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INSPIRATION DE LA BIBLE

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est l’objet n’en ait pas conscience. Mais mettons que l’écrivain sacré se sente sous l’inspiration divine, son téni()ignaj, ’e sulTira-t-il, à lui seul, pour la certifier à autrui, et surtout à l’Eglise entière ? Quelle preuve donnera-t-il qu’il n’est ni trompé ni trompeur ? En (lclinilie, il aura besoin d’un signe divin qui rende acceptable son témoignage. Du reste, s’il est Apôtre ou Prophète, cette attestation divine [lourra se ramener à la mission publique dont il se trouve déjà autbentiquenient investi.

/() L’etTet de l’inspiration le plus tangible et le plus durable est l’Ecriture elle-même. Encore que le contenu de la Bible soit un récit lidèle de la révélalion : doctrine, prophéties, miracles, etc, il ne s’ensuit pas de ce seul chef que le texte lui-même ait été écrit par inspiration divine (voir ci-dessus, II, 2, h). A n’envisager que son contenu, la première lettre de Clément de Rome peut soutenir avantageusement la comparaison a’see plus d’un livre de la Bible, et pourtant elle n’a pas été admise dans le Canon. En outre, antérieurement à la foi dans l’autorité divine de l’Ecriture, comment faire la preuve qu’elle contient toute la révélation et rien que la révélation, surtout si, avec les protestants, on n’admet, surce terrain, que le témoignage de l’Ecriture ? Enfin, tout eu convenant que la doctrine biblique, surtout dans le N. T., présente par sa plénitude, son élévation et sa pureté, un miracle moral, il faut bien accorder aussi que ce critère n’est pas à la portée de tous, à cause de sa complexité. En particulier, son insullisance est manifeste en ce qui concerne certains livres ou portions de livres de l’A. T., dans lesquels la conception de Dieu, de la religion, de la loi morale sont resléessi imparfaites que l’apologiste a quelque peine à les justifier. Du reste, si ce critère ne suflit pas à établir avec certitude le caractère inspiré d’un texte, il peut s’opposer victorieusement à ce qu’un livre soit tenu pour tel. Des erreurs manifestes contre la saine raison ou la vérité révélée déjà connue sont une preuve péremptoire que Dieu n’a pas inspiré le texte dans lequel on les rencontre.

c) Restent les effets du texte inspiré lui-même sur celui qui le lit. On aditque la Bible se révèle comme inspirée parce qu’elle est inspiratrice, en répandant dans les âmes lumière et chaleur. Incontestablement, l’expérience, la tradition, S. Paul (Rom., xv, 4 ; II Tini., III, 16) s’accordent à attester l’utilité qu’il y a à lire l’Ecriture, la saveur qu’on y trouve. Mais l’expérience apprend aussi que cette elTicacilé du texte sacré varie avec les livres et les dispositions du lecteur. En vérité sont-ils nombreux ceux qui éprouvent plus de goût à lire le Lévitique ou les généalogies des Paralipomènes que l’Imitation de Jésus-Christ ? La lecture du Coran procure au mahométan une émotion religieuse parfois très intense. S. Augustin atteste qu’il fut excité à l’amour de la Sagesse incréée par la lecture de l’Hortensius de Ciccron, et qu’à ce moment même, il ne se sentait aucun attrait pour la Bible, à cause de la simplicité de son style. Cnnfess., III, iv et v.

