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INITIATION CHRETIENNE

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des lumières de l’Evangile et pleinement attachée à Dieu, un obstacle insurmontable au salut.

Peut-être faut-il reconnaître cette doctrine dans un passage, d’ailleurs assez cnigmatique, U’Hebmas. L’Eglise vient d’être décrite sous la figure d’une tour bâtie sur les eaux, F/s., m. Ces eaux représentent lo baptême, et les pierres employées à la construction de la tour représentent les lidèlcs. Or il est aussi question d’autres pierres, d’abord rejetées comme impropres à la construction de la tour, et tombées à proximité des eaux : elles voudraient bien rouler jusqu’à l’eau, mais en dépit de leur désir, elles n’y parviennent pas (2, 9). Toutefois nous les voyons admises ultérieurement, et au prix de beaucoup d’épreuves, à une place très inférieure, Vis., tu, 7, 6.

« Elles seront admises à cette place très inférieure

après avoir subi des tourments et accompli les jours de leurs péchés. Ces hommes seront transférés parce qu’ils auront accueilli la parole de justice : alors il leur sera donné d’être transférés de leurs tourments, quand leur montera au cœur la pensée du mal qu’ils ont fait. Mais si cette pensée ne leur monte au cœur, ils ne seront pas sauvés, à cause de la dureté de leurs cœurs. » Cette espèce de salut diminué, accordé au bon vouloir d’âmes qui n’entrent pas dans la tour lidlie sur les eaux, paraît bien représenter la condition de certaines âmes sauvées par le seul baptême de désir. Du moins je ne vois pas qu’on en ait donné d’explication plus plausible. Voir Reclierclies de science religieuse, t. II, 1911, p. 115 sqq., 263.

Tkrtullien aborde la question de fr<mt, mais passe tout de suite à l’extrême, en faisant bon marché du rite, pourvu que la foi soit sauve. Dans sa crainte de voir les fidèles forfaire aux engagements du baptême, il encourage les délais. De Iniptismo, xvin : Si qui pondus intellegani baptismi, ntagis tiiiiehuiil consecutinncm quam dilationem ; /ides intégra secura est de siilute. Le salut promis à la foi intégrale (c’est le sens de fides intégra, voir De præscr.. xliv), sans égard au sacrement, vollâ une formule bien large, et qui ne répond guère aux paroles du Christ sur la nécessité du baptême. Mais cet excès même est un indice des idées dès lors répandues dans l’Eglise latine : un catéchumène fervent était considéré comme candidat au salut.

La même coniclion est rellétée par certains Canons d’HippolUe, relatifs aux catéchumènes. On ne baptisera pas un esclave sans l’agrément de son maître ; d’ailleurs s’il vient à mourir catéchumène, on lui accordera la sépulture chrétienne : ran. 63 :.Si est sen’us lieri idotulatrue, invito liera ne haptizetur : contentas sit quod christianus est. — 64 : Quodsi morilur nondum ad donuni adniissus, a cetera grege ne separetur.

Saint Cyi’RIEN eut souvent occasion de se prononcer sur des cas plus ou moins semblables ; il n’hésite pas à déclarer que, devant Dieu, le désir vaut l’acte ; Voir Ad Fuitunatuni de exhortatione martyrii, xii, Hartel, p. 3^.5, i ; De mortalitate, xvii, p. 807, 308 ; Ep., X, 5, ! >. 494 sqq. ; xii, I, p. 502, 18-503, 13 ; Lxxiii, 23, p. 796, 12-17, ’sur des cas île baptêmes conférés par des hérétiques et que, conformément à ses principes, Cyprien devait tenir pour nuls : comme il s’agit de fidèles déjà morts dans la paix de l’Eglise, il n’hésite pas à croire que Dieua suppléé ce qui leur manciuait : Quid ergo fiel de Ins qui in præteritunt de liæresi ad Ecclesiam veiiietiles sine liaptismo admissi siint ? Potens est Dominas misericordia sua indulgentiam dure et eos qui ad Ecclesiam simpliciter admissi in Ecclesia dormierunt, ab Ecclesiæsuae munerihus non separare. Non tamen, quia aliquando erratum est, ideo semper errandnm est.

