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INQUISITION

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pape et compilateur du Corpus jiiris, il avait plus que personne contribué à en Uxer la législation. Ce furent donc des hommes de métier qui rédigèrent ce Directoire, et leurs qualités lui communiquèrent un tel crédit qu’il fut adopté par les inquisiteurs du Languedoc eu même temps que par ceux d’Espagne ; on le trouve dans leurs recueils spéciaux, et c’est dans leurs archives qu’il a été copié, pour le fonds Doat de la Bibliothèque nationale (Douais,.S. Jtarmond de Peiinnfort et les héréliques dans le Moyen Age, 1899, pp. 305-315). Mgr Douais l’a édité dans le Moyen Age. C’est un code fort intéressant de procédure inquisitoriale, comme l’indiquent les titres de ses chapitres : (I Queritiir gui dicantur heretici, qui suspecti, et sic de singulis. — Queiitur de liereticis dogmatizantibtis et relapsis in credentiain quid sit agendiim. — Ouerilur de furina ahjurationis. — Querilur de forma purgationis. — Qualiter compurgatores jurare delieant. — Qualiter sacerdos del/eat inqnirere m con/’essiouilius de fado heresis. » Au tome V de leur Ttiesaurus no^us anecdotorum, Marlène et Durand ont édité deux autres de ces manuels inquisitoriaux, contenant à la fois des résumés des doctrines hérétiques, des formules de procédure et des instructions à l’usage des inquisiteurs. Le premier concerne surtout les Vaudois ou les Pauvres de Lyon. Après plusieurs chapitres sur les doctrines et les mœurs de ces sectaires, ainsi reconnaissables d’après ce signalement, l’auteur examine la manière de les découvrir et de les arrêter, de les ramener à la foi par la crainte de la mort ou de la prison, de les intei-roger. Il simule même un interrogatoire en mettant eu scène les échappatoires et les stratagèmes auxquels ont recours les héréliques et ({u’il faut prévoir pour les déjouer.

Comme l’indiquent ses premières lignes, le second traité, publié dans le Thésaurus et intitulé f)e modo prucedendi contra lierelicos, a pour objet d’indiquer comment on procède contre les Cathares in partihus Carcassonensihus et Tlwlosanis. La première partie est la reproduction du Directoire de S. Raymond de l’ennafort qui n’était donc pas inédit, comme l’allirmait, en le publiant, Mgr Douais, puisque Martène et Durand l’ont publié en 1717, soit 172 ansavant l’édition parue dans le Moyen Age. La seconde partie est un recueil de sentences des inquisiteurs de France et de Languedoc, que l’auteur présente comme des modèles aux autres inqidsileurs. Il y a aussi des formules de réconciliation des Parfaits et des Cro3’anls, de condamnation pour contumace, de condamnation de relaps, d’excommunication contre des rela|is contumaces, de pénitence et d’absolution, de comnuitation lie la peine de prison en une antre peine, de ((unocation du clergé et du peuple i)Our un auto-dafé, des réquisitions pour faire arrêter des prévenus en fuite ou liabitant d’autres pays, etc. Ç/’liesauriis noyus, V, pp. i ; 77-1814).

Beuxard Gi I eut, <le son temps, une compétence toute particulière en matière incpusitoriale. Il avait vécu, dés sa jeunesse, dans l’ordre dominicain, qui lui avait confié de hautes fonctions en Languedoc : pendant dix-huit ans, de 1303 à 1328, il fut lui-même inquisiteur à Toulouse. Il était donc bien qualilié pour faire part à ses successeurs de son expérience en leur laissant un manuel ou Practica de l’Inquisition. Cet ouvrage, dit avec raison son éditeur, doit être regardé comme un des documents les plus imporlants de rinfpiisilion méridionale ; il nous donne i’enscudile desacles successifs du tribunal, dei>uis le moment où il commence à informer jusqu’à celui oii il prononce la sentence ; il émane d’une main habile, honnête et sûre "(Mgr Douais, f.e.i sources de l’histoire de l’Inquisition, p. 78).

