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INQUISITION

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ques pour expliquer et légilimer le rôle et l’action de l’Eglise.

Organisation de l’Inquisition. — EtaMie progressivement à la lin du xii’siècle, l’Inquisition s’organisa et se développa au cours du xiir siècle.

A l’origine, les évêques étaient seuls chargés de la recherche des hérétiques et de leur jugement, d’accord avec la puissance séculière. C’est ce que nous voyons dans les décrotales d’ÂLEXANORE III et de Lucios III. Les évêques en effet étaient, par leur dignité, les juges naturels do l’iiérésie et les défenseurs nés de l’orthodoxie dans leurs diocèses respectifs et, en leur conliant l’inquisition des hérétiques, les papes les rappelaient à un exercice plus rigoureux de leurs attributions, beaucoup plutôt qu’ils ne leur en donnaient de nouvelles.

Mais bientôt le Saint-Siège vit l’insuffisance de cette inquisition de l’Ordinaire. Tous les évêques en elTet ne ressemblaient pas à ce terrible arclievèque de Reims, Guillaume aux Blanches-mains, qui traqua avec tant de sévérité les hérétiques de sa province. Beaucoup d’entre eux étaient animés d’une large tolérance pour des erreurs qui étaient parfois professées par leurs proches et leurs connaissances. Cela se vit surtout dans le midi de la France, oii une noblesse imprégnée de catharisme fournissait à l’Eglise catho. lique ses prélats. On s’explique que, pendant la croisade des Albigeois, Ber.n.vrd i>ii Roquefort, évéque de Carcassonne, ait répugne à la répression violente, lorsqu’il savait sa mère et son frère parmi les hérétiques qui défendaient, contre l’armée de Simon de Moutfort, le château de Termes. Son cas n’était pas isolé ; plusieurs de ses collègues furent accusés par les croisés de pactiser avec l’hérésie, déposés par le Saint-Siège, et remplacés par des prélats choisis dans les rangs des croisés. Le métropolitain du Midi, BÉRENGER, archevêque de Narbonne, dut ainsi’céder son siège au légat Arnaud, l’évêque de Carcassonne Bernard DE Roquefort à Gui.abbé deVaux-Cernay ; l’évoque de Toulouse Fulorand au cistercien Foulques, etc.

Même lorsque les évêques étaient de zélés défenseurs de la foi. leur action pouvait manquer d’efficacité ; elle était limitée à leurs diocèses respectifs, et lorsqu’ils voulaient l’étendre dans une région tout entière, ils devaient prendre des accords avec leurs collègues ; ce qui supposait des réunions, des délibérations et par conséquent des lenteurs. Or l’hérésie exerçait ses ravages sur de nombreux diocèses. Il fallait donc que la lutte contre ses adeptes pût être dirigée par des hommes dont la compétence s’étendit sur de vastes régions.

Enfin, dans les siècles du Moj’en Age, le Sainl-Sicge avait largement distribué le i)ri vilège de l’exomption, grâce auquel un grand nombre d’individus et même de personnes morales étaient soustraits à la juridiction ordinaire de l’évêque i)Our être placés sous l’autorité immédiate du Saint-Siège. A la diète de Vérone, le pape Lucius III avait bien stipulé que le privilège de l’exemption no vaudrait pas on matière d’hérésie ; il avait investi les évoques de la délégation apostolique, afin que nul hérétique ne pût, sous prétexte d’exemption, se soustraire à leur jugement ; mais il y avait là matière à discussion et pour rendre plus ellicacc la répression, il fallait la confier à une autorité participant à l’universalité et à la toute-puissance de la papauté.

