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INITIATION CHRETIENNE

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Maître, enfin l’Uylise dépositaire de ces enseignements.

i) Le baptême selon ta pensée de Jésus, — On a déjà vu que, selon la parole de Jésus à Nicodème, le baptônie est une naissance. Délinition mystérieuse, qui probablement pjlissa sur l’esprit de Nicodème sans y pénétrer. On ne peut lire cet entretien sans être frappé duconlraste entre la souveraine assuranee du Seigneur, qui verse la lumière à (lots, et la naïve ignorance de ce maître en Israël qui, de bonne foi, se fait disciple et ne se laisse pas déconcerter |iar la hauteur de l’enseignement. Les paroles de Jésus tombaient du ciel ; Nicodème était un homme de la terre ; aiissi, d’abord, n’y comprit-il rien. Néanmoins c'était une volonté droite ; en dé[)it de tant d’idées juives qu’il apportait à l'école de Jésus, la himière devait, peu à peu, se faire dans son intelligence.

Toutes les paroles de Noire-Seigneur sont, comme il nous l’apprend, a esprit ot vie ». Mais il n’en est peut-être i)as qui réalisent plus éminemment cette description que celles adressées à Nicodème. Or Jésus parlait ainsi, /o., iii, 3-8 :

« En vérité, en vérité, je le le dis, si quelqu’un ne

renaît, il ne peut voir le royaume de Dieu… En vérité, en vérité, je te le dis, si quelqu’un ne naît de l’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la cliair est chair et ce qui est né de l’Esprit est Esprit. Ne félonne pas de m’enlendre dire : il vous faut renaître. L’esprit souille où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais d’oii il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. B

En traduisant, il a bien fallu prendre parti entre deux sens possibles du grec. Les molsquenousavons rendus : « Il vous faut renaître », pourraient aussi bien, d’après la lettre de l'évangile, se rendre : « Il vous faut naître d’en haut ». Atr ù/i-v ; /tnrfiî-j’j.i vMiOi, i. L’adverbe-hijji-i a, de par son origine, un sens local, et signilie : d’en haut. Mais, par une évolution facile à comprendre, il a acquis ultérieurement un sens temporel et signilie : des le commencement, ou : de nom eau. Si l’on s’altache au sens primitif et local, on entendra : « il vous faut naître d’en haut ». Si l’on s’attache au sens dérivé et temporel, on entendra :

« il vous faut renaître ». Les deux lignes d’exégèse

ont chacune leurs répondants. Dans laquelle convient-il de s’engager'.' La question serait tranchée immédiatement si nous connaissions l’expression araraéenne employée par Noire-Seigneur. Mais nous ne la connaissons pas. C’est à travers le grec de l'évangéliste qu’il faut tâcher de découvrir la pensée du Maître.

La suite du discours peut paraître recommander l’acception locale. On lit en elFet, iii, 5, 6 : - : kv ii.r, zu

Ij-y.TOi TT-j^yiici. £7Tiv, allusions manifestes au principe supérieur de cette nativité à laquelle Jésus convie tons les hommes. Le même sens est encore recommandé par l’usage ordinaire du N. T., et de saint Jean en particulier ; ainsi à la Un de ce même discours à Nicodème, iii, 31 : 'O v.-joiOi-j ipyôfx^jrv^ cttûcvoj ttk'^ojv è^tiv. Le même mol se représente sur les lèvres de NotreSeigneur disant à Pilate, lo., xix, ii : Oùz sÀyzi iinaC’a xar' iu.oû oùôe^utav zt fxr, f, v oiôofxévov aoi u-jo/Jvj. On lit encore /o., XIX. 28 : ^Hv 5 ; i ytrrjiv v.pv.^o^j è/. r61v v.'joiOs’j û^avTÔ? SrS).oj. Cf. Mt, , XXVII, 51' ; Mc, xv, 28 ; Ac, 1, 3 ; Jcl., XXVI, 5 ; /ac, I, 17 ; iii, 15-17. Dans la langue des Pères apostoliques, le même sens est tout à fait dominant, sinon exclusif ; voir II Clem., xiv, a ; Mart. l’olycarp., i, i(?) ; Hhbmas, Mand., ix, 1 1 ; xi, 5, 8, 20, 21. Notons de plus sa parfaite harmonie avec le fonds doctrinal familier à saint Jean : l’idée de noire liliation divine apparaît très souvent soit dans le qua Temo 11.

trièine évangile, soit dans les épllres joanniques. Ainsi, /o., i, 12-13 : « A tous ceux cpii l’ont reçu, il a <lonné le jiouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, qui ne sont pas nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » ; I /o., iii, 9 : « Quicon([ue est né de Dieu, ne commet i)as le péché, parce <jue la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher, parce qu’il est né de Dieu. » Voir encore 16((/., iv, 7 ; V, I, 4, 18, etc. Aussi bon nombre de Pères grecs, après Origène, s’attachent-ils à ce sens dans leurs commentaires sur saint Jean. Tels saint Gré( ; oinB DE Nysse, Homil. cuteclietica magna, xxxix, 7,

