Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/399

Cette page n’a pas encore été corrigée

785

INERRAN’CE BIBLIQUE

786

Avec les lumières de l’Evangile sur nos fins dernières, nous avons de la peine à comprendre que les auteurs de l’Ancien Testament ne parlent pas plus souvent, ni avec la précision que nous y mettons, des récompenses et des cbàtiments de la vie future. ( ; ’est perdre de vue que la grande épreuve de la foi, avant que le k mystère » de la rédemption n’eût été révélé <lans le Clirist Jésus, tenait précisément aux ténèbres qui enveloppaient encore le décret porté par la justice divine sur l’homme coupable.

Toute connaissance imparfaite se traduit dans des formules imprécises, inachevées, obscures. Les anciens Hébreux croj’aient certainement à l’unité et à la transcendance de Jahvé leur Dieu, mais n’étant pas métapliysiciens, et d’autre part n’ayant sur la nature divine que des notions insuffisantes, ils ont exprimé ses attributs en des termes anthropomorpliiques. Jahvc résidait sans doute dans les pays où il s’était révélé, sur les hauts-lieux, du Sinaï à Jérusalem, et particulièrement sur le montSion. Etait-il ailleurs ? Pouvait-il se trouver en divers lieux à la fois ? La question ne se posa pas tout d’abord. Cependant, on lui donnait déjà une réponse pratique. Jahvé ne devait pas résider exclusivement au milieu de son peuple, puisqu’il entendait les blasphèmes des païens et voyait leurs crimes. Bientôt les psaumes et les prophètes exaltent expressément l’omniscience et l’immensité du Dieu d’Israël. Finalement, l’auteur de la Sagesse décrit la subtilité et la force (le l’Esprit de Dieu qui pénètre le monde entier. Au reste, ici plus qu’ailleurs, il importe de distinguer entre les croyances de l’auteur inspiré et celles des personnages dont il parle II y a longtemps que S. Cyrillr a fait observer que les patriarches, Jacob notamment (Gen., xxviii, 16), avaient de Dieu une représentation as’sez rudimentaire. P. G., LXIX, col. 188. — Faut-il ajouter que beaucoup des critiques ailressées à la théologie biblicjue tiennent uniquement à l’expression. Ecrivant en des lang^ues qiii avaient servi tout d’abord à exprimer des crojances polythéistes, les hagiographes ont forcément employé des termes qui se rencontraient ailleurs avec un sens erroné ; mais, sous leur plume, ces mêmes termes prenaient une acception nouvelle. C’est à tort qu’on a prétendu découvrir un vestige du polythéisme primitif des Hébreux dans l’emploi du pluriel Elohim pour désigner la divinité. Autant vaudrait dire que les premiers chrétiens se faisaient de leur Dieu une idée identique à celle des païens d’Athènes et de Rome, parce qu’ils parlaient comme eux de 0 « o ? et de Deiis.

Pour la même raison, un écrivain inspiré peut bien formuler son enseignement religieuxd’après les catégories d’un système philosophique. Ce qu’il emprunte à la sagesse humaine n’est, après tout, qu’une

« expression i> pour rendre intelligible et plus acceptable

sa propre doctrine. Il est bien dillicile de ne pas reconnaître une influence de la philosophie alexandrine sur l’auteur du livre de la Sagesse et sur celui de l’Epilre aux Hébreux. Le P. Coblcy, La Sagesse dans l’Ancien Testament (Congres scientifique des catholiques, Paris, 1888, p. 61-92), et le P. Cohnfly, Comment, in liOr. Sapientiæ (op. postum. edit. a P. Zorell), 1910, p. a^-So, s’accordent à reconnaître que l’auteur de la Sagesse a utilisé certaines données des Plaloniciens et des.Stoïciens, en ce qui concerne la matière informe, la distinction des vertus cardinales, les attributs de l’Esprit et de la Sagesse divine, etc. Les théologiens scolastiques devaient en faire autant d’.Vristole.

