Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

87

FOI, FIDEISME

88

logiens et ses apologistes mainliernent la possil)iIité d’une apologélique rationnelle de notre loi, la religion catholique se présente comme une discipline de science et de vérité, comme une école de culture intellectuelle.

Mais, dit-on, le catholique n’est pas libre dans ses recherclies. Ses conclusions lui sont imposées d’avance par une autorité extérieure. Toutd’abord, cela n’est pas vrai quand il s’agit de science pure ; l’Eglise n’intervient pas, que je sache, pourprcscrire au chimiste ou au gcologiie ses méthodes ni sesconclusions. Nous l’avons entendue proclamer solennellement la distinction des domaines et la liberté de la science dans son domaine propre.

Mais il y a des matières mixtes, où les conclusions sont données d’avance. On lentend parfois nier parmi les catholiques, et allirmer qu’il n’y a pas de terrain commun, pas de rencontre possible, ni partant de conflit, entre la science et la Coi. On ne voit pas que cette assertion soit conciliable avec des faits certains ; elle ne l’est pas non plus avec les doctrines et les prétentions de l’Eglise.

En mainte question de science ou de philosophie, l’Eglise est intervenue, non pas sans doute pour dicter ses conclusions au savant ou au philosophe, mais pour l’empêcher de soutenir lelleopinion qu’il croyait autorisée par les faits ouparlasuite de ses réflexions. Il faut ici distinguer deux cas. L’Eglise a sur la matière une doctrine, qu’elle regarde comme de foi on comme nécessairement lice avec la foi. Alors cette doctrine est vraie, et l’Eglise n'ôte au catholique d’autre liberté que celle de l’erreur. N’est-ce pas un précieux service rendu à la science ou à la philosophie de l’avertir que de ce côté il n’y a rien à gagner pour la vérité? En des circonstances analogues, on accepte avec reconnaissance les lumières d’une science supérieure, qui empêchent de faire fausse route dans le domaine où l’on s’est cantonné. On ne voit pas poitrquoi on n’accepterait pas celles que l’Eglise nous offre. Si quelqu’un préfère s'égarer et tonU)er dans les fondrières, cela le regarde ; mais qu’il ne prétende pas servir ainsi la cause delà science — à moinsque ce ne soit la servirquede lui montrer par ses erreurs dans quelle voie elle ne doit pas s’engager ; et le service alors aurait son analogue dans celui que l’Eglise lui rend par ses avertissements salutaires.

La difliculté est plus graiide quand il ne s’agit pas de dogme, mais d’opinions dogmatiques, si je puis dire, d’opinions où le dogme est ou paraît intéressé, mais qui restent des opinions, en attendant peut être qu’elles deviennent des vérités acquises oii des faussetés notoires. Or ici encore, l’Eglise intervient parfois et elle revendique le droit d’intervenir. N’est-ce pas un empiétement sur les droits de la science, et ne savons-nous pas ([u’elle s’est trompée, par exemple dans le cas de Galilée ? Certes, nous n’ouïdicrons pas le cas de Galilée : on se charge de nous le rappeler, à temps et à contretemps. 'Volontiers, je le dirais providentiel, si j’avais à en traiter. Mais il ne vient ici qu'à titre d’exemple. Voir l’article Galilke. On peut mal applii]uer un principe vrai. C’est le principe qui est ici en question. Or, il suffit de le bien entendre : il se justifie alors de lui-même.