Aussi les papes en cliargèrenl-ils leurs légats qui agirent contre l’hérésie à côté et au-dessus des évêques ; et l’on vit, dès la fin du xii’siècle, fonctionner simultanément deux inquisitions, l’inquisition épiscopale exercée par les évêques dans leurs diocèses

respectifs, en vertu de leur pouvoir ordinaire, et l’inquisition légatine exercée par leslégats dans toute l’étendue de leur légation en vertu d’une délégation du Saint-Siège. Lorsque l’archevêque de Reims, Guillaume AUX Blanches MAINS poursuivait, en 1183, les hérétiques de Flandre, envoyant beaucoup d’entre eux au bûcher (Ge.s/d Plulij/fJi Aiiguati de Rigoro, ap. Bouquet, XVII, p. ii), il agissait non seulement comme métropolitain, mais surtout comme légat apostolique. En 1178, Alexandre III, à la demande de Raymond V, comte de Toulouse, et des rois de France et d’Angleterre, envoya le cardinal do S. Clirysogone, comme légat en Languedoc avec pleins pouvoirs pour réprimer l’hérésie ; « en vertu de cette délégation, le légat et les cisterciens qui l’accompagnaient liront promettre par serment à l’évêque de Toulouse, à une partie du clergé, aux consuls et à tous les citoyens dont la foi n’était pas suspecte, de leur déclarer par écrit tous les hérétiques et leurs fauteurs » (Hist. du Languedoc, Yl, 79). A la suite de cette démarche, le légat instruisit lui-même le procès de Pierre Maurand, l’un des principaux bourgeois de la cité.etaprès l’avoir convaincu d’hérésie, il lui imposa une pénitence publique, le condamna à une amende et au pèlerinage en Terre sainte et à plusieurs autres pénalités (/iiVem). En 11 98, Innocent III donna tous pouvoirs auxreligieuxcisterciens qu’il envoyait dans le comté de Toulouse comme légats apostoliques, leur confiant spécialement la répression de l’hérésie dans ces régions. Les princes avaient ordre du pape « de proscrire ceux que frère Raynier aurait excommuniés, de confisquer leurs biens et d’userenvers eux d’une plus grande rigueur, s’ils persistaient à vouloir demeurer dans le pays après l’excommunication. Nous lui avons donné plein pouvoir, ajoutait-il, de contraindre les seigneurs à agir do la sorte soit par l’excommunication, soit en jetant l’inlerdit sur leurs terres. Nous enjoignons €iussi à tous les peuples de s’armer contre les hérétiques, lorsque frère Raynier et frère Gui jugeront à i)ropos de le leur ordonner… Enfin, nous avons chargé frère Raynier d’excommunier solennellement tous ceux qui favoriseront les hérétiques dénoncés, qui leur procureront le moindre secours ou habiteront avec eux, et de leur infiiger les mêmes peines. » (//ist. du Languedoc, VI, p. 222, Potthast, Uegesla lioiilificuni lionianorum, n" 96.)

Ce texte nous prouve que les légats du Saint-Siège étaient chargés d’exécuter dans leur légation toutes les sanctions édictées contre les hérétiques par les conciles du xii= siècle, et en particulier par ceux de Latran et de Vérone. Ils avaient, en un mot, tous les pouvoirs d’inquisition.

Certains historiens dominicains ont prétendu que le fondateur de leur ordre avait été le |iremier inquisiteur, et Sixte-Quint lui-même s’est fait l’écho de cotte opinion dans sa bulle de canonisation de S.Pierre de Vérone (158(j) (Manrique, Annales Cisiercienses, III, an laoi). En réalité, les fonctions d’inquisiteur avaient été exercées, dès la fin du xii’siècle, par les légats cisterciens, et quand S.Dominkjur s’en acquitta, ce fut en vertu d’une délégation qu’il tenait de la légation cistercienne dirigée par Arnaud de Citeaux et Pierre de Castelnau. Lorsque, au cours de ses prédications, il imposa une pénitence et délivra des lettres d’absolution à l’hérétique Pons Roger, il déclara agir auctoi itale doniini ahhalis Cislerciensis, Apostolicæ Sedis legati, qui hoc. nohis in~ junxit officium. La pénitence du converti devait durer tant que le légat n’aurait pas donné de nouveaux ordres à Dominique donec alias sujicr liis <loniinus legatus suam nohis exprimai l’iitunlaleni. Dans un autre acte du même genre, saint Dominique secouvre