fc) C’est surtout dans les institutions que se révèle l’infériorité de l’antique économie religieuse. Par les formes de son culte : sacrifices, hauts-lieux, lustra tions, oracles, vœux, etc., la religion d’Israël ressemble beaucoup à celles des autres peuples ses voisins. Mais ces ressemblances sont toutes matérielles, l’esprit et l’objet des pratiques prescrites par Moïse différaient foncièrement de ce qui se rencontrait ailleurs. Du moment que des rites ne sont pas répréhensibles en eux-mêmes, ils peuvent être ordonnés au culte du vrai Dieu, quand même ils auront été reçus jusque là pour honorer les idoles. Cf. H. Pi.nard, Infiltrations païennes dans le culte juif et chrétien, 1909. Chercher à connaître l’avenir ou la volonté divine par le sort n’est plus superstition ni vaine observation, quand Dieu promet de les révéler de cette manière. Le serpent d’airain n’était pas une idole, mais un simple symbole de la miséricorde divine. " Qui enim conversusest, non per hoc(signum) quod videbat sanabatur, sed per te omnium Salvatorem », Sap, XVI, 7. Quand on en vint à lui rendre un culte superstitieux, le roi Ezéchias le fit mettre en pièces. IV Reg., xviii, l^. L’apologiste peut établir directement qu’il n’y avait rien d’irrationnel et d’immoral dans les institutions juives (bien qu’elles supposent une vie religieuse encore imparfaite) ; mais pour faire voir positivement leur caractère divin, il doit recourir aux considérations générales sur l’origine du judaïsme.

2. Morale. — Comme la révélation, et en partie à cause d’elle, la connaissance de la loi morale est allée en progressant. Dans la même mesure, la consciences’estdéveloppée et les mœurs sesont adoucies. S. Augustin a plus d’tine fois rappelé qu’il y aurait injustice à apprécier la conduite des anciens, même de ceux qui sont loués dans la Bible, d’après les exigences de la conscience chrétienne. Au nom de ce principe, l’apologiste n’est pas tenu de suivre jusqu’au bout S. Ambroisk, De Ahraliam et Isaac, P. /.., XIV, 419-534 et S. Augustin lui-même. Contra mendac, P. /-., XL, 533, dans la justification qu’ils entreprennent des Patriarches. On n’est pas obligé de soutenir qu’Abraham et Jacob n’ont pas menti, bien qu’ils soient vraisemblablement excusables ; car rien ne prouve qu’ils aient connu aussi bien que nous toute l’éfendue de la loi qui interdit le mensonge.

Au reste, il s’en faut que l’Ecriture soit censée approuver toutes les actions de ceux dont elle nous dit l’histoire. Il n’est pas rare qu’elle se borne à raconter le fait, nous laissant de le jugera la lumière de la saine raison ou de la loi. Etait-il besoin de blâmer expressément la conduite de Juda dans l’épisode qui se lit au chapitre xxxviii de la Genèse ? Néanmoins, cette réserve du texte sacré a été cause de plus d’une controverse. On sait que les Pères ont apprécié différemment les exploits de Samson et de Jephté. A propos de ce dernier notamment, ils se sont demandé s’il avait réellement immolé sa nUe et si Dieu avait eu son vœu pour agréable. Le très grand nombre ont résolu la première question par l’atlirmative, mais en faisant observer que Dieu n’avait pas inspiré Jephté en cette circonstance. Si l’Ecriture s’abstient de le blâmer, c’est qu’elle compte, pour une juste appréciation du fait, sur la condamnation formelle de ces sacrifices portée par Dieu lui-même, qui ne veut pas être honoré comme on faisait le dieu Moloch. /)eu/., XII, 3 1. La prescription du /lerem (anathème, extermination) au sujet de certaines peuplades chananéennes, qui revient plusieurs fois dans la Loi de Moïse, n’est pas en contradiction avec celle qui défend les sacriOces humains. Le lièrent n’était pas un sacrifice, mais seulement une exécution martiale. Comme les guerres avaient alors un caractère religieux (se faisant par l’ordre et sous la conduite du