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[NSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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a) Si le pays a conservé l’uiiilé de croyances, c’est-à-dire si la grande nmjorilé des cilojens continue de professer la relij^ion catholique, renseignement du catéchisme doit nécessairement faire partie des programmes scolaires. C’est ce qui se pratiquait en France avant les réformes de J. Ferry. Mais il est clair que les membres des cultes dissidents peuvent ouvrir des écoles confessionnelles et que, là où cette ouverture n’est pas possible, leurs enfants ne sauraient être contraints à suivre le cours d’instruction religieuse donné aux élèves catholiques.

0) Si, au contraire, le pays est profondément divisé au point de vue des croyances, la situation devient plus complexe. Tout d’abord, l’Etat doit laisser aux représentants des cultes reconnus la faculté d’ouvrir des écoles confessionnelles en libre concurrence avec les écoles publiques. Dans les communes où, à défaut d’écoles libres, les écoles olUcielles sont fréquentées par des enfants appartenant à des cultes différents, la neutralité confessionnelle s’impose, c’est-à-dire l’abstention au sujet des points de doctrine qui opposent entre elles deux ou plusieurs confessions chrétiennes. Mais, là même, un temps convenable doit être réservé à l’instruction religieuse, elles ministres des différentes confessions doivent avoir libre accès à l’école publique pour y faire à leurs fidèles un cours de religion approprié. En outre, l’enseignement commun à tous les élèves donné par l’instituteur doit s’inspirer des principes de la religion naturelle et de la philosophie spiritualiste, qui sont la base indispensable de l’édifice social. Ces principes fondamentaux sont : l’existence d’un Dieu |)ersonneI, infiniment parfait, la liberté de l’homme, l’immortalitéderàmeet les sanctions de la vie future. Nous l’avons prouvé plus haut (B, 3") en montrant que la neutralité absolue, areligieuse, autant dire athée, est inadmissible et d’ailleurs, on va le voir, impraticable. Le Conseil supérieur de l’instruction publique sembla l’entendre ainsi, car il maintint, surles programmes de 1882, les devoirs envers Dieu. Jt’LES Ferry lui-même, en pleine Chambre, le 28 décembre 1880, a formellement déclaré qu’il repoussait la neutralité absolue ou philosophique, qui consiste précisément à bannir de l’école le Dieu qu’enseignent la religion naturelle et la philosophie spiritualiste :

« Il y a deux sortes de neutralité ou, si vous voulez, 

deux manières de comprendre la neutralité dont il s’agit : il y a la neutralité confessionnelle et la neutralisé ^/H/o.so^A/f^Ke. Et c’est résolument que je dis : il ne s’agit, ici, dans cette loi, que de neutralité confessionnelle », c’est-à-dire la neutralité entre les diverses religions positives. Il a répété la même déclaration, au Sénat, le 10 juin 1881. Nous enregistrons ces déclarations réitérées comme des aveux bons à retenir. Mais il semble bien que la neutralité confessionnelle fut acceptée par J. P’erry, parce qu’elle était à ses jeux une transition habile pour préparer les esprits à l’idée de l’école purement laïque.

D’ailleurs, la neutralité absolue, si elle n’était condamnable en soi, parce qu’elle est un outrage à la majesté divine, serait encore à repousser, car elle est :

a) Nuisible à l’école. — Un enseignement neutre est irrationnel et stérile : sans une direction déterminée il piétine sur place et ne mène à rien. « On n’est pas neutre entre la vérité et le mensonge. Il faut choisir, il faut dire où l’on va, quand on se charge de conduire les autres. » (J. P.4.YOT, dans la revue Ae Volume, 27 juin 1908.) Bien avant le recteur de l’Académie de Chambéry. Jules Simon avait formulé cet arrêt de condamnation : « L’école neutre, c’est l’école nulle. »

