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bei-l de cet acte est significative. Le peuple a hriilé hii-nièiiie les liéréticpu-s parce qu’il apprélieiulait à leur égard riiululgeiue de l’Eglise : « SeJ fidelis intérim popiilus, clehicalk.m verkns mullitiem, cuncurrit iitl ergastulttm, rapit et suhjecto eis extra urhein ij ; ite, puriter coiicreinayd. » (BouiiUKT, op. cit., XII, p. 2bG.)

A Liège, le |)euple téinoignail de la même Laine contre les liéréliques. En I135, trois manichéens étaient arrêtés ; quand ils eurent proclamé leurs doctrines niant le mariage, approuvant la promiscuité des sexes, rejetant le baptême et les autres sacrements, le peuple voulut les lapider sans attendre le jugement. Dix ans plus tard, dans la même ville, après des aveux du même genre, la foule s’empara de quel(iues hérétiques, et les traîna au bûcher ; le clergé, qui voulait les convertir, eut la plus grande peine à les sauver : « Hos turba turbulenta raptos incendio tradere deputavit : sed nos, Dei favente misericordia, pêne omnes ab instanti supplicio, de ipsis meliora sperantes, vix lamen eripuimus. » (Freue-Hicg, iip. cit., p. 32.)

Les textes que nous venons de citer précisent les positions différentes que prirent en face de l’hérésie, de l’an mil à 1150 environ, la puissance civile et la hiérarchie ecclésiastique. Nous pouvons les délinir en ces trois propositions :

1° L’Eglise a répugné à la répression violente de l’hérésie. Parmi ses représentants les plus autorisés, les uns ne se sont pas reconnu le droit de châtier comme un crime l’hétérodoxie et ne l’ont combattue que par des discussions et des traités de controverse ; les autres n’ont employé contre elle que des peines spirituelles, telles que l’excommunication, destinées moins à frapper l’erreur qu’à en préserver les lidèles en leur interdisant tout contact avec elle ; enlin, ceux qui étaient sollicités de prononcer des peines temporelles contre des hérétiques, perturbateurs de l’ordre public, ne le faisaient que faiblement, invoquant l’irresponsabilité des hérétiques pour les relâcher.

a" Le pouvoir civil s’est au contraire montré de l>lus en ]dus rigoureux contre l’hérésie. C’est lui ipii, le premier, a allumé les bûchers, en France, eu.lleraagne, en Italie, en Flandre.

3" Les rigueurs du pouvoir civil ont été approuvées par l’opinion publique, du xi= et du xri’siècle, le peuple accusant de tiédeui’à 1 égard des hérétiques non seulement les évêques et les clercs, mais les princes eux-mêmes.

Etablissement de l’Inquisition. — Ces divergences entre le pouvoir civil et l’autorité religieuse allaient s’atténuer progressivement au xii° siècle, pour disparaître complètement au xiii*. Plus on avance, en effet, vers le xiii’siècle et plus disparaissent les répugnances de l’Eglise à réprimer par la force l’hérésie.

En 1131, elle fut émue par les progrès considérables que faisait dans le Midi la secte des Henriciens. .ussi son propagateur, le moine Henri, que l’on avait laisse prêcher ses erreurs en liberté pendant 18 ans (i 116-1 li), Unit-il par être arrêté sur ordre de l’archevêque d’.rles, et traduit au concile de Pise devant le pape Innocent U qui le condamna à la prison ; on le remit, il est vrai, en liberté peu de temps après, et il reprit ses prédications hérétiques ; la répression était encore bénigne.

