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INITIATION CHRETIENNE

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empreinte propre : les infidèles l’empreinte de ce monde, les fidèles dans la charité l’empreinte de Dieu le Père par Jésus-Clirist. » Un peu plus tard, l’auteur de la seconde épître clémentine aux Corinthiens recommande aux fidèles de « garder leur chair pure et leur sceau inviolé afin d’obtenir la vie éternelle » (H Clem. Cor, , viii, 6, cf. vii, 6). Par le sceau, apea/iç, il entend clairement le sceau baptismal. Vers le même temps, Hermas présente le sceau, a-^pv/ic, c’est-à-dire l’eau du baptême, comme la marque distinctive des enfants de Dieu ; et son Pastejir émet l’idée bizarre que les justes de l’Ancienne Loi ont dû être évangélisés et baptisés aux enfers pour entrer dans le royaume de Dieu (voir sur ce texte Dôlgbr, Sphragis, p. 70 sqq.).

5/m., IX, 16, 1-7 : Seigneur (deman « !e Hermas), pourquoi ces pierres sont-elles montées de l’aiiîme et ont-elles été introduites dans l’édifice de la tour après avoir porté ces esprits ? — Elles ont dû (répond le Pasteur) monter à travers l’eau pour être vivifiées : elles ne pouvaient entrer au royaume de Dieu sans avoir dépouillé la mortalité de leur précédente vie. Donc ces morts ont, eux aussi, reçu le sceau du Fils de Dieu. Car tant que l’homme ne porte pas le nom du Fils de Dieu, il est mort ; mais en recevant le sceau, il dépouille la mort et revêt la vie. Le sceau, c’est donc l’eau : l’eau où ils descendent morts et d’où ils remontent vivants. Eux aussi ont reçu l’annonce de ce sceau, l’t en ont profité, pour entrer au royaume de Dieu.

— Pourquoi, Seigneur, dis-je. ces quarante pierres sont-elles montées avec eux de l’abîme, portant déjà le sceau ?

— Parce que, dit le Pasteur, ce sont les Apôtres et les docteurs qui ont annoncé le nom du Fils de Dieu ; morts dans la vertu et la foi du Fils de Dieu, ils l’ont annoncé aux morts mêmes, et leur ont donné le sceau de la prédication. Ils descendirent avec eux dans l’eau et en remontèrent. Mais ils y descendii-ent vivants et en remontèrent vivants ; ceux qui les y avaient précédés y étaient descendus morts et en remontèrent vivants. Grâce ti eux, ceux-ci furent vivifiés et reconnurent le nom du Fils de Dieu ; c’est pourquoi ils remontèrent avec eux et, adaptés à l’édifice de la tour, y furent encIiiUsés sans avoir subi de taille : c’est qu ils étaient morts dans la justice et dans une grande innocence ; il ne leur manquait que le sceau.

Si l’on dépasse le milieu du 11’siècle, les témoignages deviennent si nombreux que l’on perdrait son temps à les compter. Citons encore l’épitaphe célèbre d’ABERCius, cet évcque d’Hiéropolis en Phrygie qui a visité l’Occident, vu à Rome la reine vêtue d’or et chaussée d’or, c’est-à-dire l’Eglise, et le peuple marqué d’un sceau resplendissant :

Aacv 5’tiocv h.u Xv./jLT : pv : j 7^poiyùSv.v ïyy^v.^

Ici comme chez Hermas, le pcu|)le marqué de la efpvr/ii est le peuple des fidèles baptisés. Dès lors, 1 acception teclinique de lipv/i : , , pour désigner le baptême, est entrée dans la langue de l’Eglise. Le latin dira signaculiim. que l’on rencontre avec cette acception chez Tertullien dès le début du m* siècle. On enten<lait par là primitivement l’ensemble des rites de l’initiation ; plus tard spécialement le rite de la confirmation. Cette expression, prise de l’Ecriture, marquait originairement le caractère sacré, inviolable, du sacrement par lequel le Christ prend possession du fidèle.