d) Pour suppléer au manque d’attrait naturel, on en a appelé à une illumination de l’Esprit-Saint dans tout lidèle qui aborde, avec bonne volonté, la lecture de la Bible. Sans contester que Dieu ne puisse secourir de la sorte et qu’il ne secoure en elTel parfois notre faiblesse, l’expérience prouve que cette intervention reste extraordinaire ; tout le monde, luéme parmi les ànies de bonne volonté, ne se sent pas, en ouvrant la Bible, envahi par le Saint-Esprit. S. Augustin lui-même avoue avoir été rebuté par la

lecture d’Isaïe au début de sa conversion. Confess., IX, v. L’étude des Ecritures a toujours été réputée une des plus difliciles en théologie. Dans la primitive Eglise, on regardait comme l’efTet d’un charisme extraordinaire de les comprendre et de les expliquer excellemment. Enlin, il n’est pas vraisemblable, mais tout à fait contraire à l’économie de l’.^ncien et du Nouveau Testament, que Dieu ait voulu assurer la vérité et l’intégrité de la foi publique par une révélation immédiate et privée. Le péril d’hallucination et de fanatisme est ici manifeste, et l’histoire nous apprend qu’on n’a pas toujours réussi à l’éviter. Voir à ce sujet l’anglican F. W. Far-RAR, llislory of inierpretatiun of tlie Bible (London, 1886).

2. Critère traditionnel. — Le critère positif et adéquat de l’inspiration est le témoignage de celui qui en est l’auteur. Or, tout témoignage proprement divin se ramène en déllnitive à quelque révélation. La révélation immédiate et privée une fois exclue, il ne reste plus qu’à parler d’une révélation d’ordre public, c’est-à-dire adressée à tous par l’intermédiaire d’un légat divin et soumise au contrôle officiel de l’Eglise. Parfois c’est l’écrivain lui-même, déjà investi d’une mission divine permanente, qui atteste sa propre inspiration. C’est le cas de l’Apocalypse (i, 3 ; xxii, 18), et vraisemblal)lementdes Prophètes de l’Ancien Testament. La tradition est silencieuse sur la manière dont fut tout d’abord manifestée l’inspiration des autres livres. Si l’on met à part une tradition contestable sur l’origine du Quatrième évangile (consignée dans le fragment dit Canon de Muratori, lin. lo), rien de positif n’autorise àaffirmerqu’il y ait eu une révélation expresse pour chaque livre en particulier. Dans leurs controverses surlacanonicité de certains textes (l’Apocalypse, l’épitre aux Hébreux, les Epltres catholiques), les anciens (m’et iv<’siècles) en appellent déjà à la tradition ecclésiastique à leur sujet. Mais la tradition ne fait que transmettre une croyance initiale. Comment a commencé cette croyance ?

Pour l’Ancien Testament, les chrétiens avaient le témoignage du Christ et des Apùtres, dont l’altitude vis-à-vis des Ecritures juives était une conlirmation authentique de la foi de la Synagogue. En ce qui concerne le Nouveau Testament, la chose est plus difficile à déterminer. Des auteurs (Uualdi, Schanz, etc.) estiment que la grâce d’inspiration faisait partie intégrante de la mission apostolique ; tout texte religieux sorti de la plume d’un apôtre devait être tenu à l’égal des anciennes Ecritures. Cette révélation générale faite une fois pour toutes aura été appliquée à chacun des livres canoniques à mesure que l’Eglise acquérait la certitude qu’il était bien l’œuvre d’un apôtre. Il n’est pas vraisemblable que l’on ait attendu jusqu’à l’apparition de la IT’Pétri, iii, 15, pour croire à l’inspiration des épîtres de S. Paul. Du reste, ce passage suppose que l’inspiration des Epîtres est déjà connue. Ce n’est pas à dire que l’origine apostolique soit un critère exclusif de l’inspiration. Tout écrit d’apôtre est inspiré, mais tout écrit inspiré n’est pas nécessairement d’un apôtre : témoin le second et le troisième évangile. Cependant, ces textes eux-mêmes peuvent se réclamer d’une origine apostolique médiate : ils ont été écrits par des disciples d’apôtre, et vraisemblablement Pierre et Paul ou tout autre apôtre ont rendu témoignage à l’œuvre de leurs évangélistes.

Cette opinion, pour plausible qu’elle paraisse, n’est pas courante ; elle a même contre elle le plus grand nombre des théologiens, notamment le cardinal Franzklin, p. 377-391. On peut, semble-t-il, retenir