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FOI, FIDEISME

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des païens, L. Capéran, Le prohlhne du salut des infidèles, Paris, 1912.

B. La critique de Sully Prudhomme. —

Parmi les ineroyanls qui se sont occupes du problème de noire foi, Sllly Prudhomme mérite une attention spétiale. Il a cherché sérieusement, il a même lu quelques écrits catholiques ; par ses études sur Pascal, il a été amené à étuilier les principaux problèmes qui touchent l’apologétique de la foi, et il a conclu contre le bien-fondé de la doctrine catholique. .., et il semble avoir conclu avec regret, car il avait gardé des attraitset des sympathies pour lafoi de son enfance. Il a dit ses raisons dans sonlivre sur La vraie religion selaii Pascal, Paris, igoS, et de grands esprits comme.M. Poincaré, qui en parlait naguère à l’Institut, les ont regardées comme décisives, au point que, selon M. Poincark, il est acquis désormais que notre foi, en nous donnant à croire les mystères chrétiens, nous oblige à croire des eontradictifins. Il paraît donc utile et intéressant de suivre Sully Prudhomme dans sa critique. L’apologétique de la foi n’a guère rencontré d’adversaire plus sérieux.

Onpeut rameneràdeuxquestionsles points examinés par Sully, celle des raisons de croire et celle de la foi aux mystères chrétiens. Nous commencerons par la seconde, bien que le contraire puisse sembler plus logique au premier abord. C’est que Sully Prud’homme a été frappé surtout par les contradictions qu’il a cru voir dans les énoncés mêmes de nos mystères, et que l’examen des raisons de croire est superflu si ce qu’on nous propose à croire est absurde.

I. La foi aux mystères chrétiens. — « Nous n’avons pu, écrit Sully Prudhomme dans YAvant-Propos de son livre, page ix, dissimuler certains paralogismes qui nous ont paru inhérents au dogme même, et que Pascal était obligé d’admettre à moins de renoncer à sa foi. » Il a consacré à la question le chapitre m de la quatrième partie, page 322-326, et tout un Appendice, page 391-414. Dans le chapitre, il expose fort bien le problème, et il pose en thèse que la « définition orthodoxe du mystère… qui est d’accord avec l’idée que se fait Pascal du mystère, ne s’accorde pas avec la formule dogmatique de chaque mystère, laquelle n’énonce réellement pas un fait inexplicable, maisesl contradictoire ». Titre du chapitre, page 822. Dans V Appendice, il s’efforce de prouver sa thèse en faisant la « critique des formules dogmatiques par les règles de Pascal pour les déûnitions ». Titre de V Appendice, page 391.

On ne saurait mieux faire, semblc-t-il, que de suivre pas à pas l’argumentation. La question est traitée ex professa : l’auteur y a beaucoup réfléchi, il procède avec un sérieux et une rigueur de méthode, avec un souci d’exactitude, qu’on ne rencontre guère parmi ceux qui attaquent nos dogmes. Lui-même nous y engage, en écrivant, à la fin de son Avant-Propos, page X : « Plus encore que nous ne craindrions le désaveu de Pascal, s’il pouvait nous lire, nous redouions le dédain des théologiens ; ils ont le droit de nous demander de quoi nous nous mêlons. » Nous ne lui deruanderons pas de quoi il se mêle, ce qui ne serait pas une réponse ; mais nous verrons, en le suivant de près, que le paralogisme n’est pas du coté de Pascal, mais du sien. Pascal, fait remarquer Sully Prudhomme, en faisant profession de croire aux mystères, bien qu’ils fussent « incompréhensibles », entendait parler de leur transcendance par rapport à la raison humaine, et telle est, en efl’et, la notion orthodoxe du mystère celle que donne, par exemple, le catéchisme du diocèse de Paris : « Un mystère est une vérité révélée de Dieu, que nous devons croire.

