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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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de tous les citoyens. » (P. Lkroy-Bkaulieu, l’Etat moderne et ses fonctions, 1. III, cli. i, p. g^- 3’édit., Paris, lyoo.) L’adiuinistratioii de la justice et l’organisation de l’armée rentrent, d’un consentement unanime, dans cette catégorie de besoins communs, qui nécessitent l’intervention d’une autorité centrale s’imposant à tous. L’instruction est assurément, elle aussi, un « besoin commun » ; mais il peut y être convenablement pourvu, en tout ou en partie, selon les circonstances contingentes de temps ou de pays, par l’initiative privée. L’Etat ne doit donc intervenir que pour suppléer à l’insullisance des particuliers, comme nous l’établirons plus bas. Les seules écoles que l’Etat — pourvu qu’il respecte la liberté de conscience — ait, en toute hypothèse, le droit de fonder et d’entretenir aux frais des contribuables, ce sont les écoles spéciales nécessaires pour recruter les auxiliaires dont il a besoin en vue d’assurer le bon fonctionnement des services publics : par exemple, écoles militaires, écoles d’ingénieurs.

Instance. — L’Etat est directement intéressé à l’éducation des enfants, puisque ce sont des citoyens en germe. Nous ferons droit, bientôt, à cette instance.

c) Des arguments de fait militent aussi contre le monopole de l’Etal. En matière d instruction, comme dans les autres branches de l’administration, le système centralisateur est détestable : c’est une machine lourde, lente, coûteuse, routinière, impersonnelle. Privé du stimulant énergique de 1 énmlation, l’Etat enseignant tombe dans la somnolence ; puis, quand le vice du système apparaît trop criant, il se met, pour y remédier, à bouleverser brusquement méthodes et programmes, ce qui achève de compromettre le succès des études. Aussi a-t-on pu dire, eu toute vérité, qu’il oscille « entre la routine prolongée des méthodes et leur soudain et radical changement » (P. Lehoy-Beauliei-, op. citV, ch. iii, p. 278-^74). Les expériences lamentables auxquelles, depuis trente ans, l’enseignement officiel en France s’est livré ont prouvé, une fois de plus, la malfaisante incompétence de l’Etat au point de vue pédagogique. C’est une contre-épreuve décisive apportée par les faits aux raisons théoriques que nous avons avancées ci-dessus (cf. C, 1°, a, h). Concluons donc avec M. Emile Faguet que l’Etat ne doit pas se mêler des choses de l’enseignement, « parce (lu’il n’est ni un professeur, ni un philosophe, ni un père de famille », et aussi’( parce que, quand il s’en mêle, il est le plus souvent très maladroit, et assez souvent ridicule » (l.e l.iliéralisme, p. lOi-iGa, Paris, 1902) ; et avec M. Clemenceau s’écriant en plein Sénat : « L’Etal a trop d’enfants pour être un bon père de famille ! » (Discours du 30 ocl. 1902.)

2° Légitimité de Valistention. — L’Etat doit s’abstenir d’enseigner : voilà l’altitude normale. C’est la conséquence logique de ce qui vient d’être exposé. Les parents commencent l’éducation de leurs enfants ; mais la plupart, faute de temps et de science, sont dans l’impossibilité de la conduire à terme. Dans ce cas, ils délèguent leur autorité à des personnes ayant leur confiance, afin qu’elles achèvent l’ccuvre ébauchée par eux. Quelques-uns peuvent se payer le luxe d’un précepteur, qui poursuivra l’éducation sous les yeux mêmes et le contrôle immédiat de la famille. Les autres sont contraints de recourir à des maîtres du dehors. Puisque l’Etat n’a i)as mission pour donner l’enseignement, il appartient à l’initiative privée de pourvoir à ce service. C’est donc aux particuliers ou aux associations, soit laïques, soit ecclésiastiques, formées librement, que reviennent la charge et l’honneur d’olfrir au choix des parents leurs écoles, collèges et universités, c’est-à-dire l’enseignement à

tous les degrés, primaire, secondaire et supérieur, sous la garantie de leur honorabilité, dont ils auront fourni des gages, et sous la surveillance des pouvoirs publics, dont nous déterminerons l’étendue (cf. infru, 4").

Celle situation comporte naturellement la liberté des programmes et des méthodes, ainsi que la faculté pour le dirccleurde chaque établissement de recruter, sous sa responsabilité personnelle, des auxiliaires appropriés. Au début, quand un établissement se fonde et, partant, n’a pu encore faire ses preuves, l’Etat pourrait exiger du directeur certaines garanties de capacité, comme la présentation d’un diplôme décerné par le jury d’une autre maison d’enseignement. A l’issue des classes ou des cours, les divers établissements feraient passer les examens à leurs élèves et délivreraient les eerliûcats ou diplômes en rapport avec leur propre enseignement. Les maisons concurrentes seraient les premières inléressées à fournir une instruction solide et à conférer des certificats ou des diplômes mérités, car promplement, à l’expérience, iine sélection s’opérerait entre les universités, collèges et écoles en rivalité. Nous en avons pour garants, d’une part, la vigilance des familles qui, d’ordinaire, ne placent leur confiance qu’à bon escient, et, de l’autre, la perspicacité toujours en éveil de ceux qui ont un intérêt majeur à n’utiliser pour leurs entreprises que des auxiliaires leur offrant toute sécurité.

3° Légitimation de la concurrence. — La troisième et dernière hypothèse est celle de l’Etat qui enseigne concurremment avec les particuliers. Cette attitude est anormale en soi, puisque, on l’a vii, l’Etat régulièrement doit se renfermer dans l’abstention. Mais il est des époques où semblable intervention de l’Etat peut être nécessitée et régularisée par des circonstances impérieuses et rentrer ainsi, accidentellement, dans ses attributions. C’est un pis-aller provisoire. Là où l’initiative ])rivée (individuelle ou collective) est impuissante, l’Etal doit la remplacer ; là où elle est insullisanle, il doit la compléter. Partout où celle initiative sullil à la lâche, l’Etat n’a point à s’en mêler, car l’homme n’entre en société que pour jouir tranquillement de ses droits naturels et il ne doit consentir à leur limitation qvie dans la mesure où ce sacrifice est nécessaire au bon fonctionnement de la société, dont i)rolitenl tous ses membres. Le rôle de l’Elat par rapport au bien à faire est donc supplétif. Par destination, le gouvernement n’est pas l’agent direct du progrès, mais seulement son auxiliaire. Son intervention devient légitime quand ceux qui doivent remplir un service social en sont incapables ou empêchés. Alors l’Etat, par la force des choses, est substitué à l’agent naturel : l’individu, la famille ou les associations. C’est un agent accidentel, un « subslilut provisoire », qui devra donnersa démission, dès que les circonstances nécessitant son immixtion passagère auront disparu. Ce qui faisait direà Jules Simon, parlant au Congrès des sciences sociales à Gand : « L’Etat enseignant doit [)réparer son abdication. »

Or il peut arriver que les simples particuliers et les associations, laïques, ecclésiastiques ou religieuses, soient dans l’impossibilité d’assurer complètement et convenablement le service scolaire d’un pays. En cette occurrence, le gouvernement a le droit et le devoir de procurer aux citoyens les moyens qui leur manquent pour l’éducation de leurs enfants. Il ouvrira donc des écoles, collèges et universités en proportion des besoins à satisfaire.

Dans quelles conditions l’Etat devra-t-il fonder CCS établissements oincielsd’inslruclion ?La réponse dépendra des circonstances :