b) fmpralicahle. — Nous emprunterons nos cita tions à des personnages qui ne sont pas suspects de cléricalisme. Entendons d’abord M. Clkmbnckao : .( Enfin, dans cet enseignement, il faudra bien que le professeur dise quelque chose. Il faudra bien qu’il l)renne parti, il faudra qu’il dise s’il approuve ou s’il blâme. Quand il arrivera à l’histoire de Tibère et quand il lui faudra raconter certain drame de Judée, quelle opinion aura-t-il ? Que dira-t-il ? Est-ce que Jésus-Christ sera Dieu ou homme seulement ? » (Discours au Sénat. Cf. Journal officiel, 18 novembre igo3, p. 13^1.) M. Payot est plus explicite encore : ’< On arrive aujourd’hui à cette situation qu’il est impossible à un esprit afTranchi des religions confessionnelles de prononcer un mot qui soit vraiment neutre. » (Correspondance de la /.ii ; ue de l’enseignement, 12 avril 11J08.) M..ulard va jusqu’à dire :

« La neutralité est une blague, un trompe-l’œil, un

mot vide de sens… Un instituteur laïque, s’il est honnête homme, ne peut faire autrement que d’y manquer, sous peine de ne rien enseigner, ni en morale ni en histoire, sous peine de renoncer à son rôle d’éducateur. » (Article dans Le Matin, 14 septembre 1908.)

La loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire était équivoque. Dans la séance du /j juillet 1881, J. Simon avait fait voter par le Sénat un amendement qui maintenait l’obligation d’enseigner la religion naturelle à l’école. Mais la Chambre le repoussa pour voter le texte suivant : « L’enseignement primaire comprend l’instruction morale et civique. )’Tel quel, cet article proclame la neutralité scolaire absolue, c’est-à-dire la neutralité et philosophique et confessionnelle, puisque tout enseignement religieux, même du simple point de vue naturel et spiritualiste, se trouve banni. Néanmoins, on l’a noté plus haut, les programmes conservèrent la mention de Dieu et des devoirs envers Lui.

Cette situation de l’enseignement était pleine d’ambiguïté. Pendant quelque temps, on maintint, conformément aux programmes, le souvenir de Dieu, que la loi passait sous silence. Peu à peu, nombre d’instituteurs, forts de la légalité, laissèrent tomber dans l’oubli les devoirs envers Dieu. Mais, comme la neutralité absolue est un état d’équilibre instable, ils en vinrent assez vite à l’hostilité déguisée,.aujourd’hui, c’est l’hostilité ouverte : un ministre de l’instruction publique, M. Steeg, n’a-t-il pas déclaré, sans réticence ni ménagement, que l’école laïque est a l’école sans Dieu « ? Voilà l’aboutissement logique d’une neutralité fondée sur une équivoque et peut-être sur un calcul hypocrite. C’est du moins l’avis de M. Jaurès : « L’hypocrisie de ses origines suffirait à condamner la campagne pour la neutralité scolaire. » (ftetue de l enseii ; nement primaire et primaire supérieur, Il octobre iyo8 : Revue sociale, p. 21.) Cf. Yves DE LA Brière, Jules Ferry et l’école laïque, dans Etudes, 1910, t. CXXV, p. 720--28.

Etant donné qu’en cas d’insullisance de l’initiative privée, l’Etat doive fonder un certain nombre d’établissements scolaires, quelle situation légale faut-il leur accorder ? Ces écoles ollicielles seront-elles avantagées ? Recevront-elles des subsides spéciaux ?

— Elles doivent être traitées sur le pied des écoles libres. La justice distributive exige en effet que les subventions, alimentées par l’argent des contribuables, soient équitablement réparties entre les divers établissements, d’après le nombre des élèves qui les fréquentent ; elle réclame, en outre, que les récompenses et encouragements soient distribués selon les mérites des maîtres qui concourent à l’œuvre nationale de l’éducation. Autrement, les citoyens, dont les préférences sont pour l’enseignement libre, seraient injustement frappés d’une charge onéreuse,