Ce fut en iiSg que l’Eglise, ne s’en tenant plusaux sanctions spirituelles, ordonna au pouvoir civil de réprimer l’hérésie par des peines temporelles, a Les hérétiques qui rejettent le sacrement du corps et du sang du Seigneur, le baptême des enfants, le sacerdoce et les autres ordres, condamnent le mariage,

sont expulsés de l’Eglise de Dieu comme hérétiques ; nous les condamnons et nous ordonnons au pouvoir civil de les réprimer. Nous englobons dans la même sentence quiconque prendra leur défense… Ainsi s’exprime, dans son canon a3, le concile œcuménique du Latran qui se tint, en i 13g, sous la présidence du pape Innocent II (Mansi, XXI, p. 532). Au signalement qui est donné ici de l’hérésie condamnée, il est facile de reconnaître les Cathares. L’année suivante, Innocent II lit l’application de cette sentence à Abé-L. 4nD et Ahnaud de Biiescia. Par une lettre adressée, le 16 juillet I 140, aux archevêques de Reims et de Sens, ainsi qu’à saint Bernard, il ordonna d’enfermer ces deux personnages dans des couvents et de brûler leurs écrits (Mansi, XXI, p. 565). Cette sentence fut faiblement exécutée ; carsi Abélard se conQa à la garde bienveillante de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, Arnaud continua à prêcher en Suisse eten Italie et dut être condamné une fois de plus en 1 148. Livré en iiS^, il fut pendu avant d’être brûlé, lorsque le pape Adrien IV, devenu l’allié de Frédéric Barberousse, eut réprimé les révoltes suscitèesà Rome par Arnaud de Brescia. Le concile de Reims, présidé en 1 11J8 par Eugène 111, renouvela les sentences contre les Cathares, qui devenaient déplus en plus dangereux en Gascogne et en Languedoc. Nul ne devait les protéger ou les défendre ; aucun seigneur ne devait les accepter sur ses terres, sous peine d’interdit et d’anathème : «.utlu.s liere.tiarchas et eoruni set/iiaces manu teiieat vel defendat iiec aliquis eis in terra sua receptaculum præbeat. » (.ansi, XXI, p. 7 : 8.)

Celte législation ne suUit pas à l’ardeur des princes qui l’avaient provoquée. Il est curieux de les voir accuser le pape et l’Eglise de faiblesse envers l’hérésie et réclamer toujours de nouvelles mesures de rigueur. Parmi ces rois acharnés contre les hérétiques, il faut placer au premier rang Louis VU le Jeune. En 1 1^0, il assista au concile de Sens qui condamna Abélard. En 1 162, il écrivit une lettre curieuseaupape Alexandre III. L’archevêque de Reims, Henri frère du roi, s’était inquiété des progrès de l’hérésie manichéenne en France et il s’apprêtait, de concert avec le comte de Flandre, à poursuivre les Cathares, lorsque ceux-ci, conlianls dans la douceur du pape Alexandre 111, tirent appel au Saint-Siège. Leur espoir ne fut pas trompé. Le pape rappela en termes fort nets 1 archevêque et le comte de Flandre à la modération : n Mieux vaut, écrivait-il à l’archevêque, aljsoudredes coupables que de s’attaquer, par une excessive sévérité, à la vie d’innocents… l’indulgence sied mieux aux gens d’Eglise que la dureté.)i Et il lui rappelait le conseil de l’Ecriture : « A<ili nimiuni esse jiistiis. » (Martkne, Ainpl. Collectio, II, 683.) L’archevêque dut communiquer cette lettre à son frère Louis VH ; car celui-ci écrivit aussitôt après au pape une lettre où les reproches de tiédeur se dissimulaient à peine sous les formules de respect. « Notre frère l’archevêque de Reims, parcourant dernièrement la Flandre, y a trouvé des hommes égarés par les plus funestes doctrines, adeptes de l’hérésie des.Manichéens ; l’observation a prouvé quils sont bien plus mauvais qu’ils ne le paraissent. Si leur secte continue à se développer, ce sera un grand mal pour la foi… Que votre sagesse donne une attention toute particulière à cette peste et qu’elle la supprime avant qu’elle puisse grandir. Je vous en supplie pour l’honneur de la foi chrétienne, donnez toute liberté dans cette affaire à l’archevêque : il détruira ceux qui s’élèvent ainsi contre Dieu ; sa juste sévérité sera louée par tous ceux qui, dans ce pays, sont animés d’une vraie piété. Si vous agissiez autrement, les murmures ne s’apaiseraient pas facilement et vous déchaîneriez contre l’Eglise romaine les violents reproches de l’opinion. »