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INQUISITION

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damnant, lisons-nous toujours dans la définition qu’ils nous donnent de leurs croyances. La négation de la famille était en elïel la conséquence logique et nettement civouée par eux de leur conception pessimiste de la destinée humaine. Si, en ellet, la vie était, comme ils l’enseignaient, le plus grand des maux, il ue fallait pas se contenter de la détruire en soimême par le suicide ou tout au moins par le nirvana ; il fallait encore plus se garder de la conmiuniqucr à de nouveaux êtres qu’on ferait participer au malheur commun de l’humanité, en les appelant à l’existence. Etait-il possible d imaginer un acte plus coupable dans ses conséquences que la procréation d’un enfant ? Une àme vivait heureuse dans le royaume de Dieu, et voilà que, pour satisfaire sa passion, un homme la faisait descendre sur terre, dans le royaume de Satan, l’emprisonnait dans un corps impur et la condamnait à se dégager perpétuellement, par un effort constant et douloureux, de cette étreinte écœurante de la chair ! Ne continuait-on pas ainsi la création malfaisante de Satan ?

Les Albigeois ne faisaient aucune différence essentielle entre la débauche et le mariage. Le contrat et le sacrement de mariage n’étaient, à leurs yeux, que la régularisation et la législation de la débauche. Dans l’intransigeance farouche de leur chasteté, les Purs du xiii* siècle trouvèrent la formule que, pour d’autres raisons, ont adoptée de nos jours les tenants de l’union libre et du droit au plaisir sexuel : « matiimonium est nieretricium, matrimonium est lupanar, le mariage est un concubinat légal » (Bibl. de Toulouse, ms. 609, fol. ^i V" et 64). L’inquisiteur Bkknard Gii résumait ainsi la doctrine des Cathares sur le mariage :

« Us condamnent absolument le mariage qui

unit l’homme etia femme ; ils prétendent qu’on y est en jierpéluel état de péché ; ils nient que le Dieu bon l’ail jamais institué. Ils déclarent que connaître charnellement sa femme, n’est pas une moindre faute qu’un commerce incestueux avec une mère, une lille, une srenr. » (Practica inquisitionis, p. i’60.)

Aussi, toute personne qui demandait aux hérétiques l’initiation complète à leur secte, le Cvnsotamentum, s’engageait-elle à se séparer à jamais de son conjoint. Vers l’an 1218, Bernard Pons de Laure étant gravement malade à Roquefére-Cabardès, en Languedoc, sa femme Bermonde demanda à deux Cathares de venir lui donner le Consolamentum : mais, avant de procéder à cet acte, ceux-ci exigèrent de Bermonde qu’elle renonçât à jamais à son mari ; et ce ne fut qu’après avoir reçu cet engagement qu’ils procédèrent à la cérémonie : « posimodum consolati stint dicluni in/innum ». Revenu à la santé, Pons abandonna l’hérésie, revint au monde et, par la même occasion, reprit sa femme, oublieuse elle-même de sa promesse »..Mais bientôt, ce fut au tour de Bermonde d’être malade et de demander le ConsnUunenliini. Les deux hérétiques qui accoururent à son appel n’agirent pas autrement que les premiers,.vant de commencer leurs rites, ils exigèrent que Pons renonçât à jamais à sa femme et ce ne fut qu’.iprès en avoir reçu la promesse formelle, qu’ils la consolèrent (Hibl. nat., UoAT, XXllI, pp. 81-83).

