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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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(le science el des spécialistes pour poiiroir lutter contre la nouvelle génération cléricale qui possède quelques hommes d’une instruction tout à fait supérieure. .. Le gouvernement et le Parlement ne paraissent même pas se douter de la nécessité de recruter un personnel capable de lutter sur ce terrain contre te clergé moderne. »

L’intelligence humaine, l’intelligence chrétienne elle-même, traversent de nos jours une crise redoutable entre toutes ; d’un côté, une grande partie des savants et des penseurs s’esta ce point détournée de la doctrine chrétienne qu’elle a réussi à enraciner fortement dans la masse l’idée de l’incompatibilité absolue de la science et de la foi ; d’un autre coté, l’étude des systèmes modernes de philosophie, l’introduction dans les sciences religieuses des méthodes critiques et scientiliques appliquées à tous les autres ordres de connaissances, l’usage fait parfois sans précaution et sans discernement par des catholiques imiirudents de ces méthodes, ont provoqué chez un certain nombre des nôtres, prêtres ou laïques, quelque trouble et quelque désarroi ; plusieurs se sont laissé entraîner sur le terrain de l’ennemi et ont. plus ou moins consciemment, porté atteinte à l’enseignement traditionnel de l’Eglise ; c’est, dans nos rangs, l’erreur moderniste, qui s’est développée parallèlement au rationalisme radical des adversaires de la révélation chrétienne.

De là, ce qui constitue la plus haute mission des universités catholiques ; elles représentent et soutiennent la doctrine chrétienne, dans son intégrité, en face de ses ennemis déclarés et de ses faux défenseurs.

/’) Foyers chrétiens de haute science. — Chose étrange ! ce rôle doctrinal des universités catholiques ne fut tout d’abord que très imparfaitement reconnu par la majorité de ceux-là mêmes qui les fondaient. Au moment où s’inauguraient les premiers cours, le lo décembre 18^5, le P. Didon, dans un article du Correspondant, — non signé, mais qui porte sa griffe, — jetait déjà un cri d’avertissement et d’alarme.

« Lorsqu’on a lii, écrivait-il, avec l’attention qu’ils

méritent, les débats du Parlement » au sujet de l’enseignement supérieur, on reste convaincu que ce qui a poussé les catholiques à réclamer la liberté, c’est surtout une pensée de préservation… La tâche doctrinale de nos universités est immense. Est-elle comprise de ceux-là mêmes qu’elle devrait le plus intéresser ? … Tout a grandi : l’autorité, le sentiment et le zèle, tout, sauf ce qu’il y a de plus expansif et de plus actif, la lumière, la vérité et surtout la vérité religieuse. .. C’est parla supériorité intellectuelle que les peuples arrivent à la prééminence… Lors donc qu’attentifs au mouvement des choses divines et humaines, vous voyez le niveau intellectuel s’abaisser dans un peuple et la doctrine perdre son rang d’honneur dans l’intelligence des croyants, lorsque, pour employer une image des saints livres, le soleil .s’obscurcit comme un sac de crin, tremblez pour ce peuple et craignez pour cette croyance : l’un et l’autre déclinent, ils seront bientôt finis. >>

Ce que redoutait le P. Didon, c’était que nos universités ne fussent la simple copie des universités de 1 Etat, sans programmes à elles, sans esprit doctrinal : ( Ce qu’il nous faut, disait-il encore, ce sont des maîtres comme nous les entendons et des universités de notre style… Or, dans les universités que nous avons en vue, il n’y a de changé que le maître seul ; j’en conclus que ce sont plutôt des universités fondées et régies par des catholiques, que des universités catholiques proprement dites… Elles augmente ront un peu nos forces défensives ; elles ne nous donneront point cette offensive hardie sans laquelle nous ne reprendrons jamais la direction intellectuelle et religieuse du monde… Ce qu’il nous importe de fonder, ce ne sont pas des succursales de l’Université de l’Etat dirigées par des catholiques, mais des universités catholiques vraiment dignes de ce nom… Des universités catholiques qui se fonderaient en ne regardant que le passé ne comprendraient pas la mission qui leur est échue ; vieilles en naissant, elles ne pourraient aspirer à séduire, ni à entraîner la jeunesse ; et le jour de leur inauguration serait celui de leur décès. »

Que voulait-il donc ? Une université « éminemment thcologique », c’est-à-dire, en premier lieu, une université a dont la pierre angulaire fût une faculté de théologie dans laquelle seraient largement enseignées toutes les sciences de l’ordre divin n ; c’est-à-dire, en second lieu, une université dont tout l’enseignement fut dominé par la doctrine chrétienne, refit « en la rajevmissant, la vieille synthèse doctrinale du xii[’siècle Il et constituât « la synthèse nouvelle de tout le savoir humain ». te Les universités libres, concluait le P. Didon, sont la preuve la plus décisive que le catholicisme puisse donner aujourd’hui de sa vitalité. C’est dans ces foyers lumineux qu’il révélera sa doctrine si peu connue souvent de ceux-là mêmes qui la professent et la défendent ; c’est de là qu’il pourra s’imposer aux esprits par l’autorité de l’intelligence… La lutte est ouverte : le champ clos, c’est le pays ; l’arme, les universités. Le catholicisme et le positivisme vont se disputer l’âme de la France. « 

En un langage moins magnifique sans doute, mais plein de bon sens dans sa simplicité, le doyen de la faculté libre de droit â Lille exprimait la même pensée, qui répond d’avance à ceux qui voudraient réduire notre enseignement à celui des sciences sacrées, — montrant ce courant doctrinal qui doit circuler du haut en bas.

« La communication de vie et de science d’une

faculté à l’autre, disait le marquis de Vareilles-Sommières au congrès catholique de 1877, l’échange de lumière et les mutuels services supposent, en même temps qu’ils la fortifient, l’unité morale. Elle n’est guère possible que chez nous, où les ca^urs se rapprochent dans les manifestations religieuses, où une seule vérité suprême rallie toutes les intelligences. Le corps est achevé dans son organisation, l’a me est une..u sommet de cet édifice vivant, la doctrine catholique est officiellement représentée par le théologien et le moraliste, qui sont interrogés par tous et ont eux-mêmes besoin de s’adresser à tous. Commerce admirable qui fait bénéficier chacun du travail de tous et où toutes les sciences ne font qu’une science. »

Les universités catholiques ont-elles de tous points répondu à cet idéal ? Non ; et il me semble, pour être entièrement sincère, qu’il n’est pas encore tout à fait réalisable ; il est trop tôt pour songer à cette grande synthèse des sciences que rêvait le P. Didon, après le P. Gratry et bien d’autres. Du moins nous pouvons la préparer par de lents, consciencieux et minutieux labeurs. C’est en ce sens que nos instituts catholiques ont été, suivant le désir et la formule de Mgr d Hulst, des foj’crs de science chrétienne.

Tout d’abord, ils ont groupé des savants chrétiens, leur ont permis de mettre en commun leurs idées et leurs efforts et de trouver les instruments de travail nécessaires. Bien entendu, nous n’avons pas la prétention de soutenir que nous n’avons mis en ligne que des hommes de premier ordre ; l’Etat non plus, ni aucune institution, quelle qu’elle soit ; mais, dans