politique s’en mêlant, le grand maître maçon assassinépnl être indiiréremment Hirani ou Jacques 1" ; le lemide à construire, celui de Salomon ou la restauration des Sluarts.

L’.lrl Huyal était créé, art consistant soil dans l’étude suprême de la nature, soit dans le rétablissement de la dynastie déchue.

A mesure que s’opéraient l’assimilation et la compénétration des deux francs-maçonneries, les éléments professionnels en étaient peu à peu éliminés ; il n’en restait plus que des débris lorsque le docteur DiiSA-GULiEHs (i(>S’i-i’)ili), protestant émigré à la suite de la Révocation de l’Edit de Nantes, vint proposer à Georges II de faire de la Maçonnerie une association soustraite à l’influence desStuarts (vaincus en 1715) : ainsi fut fondée à Londres, le 24 juin 1717, avec les membres des quatre dernières loges professionnelles et un groupe de maçons « acceptés » (c’est-à-dire 1 admis dans les loges quoique étrangers à la corporation), cette Grande Loge qui est la mère de la I Maçonnerie exclusivement spéculative.

La Grande Loge fut, en elfet, livrée de suite aux entreprises d’une société de théoriciens, dont beaucoup membres de la « Royal Society >i, qui élaljorèrent la nouvelle Constitution promulguée en 1728. Nous en avons indiqué le caractère adogmatique et humanitaire. Cette « constitution d’Anderson >> (du nom de son rédacteur, James A^r)BBSo^) fut, dans la suite, complétée, traduite en français et publiée en 1745, par le frère La Tierce (voir les textes dans l’histoire de G. Bord, p. 70-92). Elle est importante non seulement au point de vue des doctrines qu’elle renferme, mais encore au jioint de vue de l’organisation des loges, qu’elle explique d’une façon très détaillée. Ses auteurs ont bien soin de présenter la nouvelle franc-maçonnerie spéculative comme lia continuation des anciennes corporations ouvrières’dont ils conservent la terminologie professionnelle et certains règlements ; cela leur permettra de sauvegarder la protection immémoriale des souverains ; mais, en fait, il y eut non pas loyale continuation, mais insidieuse sid)stitution. Il ne s’agit plus que des intérêts de l’Ordre, de la discipline occulte des initiés, du triomphe de théories philosophiques et sociales, panthéistes et naturalistes, qui ne tiennent aucun compte des religions et des nationalités existantes, ou plutôt qui tendent à leur destruction. Le pouvoir occulte était fondé, avec ces principes révolutionnaires et cette organisation égalilaire qui en constituent tout le « secret », et en font depuis deux siècles, au sein des sociétés modernes, la plus redoutable conjuration antisociale qu’on puisse imaginer. En.

glelerre, la Conslitution d’Anderson amena une rapide extension de la maçonnerie. En 1721, (le 24 juin), 12 loges seulement avaient particijié à l’élection du grand-maître, duc de Montagu ; en 1726, 49 loges déjà étaient représentées à la Grande Loge. Du reste les grands personnages qui lui prêtèrent leur nom donnèrent du lustre à la Maçonnerie, et s’y [ aflilier équivalut à une sorte de « brevet de respec-I I tabilité ». Son indifférence en matière de religion souleva bien de légitimes suspicions, mais les Freeniasons eurent l’habileté d’atricher une scrupuleuse orthodoxie anglicane. Tout le monde cependant ne fut pas rassuré : pour cette cause, et en raison de rivalités d’influences, il se produisit >ine série de scissions qui aboutirent, en 1751, à la fondation de deux Grandes Loges. Ce « grand schisme » fut consommé en 1753. Les partisans de la Grande Loge la plus récente, prétendant revenir aux anciennes tra ditions et croyances corporatives, s’intitulèrent Jneiciit iVasoiis, et ad<qitèrtnt un rituel rcnjpli de formules pieuses et tic citations bildiques. Pour ne pas perdre toute leur clientèle, les jVoc/cin iVasons firent alors des concessions : et de réactions en réactions, on aboutit, en 1813, à la fusion des deux Grandes Loges anglaises sous le nom de Grande Loge Unie d’Angleterre. Sur 8972 loges et 220.000 maçons anglais, celle-ci compte, en 1910, 2800 loges et 152.coo membres, accusés très volontiers de « bigoterie » par les maçons français.

En France, l’évolution maçonnique fut, en éfi’et, bien différente.

V. La Franc-Maçonnerie française au xviir siècle, jusqu’à la constitution du Grand- Orient. — Les événements que nous venons de raconter avaient consacre, en Angleterre, le triomphe de la politique orangiste. Mais la maçonnerie jacobile n’était pas morte. Elle fonctionnait toujours sur le continent, surtout en France, refuge desStuarts. Presque toutes nos loges régimentaires eurent pour origine et pour modèles les loges des régiments écossais et irlandais, d’où le nom qu’elles conservèrent à’écossaises, bien que le régime vraiment écossais (fondé en 1786) n’ait été établi en France qu’en 1771. Avant cette date, la plupart des loges françaises étaient des loges jacobites.

L’introduction de la maçonnerie en France est du reste un problème fort compliqué. Nous avons indiqué plus haut (paragr. I) l’erreur maintenue jusqu’en 1910 par l’Annuaire du Grand- Orient, au sujet des deux premiers Grands-Maîtres. Le premier d’entre eux, Charles Radclvi-fe, lord Dehwent-WATER (1698-1746), — était un descendant des Stuarts et des Bourbons. Il passa sa jeunesse à la cour de Jacques 11 (à Saint-Germain) et de Jacques III (à Rome). En 1715, il prit une part héroïque à la malheureuse bataille de Preston : après la défaite des Stuarts, son père, James, eut la tête tranchée ; lui-même, condamné à mort, put s’évader de Newgate et gagner la France. Inilié par son ami Andrew Michæl Ramsay (1686-1748) (héritier et éditeur des papiers de Fénelon, mort d’ailleurs en bon catholique à Saint-Germain en Laye après avoir été l’introducteur en France des Jiaals grades écossais et de la légende des Templiers), Radclyll’e fut, en 172O, selon une tradition invérifiable, le fondateur de la loge Saint-Thomas (du nom de saint Thomas de Car.torbéry, le saint vénéré de l’Angleterre des Stuarts). A côté de grands seigneurs anglais, ofBciers des gardes écossaises de Jacques II, cette loge comptait des Choiseul et des Montmorency… Sous la maîtrise de Radelyffe, puis sous celle de Charles Edouard Stuart, (fils de Jacques III), élu grand-maître de la Fr.-.M.’. écossaise en 1745, les loges se multiplièrent (sans qu’on pût du reste donner de chiffres). Notons qu’après une tentative de débarquement en Angleterre (1745), Radelyffe mourut sur l’échafaud en déclarant : i( Je meurs en vrai, obéissant, et humble fils de l’Eglise catholique et apostolique. » Il aurait ajouté à l’adresse de son fils : « Apprenez à mourir pour vos rois » (Voltaire, Précis du règne de Louis XV, in-12, 1786, p. 276).

Les progrès, en France, de la franc-maçonnerie jacoliite, par conséquent antianglaise, avaient naturellement porté ombrage àlaGrandeLogede Londres, qui envoya sur le continent plusieurs propagandistes, parmi lesquels le Grand-Maître Jacques Douglas, comte DE MoRTON (1702-1768). Mais avant le voyage de ce dernier en Bretagne et sur les bords de la Loire (1744->746), s’étaient déjà organisées chez nous des loges étrangères àla politique stuartiste, et d’un