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Zélande, à Anvers et en Flandre, il ne se contentait pas de développer ses théories dans des ])rédioations ; il faisait porter devant lui ime lianiiicre et un glaive, symboles de la puissance temporelle, et pour montrer qu’elle lui avait été donnée par Dieu, il leva une armée de 3.ooo hommes qui appuya ses ar<rumenls par la violence. Marchant à sa tête, revètti d’un manteau royal et le front ceint de la couronne, il s’empara de force de la ville de Bruges et s’étal>lil en maître dans celle d’Anvers, et lorsque, en 1 1 1 a, l’arclievcque de Cologne le lit arrêter, la population remercia l’archevêque d’avoir délivre le pays de ces bandes de perturbateurs. Après avoir déclaré ecclesias Dei litpanaria esse repittandas, il les faisait profaner par ses partisans ; il empêchait par force la levée des dîmes et faisait tuer quiconque s’opposait à lui : resistentes sihi cædibits sæviehut (Sigeiîert dk Gembloux, Continunlio Præmonstratensis, ait, Prrt/,. M. G., Scriptores.Xl. 449)- Abi’ ; lard lui-même nous le représente comme un fauteur de guerres civiles ; car il dit de lui et des autres hérétiques de son temps :

« Ci^’ilihiis lipilis ecclexiam inquielare non restant. » 

{Itiirod. ad theologiam, éd. Cousin, II, 83.) L’hérétique breton Eudes dk Stella, dit Eon, marchait à la tête de bandes de fanatiques et mettait à sac les églises et les monastères : « freins seqtienliiim numéro per dit’ersa loca formidahilis oberrabat, ecclesiis maxime monasteri’sque infesltis… erumpebat improvisus ecclesiarnm ac monasterinrum infestator », dit de lui le chroniqueur contemporain Guillaume de Newbi’hy (ap. BouiiUKT, XIII, p. g’^). Au commencement du xii" siècle, dans le midi de la France, l’hérésiarque Pierre de Bruys s’était livré aux pires violences

« Pour témoigner son mépris aux objets que vénéraient

les prêtres, il Ut empiler une quantité de croix consacrées, y mil le feu et Ot cuire de la viande sur le brasier, u (Lea, op. cit., I, p. 76.) Comme son disciple, le moine apostat Henri, il appelait à la révolte ceux qui devaient à des seigneurs ecclésiastiques des dîmes ou d’autres redevances, et les excitait à saccager églises et couvents.

Ces excitations avaient produit dans tout le midi de la France des elTets que Pierre le Vkniîrable décrivait ainsi dans une lettre à l’archevêque d’Embrun et aux évêques de Die et de Gap : « Dans vos pays, les églises ont été profanées, les autels renversés, les crucifix brûlés, les prêtres flagelles, les moines emprisonnés ; on les a soumis aux supplices les plus elïroyables pour les forcer à se marier. » (Ap. BorcjUBT, XV, p. 638-63g, année 1142-11/43.) Pierre de Bruys et Henri faisaient un devoir à leurs disciples de détruire les églises, de briser et de brûler les croix. Ainsi, les scènes de violence, de vandalisme et de carnage que les bandes huguenotes du sire des Adrets devaient déchaîner, au xvi’siècle, en Provence et en Dauphiné, avaient eu comme lointains préludes celles qui avaient suivi les prédications des hérétiques Henri et Pierre de Bruys.

Vers la même époque, les prédications d’AiiNAUD DR Brkscia jetaient le trouble dans l’Italie et surtout à Rome. Les clercs qui ont des propriétés, les évêqiu’s qui tiennent des régales, les moines qui possèdent des biens ne sauraient être sauvés. Tous ces biens appartiennent au prince et le prince ne peut en disposer qu’en faveur des laïques. ».insi jiarlait cet hérétique (Otto de Frrisinoen, II, chap. 30), et ces paroles sonnaient la curée des biens ecclésiastiques par les laïques, la révolte des sujets des jirincipautés ecclésiastiques, et déchaînaient la Uévolution dans un grand nombre de terres. Ce fiitce qui arriva à Brescia, où l’évêque fut dépouillé de ses biens et chassé par les amis d’.Vrnaud. En 1 i/|6. cet hérétique prêcha les mêmes doctrines à Home et provoqua

ainsi, contre Eugène III, l’insurrection du peuple romain : le pape fut chassé et la Rcpubliciue proclamée sous la suprématie de l’empereur allemand. Arnaud fut ainsi responsable de la guerre civile qui désola, pendant plusieurs années, Rome et son territoire. Ce qui faisait dire à son contemporain S. Ber-N. RD que « tous ses pas étaient marqués par des troubles et des désastres » (Vacindabd, Arnaud de Jlrescia, dans la lietue des Questions historiques,

XXXV, p. 1, 4).