Une autre expression, déjà usitée dans le Nouveau Testament et amenée par saint Paul à une acception très voisine de l’acception baptismale, est fuTia/xdi, illumination. On a vu comment, du temps des Apôtres, le travail d’évangélisation et la collation du baptême allaient ensemble, l’Evangile préparant les voies à la grâce du sacrement. Or le mot d’illumination parut éminemment propre à désigner le travail des catéchistes, ouvrant les yeux des infidèles à la lumière de la foi. De là à désigner par ce nom tinique le double travail d’évangélisation et de collation du

b.Tptême, il n’y avait qu’un pas : ce pas ne tarda point à être franchi. Et plus tard, par une nouvelle métonymie, ce fut le baptême seul qu’on désigna par le nom d’illumination, j-ktituc ;.

Chez saint Paul, nous ne sommes encore qu’au premier stade : le sens d’illumination apparaît seul distinct. Il Cor., IV, ^-6 : « (Le démon) a aveuglé les intelligences des infidèles, afin qu’ils ne voient pas resplendir la lumière de l’Evangile oii reluit la gloire du Christ… Dieu qui a dit [au commencement] : La lumière jaillira des ténèbres, a fait jaillir sa lumière dans nos cœurs pour la connaissance de la gloire de Dieu qui resplendit sur la face du Christ. » — Eph. I, 18 : « Les yeux de votre cœur sont illuminés pour connaître l’espérance à laquelle Dieu vous appelle. »

— L’épltre aux Hébreux parle avec plus de précision, VI, 4. de « ceux qui ont été une fois illuminés, qui ont goùlé le don céleste et participé à l’Esprit saint ».

Un siècle plus tard, saint Justin écrit déjà dans sa I" Apologie, Lxi, 12 : 0 Ce bain s’appelle illumination, parce que ceux à qui on enseigne cette doctrine sont illuminés en leur esprit. » Néanmoins il n’associe pas ordinairement à l’idée d’illumination intellectuelle, celle du rite baptismal. Peu après lui. Clément d’.lexandrie emprunte au vocabulaire des mystères païens une terminologie destinée à souligner le parallélisme entre ces révélations que les anciens hiérophantes promettaient aux mystes et l’incomparable révélation delà foi chrétienne ; il parle non seulement de iwTiinci, mais encore d’irirrii^, mot qui répond au plus haut degré des initiations antiques.

Enfin les Pères du iv" et du v’siècles nous ont laissé un grand nombre d’homélies adressées « à ceux qu’on illumine » irph rol--yu- : i ::’. ; j~h’yjt, ad illuminandn /s.Ce sont des catéchèses baptismales. A cette date, le mot iwTiTyc ! ’ ; désigne couramment les exercices du catécliuménat, dont le baptême est le dernier acte, fjuelques-unes de ces homélies ont été prononcées en la fête de l’Epiphanie et elles portent pour titre : <i Sur les saintes lumières, Ei’ ; tk ir/tv. -.eux » par une allusion à la lumière du Christ qui éclaire tout homme venant en ce monde, et très particulièrement ceux qui se présentent au baptême (saint Grkgoire db S^ziANZR, Or., XXXIX et XL, P. G., XXXVl ; saint GaiiooiRE DE NvssE, P. G., XLVI, 577-600).

Ces contributions ecclésiastiques à la doctrine du baptême se distinguent des idées beaucoup plus hautes et mystérieuses fournies par l’enseignement personnel de Notre-Seigncur et par celui de saint Paul. Plus terreà terre, ou du moins plus accessibles, elles représentent le travail de la pensée chrétienne collective sur les premièresdonnées de la foi. L’imposition du sceau baptiMual, l’illumination des catéchumènes, voilà des réalités qui parlentà l’imagination ouiiiôme aux sens : par là elles offraient une prise solide à la pensée des fidèles. Inaccessibles dans leur fond non seulement aux regards des foules mais aux regards même des pasteurs, les mystères de la grâce demandaientà être interprétésetcomme monna.^ ésà l’usage de tous, par des signes extérieurs. A côté du bain sacramentel, le sceuu et l’illumination furent rcmar qués comme particulièrement riches de sens spirituel. Aussi ces images firent-elles fortune dans la catéchèse des Pères et dans la littérature ecclésiastique. A un âge de théologie mieux formée, l’idée de sceau baptismal, rei)rise et amenée à une plus haute précision, devait servir à isoler et à définir l’élément le plus essentiel du sacrement, le caractère, que reçoivent même les indignes : empreinte inelfable, distincte, soit de la grâce sanctifiante que le sacrement confère aux âmes bien disposées, soit des secours actuels dont il est normalement le gage. Par là fut enfin résolue l’antinomie, si souvent considérée