On peut se rendre compte de l’intérêt de ce manuel

d’après le résumé succinct que donne MgT Douais de son contenu : « i"^" partie : Formules de lettres ayant trait soit à la citation ou à l’arrestation des personnes suspectes d’hérésie, soit à l’appel des témoins ou conseillers dont l’intervention était nécessaire ; 2" partie : Formules des lettres principalement relatives aux actes gracieux qui d’ordinaire se faisaient au commencement des sermons des inquisiteurs, tels que l’enlèvement des eroix et l’élargissement des emmurés ou prisonniers, l’imposition des pénitences arbitraires, comme pèlerinages et port de croix, l’octroi des grâces en dehors du sermon ; 3’partie : Formules des actes qui se faisaient aux sermons : prestation de serments, excommunication de ceux qui suscitaient des ditDcultés aux inquisitions, enlèvement des eroix, exposé des fautes, abjurations, condamnations, sentences, dégradations, emprisonnement, absolutions, etc. ;  ! ’partie : Constitutions apostoliques, qui avaient dclini le pouvoir et les prérogatives des inquisiteurs ; 5’partie : Instruction pour l’examen et l’interrogatoire des dilTérentes classes d’hérétiques, les Manichéens, les Vaudois, les Faux.pôtres, les Béguins, les Juifs, les sorciers et les devins. A ces cinq parties est joint un appendice qui comprend : 1° le texte des constitutions apostoliques ; 2° des formules d’abjuration ; 3’des mémoi-I res sur la secte des faux apôtres. » (/hidem, pp. 78-74, note.)

Quelques années après Bernard Gui, un autre inquisiteur. Frère Prêcheur comme lui, Nicolas Eymb-Ric, composait un nouveau Manuel à l’usage de l’Inquisition. Lui aussi était qualilié pour l’écrire. Né en 1320, il était entré dès l’âge de 14 ans dans l’ordre de S. Dominique. |En 1307, il remi>laçait comme inquisiteur général d’Aragon, Nicol.vs Hoselli, j)romu au cardinalat. Il exerça ces fonctions slrenue ac intrépide, disent (JuÉTif et EcHAHn (ScripCores ordinis Prædicutorum, , p. 709). Son épitaphe assure qu’il fut inquisitor intrepidus et qu’il combattit ifO ans pour la foi catholique. Lorsque, à cause de la haine que sa rigueur lui avait attirée, il dut se retirer à Avignon auprès de Grégoire XI, puis de Clément VII, il continua sa lutte contre les hérétiques, et sesécrits indiquent la manière de les poursuivre. C’est ainsi qu il composa un traité De jurisdictionc ecclesiæ et inquisitorum contra infidèles denioncs invocantes ; un second De jurisdiclione inquisitorum cuntra infidèles agente.i contra nostram sanctam fidem : et enfin son J)ireclorium inquisitorum. Ecrit à Avignon en 1376, ce traité a une importance capitale. Non seulement il ]>rovient d’un praticien aussi expérimenté que Bernard Gui, mais écrit à la cour pontilicale dans l’intimité du pape Grégt)ire XI. dont Eymeric était le chapel.iin, il semble avoir un caractère encore plus oUiciel. Il est aussi le plus méthodique et le mieux composé des ouvrages de ce genre. « Il comprend trois parties. La première donne un exposé large de la foi catholiqtie et pré|)are la seconde qui fournit un ra|)ide aperçvi des hérésies et spécilie les délits relevant de l’Inquisition ; dans la troisième, sont dévelo|ipées des instructions très précises sur l’ollice des inijuisiteurs, sur les règles de la procédure et la pénalité ; une connaissance profonde du droit éclate ]>artout dans cette œuvre : c’est un avantage dont elle jouit sur toute autre. i> (Douais, /.es sources de l’histoire de l’Inquisilion, p. 75.)

Les actes de l’Inquisition nous font passer de la théorie à la pratii|ue. Par les procès-verbaux des enquêtes, des interrogatoires et des dépositions de témoins, par les actes d’accusation et les sentences d’acquittement ou de condamnation, ils nous font saisir sur le fait le fonctionnement des triluinau.x inquisitoriaux. Dans sa savante introduction à ses