/". G., XLV, 101 B ITf.i r.y.Tu’Jvy, îù T- ;  ; v.nuOiv £7Ti /ëv » / ; V£(.15,

saint Cyrille u’Alexandrie, Jn /o., 1. II, P. G.. LXXIU, 224 C : T-/, i muzy.zot r.'j.'^'M cÙ7Mi ri ïlvzû/^v. SnxvJi. La même tradition se retrouve dans des versions anciennes :.si ; ', harcle., nrni., ffolli. — Parmi les commentateurs modernes, Cal.m us (Paris, igo/l) lasuit. Mais voici la contre-partie. La réponse de Nicodème donne clairement à enlendre qu’il songea une seconde naissance, lo., iii, 4 : lia ; Sùvarai mOpoinoi

/îvvr/Jr/Jv.i yépuv w', /xr. oo-JV.Tv.l. £( ; Tv^v y.'jùivy Tôf //viTpè ; kÙtoO Ô£iiT£^ov diiiBsX-j i-.'A /ij-jr, 6>, voi.i ; et Notre-Seigneur ne le corrige pas sur ce point. Il est d’ailleurs remarquable que, lorsqu’il a en vue le caractère surnaturel de la génération, saint Jean a coutume de marquer expressément le principe de cette génération. On connaît les textes relatifs aux enfants de Dieu (opposés aux enfants du diable) lo., viii, 41 sqq., voir encore I la.. Il, 29 ; III, 9 ; IV, 7 ; V, I, 4, 18. On peut emprunter d’ailleurs au N. T. soit des textes où râwto a le sens temporel : Lc, i, 3 ; Acl., xxvi, 5 ; Gal., iv, 9, soit des allusions explicites à une seconde naissance, telles que lit., iii, b, sur le baptême : EawTsv onôLi Stc/. J.o^jrpvj T : '/./tv/£v£7('c< ; zaî àv « xKtv’vi « &> ; W’jiùpr/.TOi, ayt’ou ; IPet., 1, 3 : ' A’jv--/s : ijr, 7ai iip.S.i£ii ÙT : iSKÇ117v.-j ; cf. il)id., 21 ;

Gal., IV, 19 : Tiy.vv. /J.O’j, ci) ; ttk/iv c’jôr.'&) JJ.i'/piz oïl ffOpfOiOv}

Xpcjrài Iv ù/xt-j. Abondamment cautionnée par le lexi(]ue des auteurs anciens (Josèi’He, Dion ChrysosTOMB, Clément d’Alexandrie, etc.), l’interprétation de (zvwfcy par de nouveau, quant à /"., iii, 3, a pour elle l’autorité de nombreux Pères, depuis saint Justin, I Ap., LXI, 4 '. ^^^' 'l'-'-P ° XpcJTii £Î7T£V Aï jùl KV « -/£Vj-ffif, 1t, 0-J p-r, drjiJ.6r.-7l £(' ; T/, v liv.'^Ùliv.v T’ijv 0Ù/5avùJv ; TeRTUL LiEN, De baptismo, xiii ; « Lex enim tinguendi imposita est et forma præscripta : /te, inciuit, docete nationes, tinguentes eas in nimten Patris et Filii et Spiritus Sancti. Iluic legi collata delinitio illa : Nisi quis renatus fiieril ex aqua et Spirilu, non intrabil in regnum cæloruni, obstrinxit lidein ad baptismi neeessitatem. » De anima, xli, etc. ; saint Basile, saint GnÉGOiRE DE Nazianze et autres, jusqu'à saint Jean Damascène ; de laVulgatc (lo., iii, 3 : A’isi quis renatus l’aerit denuo…, 7 : Oportet-os nasci t/e « » o) ; d’autres versions anciennes : syr. peschit., memphit.. aethiop… Elle est adoptée par la grande majorité des exégètes modernes. Nommons : Knabenbaueh, Westcott, Zaun. — Voir encore le lexique de CreMBR-KOGEL (Gotha, 191 1) au mot cïwS£y.

A peser les raisons, de contexte et autres, qui militent pour l’une et l’autre opinion, il semble bien que la seconde mérite la préférence. Si nous voulons donner à la parole du Seigneur son vrai sens littéral, nous avons toute chance de ne pas nous égarer en optant pour le sens de la Vulgute : « Il vous faut renaître. » Mais, au fond, la question est moins grave qu’il ne paraît, puisque le doute, qui subsiste quant au sens littéral, n’atteint pas la doctrine. En effet, si d’une manière générale une interprétation ne vaut pas tout à fait l’autre, néanmoins, dans ce cas particulier, l’une appelle l’autre. Cela est si vrai que plusieurs Pères, et des plus grands,

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