Le principe est un principe de prudence et de sécurité. On dit souvent : sécurité de la doctrine ; il faut entendre : sécurité des fidèles. Voici comment l’Eglise procède en cette matière. Quand une opinion lui paraît dangereuse, de nature à compromettre la pureté de la foi ou du sens moral chez les fidèles, elle défend parfois de la soutenir, elle défend de lire tel livre où elle serait soutenue. D’or<linaire, elle n’y engage pas son infaillibilité ; le pape y agit par les Congrégations, ou, si l’on veut,

les Congrégations, agissent au nom du pape : Congrégation de V/iidex, dont les décrets sont purement disciplinaires ; Congrégation du Saint -Office ou Iiiquisilion et Commission biblique, dont les décrets, tout en portant sur la doctrine, ont pour objet direct la qualité morale de la doctrine, si je puis dire, plus que sa vérité spéculative. Je dirais volontiers qu’elle prononce des jugements de valeur, plus que des jugements de vérité. Si l’Eglise était une société de savants, on comprendrait peut-être qu’elle se souciât uniqxumcnt de vérité scientifique ; mais elle est une société de ûdèles, dont la foi est le premier bien et le plus précieux ; elle est une société d'âmes, qui feraient naufrage en perdant la ft)i, et qui ne voit que l’intérêt de la science doit passer ici en seconde ligne ? Certes, l’Eglisen’a jamais dit et ne dira jamais, au sens brutal de ceux qui firent, dit-on, mourir Lavoisicb, sans lui laisser le temps d’achever une expérience célèbre, qu’elle « n’a pas besoin de savants » ; mais qui lui reprochera, quand lintérèt des âmes est en jeu, de sacrifier au besoin l’intérêt de la science ? Soit dit pour aflirmer le principe. Mais en fait, il n’y a pas de réel sacrifice à faire ; ou, s’il y en a, il se réduit à peu de chose. Pour un temps, tel décret du Saint-Oflice pourra, comme dans le cas de Galilée — et les cas analogues, s’il en est, restent infiniment rares — arrêter ou retarder la reconnaissance ou l’acquisition d’une vérité secondaire. Mais comme le conflit n’est jamais qu’apparent entre la science et la foi, car le vrai ne s’oppose pas au vrai, et comme les décrets de l’Eglise, loin de s’opposer à

i l'élude d’une question, la provoquent bien plutôt et forcent à y regarder de plus près et à procéder avec plus de rigueur, le départ se fait vile de ce qui compromettrait vraiment la foi et de ce qui la côtoie sans la heurter.

Ce n’est donc que per accidens, comme disent les philosophes, rarement, pour un temps, dans des cas exceptionnels, que l’intervention de l’Eglise pour sauvegarder la foi peut gêner le libre développement de la science. Combien plus souvent il est gêné par des causes purement humaines, une guerre, des rivalités de savants, des antipathies de nations, et mille autres causes plus ou moins avouables I Encore, en ces cas exceptionnels, l’intervention de l’Eglise pour protéger la foi lémoigne-t-elle d’un rare souci de la vérité humaine ; car aucune vérité, axix yeux de l’Eglise, n’est dangereuse pour la foi ; mais seulement l’erreur, sous le couvert de la vérité. Bref, plus un

j chrétien a l’esprit de foi, plus il est sur de sa foi, plus il doit par là même être sympathique à toute vérité ; et si quelques chrétiens éprouvent une défiance instinctive pour ce qu’on nomme la science, ce n’est pas à la vraie science qu’ils en veulent, mais à je ne sais quelles attitudes fanfaronnes ou suflisantes, soit de faux savants, soit de spécialistes, qui sortent de leur spécialité pour philosopher à tort et à travers sur les choses religieuses.

Il reste toujours, objecte-t-on encore, que, dans les questions qui touchent ou pourraient toucher la foi, le croyant n’est pas parfaitement libre. Son siège est fait ; ses conclusions lui sont dictées ; au lieu de se laisser guider par les faits et par les textes, il ordonne nécessairement les faits et les textes dans le sens de ses idéespréconçues, de scspréjugés. A cette objection, quelques catholiques ont répondu que le croyant, pendant son travail, fait abstraction de sa foi ; c’est seulement le travail scientifique ou philosophique achevé, qu’il vérifie si ses conclusions de savant ou de j)hilosophe sont d’accord avec sa foi, pour les harmoniser au besoin. Et cette harmonisation est légitime ; cardes conclusions contraires à une vérité (le foi ne sauraient être vraies. Il devra donc reviser