A la même date, l’auteur anonyme du Jie rehap tismate, adversaire de Gyprlen dans la question baptismale, fait appel au souvenir du centurion Corneille pour prouver qu’on peut recevoir la grâce avant le haplême, v, p. -^h, 22-31 : Hoc non erit dubium in Spiritu Sanctu homines passe sine aqua baptizari, sicut animadfertis baplizatos hos priusquam aqua baptizarentur ut salis/ieret et /oannis et ipsius Domini prædicationibus… ut hoc solum eis baptisma subsequens præstiterit ut invocationem quoque noininis lesu Christi accipereiit, ne quid eis déesse l’ideretur ad integritatem ministerii et fidei. Voir vi, p. 77 ; IX, p. 81, 16 ; X, p. 82 ; xiv, p. 86, 30.

[Nous ne citons pas dans cette question le traité pseudo-cyprianique De duplici martyrio, dans le<iuel on reconnaît aujourd’hui un faux du à la plume d’Erasme et datant de l’année 1530. Voir F. Lezius, Neue Jalirb. f. deulsclie Théologie, IV, 18y5, p. g5-i 10 ; 184-a43.]

L’exemple du bon larron, admis en paradis sans autre baiitême que celui du désir, a été souvent invoqué par les Pères pour montrer les ressources variées de la divine miséricorde. Voir notamment saint CYpniBN, £p. lxxiii, 22, p. 796, 5-7 ; Origi>nb, Jn Aer., Ilom., ix, 5, P. G., XII, 514 ; saint CvniLLB Œ JÉRUSALEM, C « /éc/iè.se, XIII, 30-3 1, P. G., XXXIII, 808 C-809C ; v, 10, p. 517 B ; saint Jkax Chrysostome, In Gen., llom. vii, 4, P G., LIV, 613 ; saint Ephubm, De pænitentiu, éd. Rom., 1746, t. VI, p. 200 E ; saint AuGi’STi.v, De bapt. contra Donatistas, IV, xxii. 29, P. /,., XLllI, 173-174. — Au sujet de saint Cyrille de Jérusalem, on doit au moins tenir compte des passages que nous venons de citer, pour interpréter correctement le texte où il semblerait ne connaître, en dehors du baptême d’eau, que le baptême de sang, Catech., iii, 4, /’. G., XXXIII, 432 A.

L’auteur du roman clémentin nous montre (llom, , xiit, 20, P. G., II, 344 B) "ne femme vaillante félicitée en ces termes par l’apotre saint Pierre : « Bien d’autres ont soulfert pour contenter une passion coupable ; vous avez souffert pour la chasteté. Par là, vous avez mérité de -livre. Fussiez-vous morte, votre âme eût été sau’e. Vous avez quitté Rome, voire patrie, pour la chasteté : en poursuivant ce bien, vous avez trouvé la vérité et le diadème du roj’aume éternel. Vous avez échappé aux périls de mer ; et fussiez-vous morte pour garder la chasteté, l’Océan vous eût été un baptême pour le salut de votre âme. »

Saint Jean Curysostome, In..S. Itomanum inartyrem, llom., i, P. G., L, 607, s’inspire des paroles de l’Apotre sur la vertu delà charité (I Cor., xiii, sqq.), et pose en thèse générale que la charité vaut mieux ([ue le martyre même, car la charité, sans martyre, fait des disciples du Christ ; le martyre, sans charité, n’en saurait faire.

Les grands èvèques du iv’siècle, dans leurs catéchèses baptismales, font d’ailleurs rarement allusion au baptême de désir, et telle de leurs assertions, si on l’isolait, paraîtrait même exclure toute suppléance du baptême d’eau, en dehors du baptême de sang (voir ce qui a été dit ci-dessus de saint Cyku.i.e db JÉursALEM). Mais la raison de cette attitude est facile à indiquer. Ce n’est pas à des catéchumènes, que l’on prépare au baptême, qu’il y a lieu de faire connaître cette suppléance. Bien plutôt y at-il lieu d’elTrayer, par la menace des jugements divins, ceux qui ne désirent pas assez le baptême. C’est ce que fait, par exemple, saint Grégoire db iNazianzr, dans son discours sur le baptême. Or., xi., 23, /’. G.. XXXVI, 389 C, où il pourrait sembler nier la vertu du baptême de désir, quand il dit : « Si vous accusez d’un meurtre celui qui en a seulement conçu le désir, sans passer à l’exécution, alors tenez pour baptisé celui qui a conçu le désir du baptême, sans le recevoir ell’ecti-