Les Registres de l’Inquisition toulousaine nous montrent un grand nombre d’hérétiques revenant à la fois à l’Eglise et au mariage. Arnalde Frémiac avait été engagée, dès sa jeunesse, dans la secte cathare par son oncle Isarn Bola. Mais plus tard, saint Dominique reçut son abjuration et lui imposa une pénitence quoiisqne duccrel marittim, c’est-à-dire jusiju’au jour où. par son mariage, elle prouverait, d’une manière indiscutable, la sincérité de sa conversion (1211) (fiibt. de Toulouse, nis. 609, f" 160). P. Covi nens, de Fanjeaux au diocèse de Toulouse*, avait été remise aux hérétiques par Pierre Colonia, son frère ; regagnée à l’orthodoxie par saint Dominique, a elle abandonna ses erreurs et se maria » (Itid., p. 161). Pendant plus de trois ans, une certaine Bernarde avait vécu dans l’albigéisme ; « mais ensuite, elle prit un mari et eut deux enfants » (I)oat, X.I, p. 1). Vers l’an 1229, vivaient à Xarbonne deux sœurs, Hay monde et Florence. Originaires du Mas-SaintesPuelles, elles avaient quitté leur pays pour vivre plus librement dans l’hérésie ; Raymonde avait, en même temps, abandonné son mari qui était resté au Mas. Arrêtées par le baile archiépiscopal, elles comparurent devant l’ollicialité diocésaine. Le dominicain Ferrier, « qui exerçait les fonctions d’inquisiteur au nom de l’archevêque », reçut leur abjuration, les lit mettre en liberté, les ramena dans leur pays et « rendit Raymonde à son mari, et redd dit eain vira sua » (Ililil. de Toulouse, ms. 609, f 23-24). Tolsanus Bertrand racontait aux inquisiteurs de 1245 une histoire semblable qui était arrivée, quinze auparavant, à sa mère Guillelmine Gleize. a Elle fut hérétique pendant trois ans, à Auriac ; convertie ensuite à la foi calholiciue, elle reprit son mari. Elle vécut encore plus de huit ans avec lui ; et quand il mourut, elle alla habiter avec son fils, dans sa maison des Cassés. » (Und., f 220.)

Dans leur aversion pour le mariage, les hérétiques allaient jusqu’à déclarer que le concubinage lui était préférable et qu’il était plus grave « facere cuni uxore sua qiiam cum alla mu//ere i>{Dollinger. Dokumente, p. 23). Ce n’était pas là une boutade ; car ils donnaient de cette opinion une raison en ra[>port avec leurs i)rincipes. Il peut arriver, disaient-ils, que l’on ait honte de son inconduite ; dans ce cas, si on s’y livre, on le fait en cachette. H est alors toujours possible qu’on s’en repente et que l’on cesse ; et ainsi, souvent le libertinage est passager et caché ; d’ailleurs, aucun lien durable n’unit l’homme et la femme vivant ainsi dans la débauche. Ce qu’il y a, au contraire, de particulièrement grave dans l’état de mariage, c’est qu’on n’en a pas honte, qu’on se croit engagé complètement avec son complice et qu’on ne se doute même pas du mal qu’on commet avec lui « quia ma^is publice et sine verecnndia peccatunt /lebat » (Ibidem).

C’est là ce qui explique la condescendance vraiment étrange que les Parfaits montraient pour les désordres des Croyants ou auditeurs, c’est-à-dire de ceux de leurs adhérents qui n’avaient pas reçu l’initiation complète du Consolamentum. Ils faisaient eux-mêmes ])rofession de chasteté perpétuelle, fuyant avec horreur les moindres occasions d’impureté ; et cependant, ils admettaient dans leur société les concubines des Croyants et les faisaient particiiier à leurs rites les plus sacrés, même lorsqu’elles n’avaient aucun dessein de s’amender. Les Croyants eux-mêmes ne se faisaient aucun scrupule de conserver leurs maîtresses, tout en acceptant l’influence des Parfaits. Guillelma Campanha était, au su de t<mt le monde, la concubine d’Arnaud Maistre, et cependant Parfaits et Parfaites descendaient chez elle quand ils passaient au Mas-Saintes-Puelles. Raymond de.a Amélia logeait chez sa concubine, Na Barona, les hérétiques qu’il protégeait (Bibl. de Toulouse, ms. C09. f° 150). Parmi les Croyants qui se pressaient, en 1240, aux prédications de Bertrand IVlarty, nous distinguons plusieurs faux ménages : Guillelma Cahela, amasiu Pétri Vitalis ; Willelmus Itaymundiis de lioqua et Arnauda, amasia ejus : Petrus Aura et Bonela, amasia uror ejns : Harmiinda. amasia Otiionis de Massahrac (Doat, XXIV, p. Sg). Plusieurs fois, les textes

1..aujourd’hui, dyns le départenienl de r.^ude et le diocèse de Garcassonne.