quoique nous ne puissions pas la comprendre, i^ Mais, reprend Sully Prudhomme, « si l’on examine de près la formule dogmatique de chacun des mystères, on s’aperçoit qu’elle ne répond pas à leur définition générale relatée plus haut. On découvre que la formule de chacun d’eux est incompréhensible, non point parce qu’elle signifie une chose inexplicable à l’esprit humain, mais parce que, en réalité, elle ne lui donne rien à expliquer. Elle est, en effet, contradictoire, ce ([ui la dépcuiille de tout sens. Il n’est pas vraisemblable que Pascal attache sa foi à une simple suite de sons, et c’est ce qu’il fait néanmoins. Si audacieuse que paraisse une telle imputation, il sullira, pour la justifier, de l’appuyer sur les moyens de contrôle fournis par Pascal lui-même, c’est-à-dire d’appliquer à la formule dogmatique de chaque mystère les règles qu’il a établies dans son opuscule intitulé De l’esprit géométrique, mais qu’il y déclare n’être pas spéciales à la géométrie, et où il entoure de précautions minutieuses l’usage des mots pour assurer le respect de la convention qui leur prête un sens déterminé. » La vraie religion selon Pascal, IV partie, c. iii, p. 222-226. Sully Prudhomme a « essaye cette critique », en l’appliquant à la formule de nos principaux mystères. Nous n’avons pas à défendre ici chacun de nos dogmes. Mais il faut voir au moins, sur quelques exemples, comment l’auteur croit démontrer sa thèse, pour savoir à quoi se réduit l’objection, ci L’Eglise seule, dit-il avec justesse (et plut à Dieu que tout le monde l’entendu ainsi), a qualité pour définir les dogmes chrétiens ; nous en acceptons les formules telles que nous les trouvons dans les ouvrages autorisés par son approbation. » (Livre cité. Appendice, p. 392.) Il prend donc la définition du mystère de la Trinité, telle cjue la donne le catéchisme du diocèse de Paris. « Cette formule, ajoute-t-il, s’adressant à notre créance, nous sommes en droit de demander qu’elle ait un sens quelconque. » Nous sommes d’accord sur ce point. Ce qui suit est aussi très juste. Il Assurément ; il ne s’agit pas pour nous de pouvoir expliquer le fait énoncé ; car s’il nous était explicable, il ne serait plus mystérieux ; il s’agit simplement d’examiner si la formule propose réellement quelque chose à notre créance. Pour qu’elle le fasse, il faut que chacun des mots qui la composent soit attaché à un objet plus ou moins défini, réel ou imaginaire, mais, dans tous les cas, assez nettement indiqué pour ne pouvoir être confondu avec nul autre. » Lhid., p. 3g3. Reste à faire l’application. En définissant le mot personne et substituant mentalement, suivant le conseil de Pascal, « la définition au défini », nous arrivons à ceci : Dire qu’il y a trois personnes en Dieu, c’est dire qu’il y a en Dieu trois individualités distinctes. D’autre part, cependant la formule du mystère déclare qu’il n’y en a qu’une, celle de Dieu même : le Père est Dieu ; le Fils également ; le Saint-Esprit également ; les trois personnes divines ne sont qu’un seul et même être individuel. 1) Le critique ou bien confond à tort 1 être individuel » avec « imlividualité », ou bien il nous prête ; ’i tort la formule qu’en Dieu il y a a trois individualités 1) et un seul « être individuel ». Les mots a individualité » et « être individuel », qu’il substitue à nos formules, sont ambigus. Dieu est nn être individuel, si par là on entend nature distincte de tout ce qui n’est pas elle ; mais la question reste si cette nature subsiste en une personne ou en trois, est possédée par un ou par trois : si par être individuel on entend une nature qui ne puisse être possédée que par une personne, ou bien on confond nature el personne, ou bien on fausse le sens du dogme catholique. Bref, c’est le critique qui manque aux prcscrip-