A mesure que se propagèrent les prédications hérétiques, on vit se mulliplierles bandes qui, au nom de ces nouvelles doctrines, promenèrent la dévastation dans un ijrand nombre de régions de l’Europe chrétienne. Dans les premières années du règne do Philippe-Auguste, le centre de la France fut dévasté par des forcenés que l’on nommait, selon le pays, Colereaux, Routiers, Paliarii, Catapliryges, Arriens et Patarins. Le chroniqueur contemporain Rigord nous les montre saccageant et brûlant les églises, soumettant les prêtres à des traitements sacrilèges et cruels et les faisant parfois mourir dans les plu ? ; atrocestourments.profanantl’Eucharistie et les vases sacrés. Ils foulaient aux pieds les hosties consacrées et faisaient avec les corporaux des objets de toilette pour leurs maîtresses (Bouquet, XVII, p. 12. Voir aussi (//((/., 6 ; , le récit de Guillaume le Breton et p. 354, celui de la Chronique de S. Denis). Epouvantées par ces excès, les populations du Limousin et du Berry appelèrent à leur aide Philippe-. guste, dont

les armées exterminèrent, à Dun, près de 7.000 de ces forcenés. L’importance de cette répression prouve combien avait été considérable ce soulèvement anarchique et antichrétien. Quelques années auparavant, toute r.Xuvergne avait été ])arcourue l)ar ces hérétiques pillards. « Les Brabançons ou Cotereaux, écrit Bernard Gui, parcoururent tous ces pays, le dévastant, saccageant les églises. » L’évêque de Limoges dut marcher contre eux dans le territoire de Brive, à la tête des milices qui s’étaient placées sous son commandement ; plus de 2.000 de ces l)rigands furent massacrés (Labbe, /iibtiotlieca, II, 269 ; cf. aussi Bouquet, XVIII, p. 706). Ces événements se passaient en 1 177.

.vant de se porter en.Vi ! vcrgne, les routiers a valent parcouru et dévasté le comté de Toulouse. « En i 181, l’évêque Etienne de Tournai décrivait, en termes saisissants, la terreur qu’il avait éprouvée lorsr|ue, chargé d’une mission par le roi (Louis VII), il avait traversé le Toulousain… Au milieu de vastes solitudes, il ne vit qwe des églises ruinées, des villages abanilonnés oiï il craignait sans cesse d’être attaqué par des brigands, et pis encore par les bandes redoutées des Cotereaux. i> (Lea, op. cit., I, p. 142.) Ce fut à la suite de ces tragiques événements que le comte de Toulouse, Raymond V de Saint-Gilles, adressa au chapitre de Cluny un appel désespéré contre l’hérésie, cause première de tousces maux. Il suppliait son suzerain Louis Vit d’intervenir à la tête d’une armée dans les pajs infectes de ces doctrines subversives.

« Les églises, écrivait-il, sont abandonnées et tombent

en ruines… Comme le glaive spirituel est absolument impuissant, il est nécessaire d’employer le matériel ; c’est pourquoi j’insiste auprès du roi de France pour l’engager à venir sur les lieux, persuade que sa présence pourra contribuer pour beaucou]) à déraciner l’hérésie. » (Histoire du Languedoc, VI, p. 78.)

Tous les princes du Midi ne raisonnèrent pas de la même manière ; en haine ducatholicisme, plusieurs ne craignirent pas de faire appel aux Cotereaux et aux routiers et de lancer <le nouveau leurs bandes contre leurs sujets et contre les églises. De ce nombre fut RAYMOND-RoGfin, qui était comte de Foix, « u