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INERRANCE BIBLIQUE

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avec la conclusion d’un docte théologien, le R. P. Jans-SENS, O. S. B., De Deo créature, qui date de 1906 :

« Quare, ut aliqualiter stare possit sententia periodistica, 

oportet ut largissimo sensu concipiatur. Secus, in scientiûca tam aperte olTendit, ut lextum sacrum neduui tueatur, peritorum derisui exponat » (p. 33a). Cf. VAN NooHT, De Deo creatore, 1908, p. 23. En définitive, le concordisme scientilique contemporain relève du même présupposé que le péripatélisnie ljil)Iique des juges de Galilée, savoir qu’en ces matières la Bible a dû s’exprimer d’ai)rès la réalité objective des choses. Toute la diirérence consiste en ce qu’autrefois on prétendait régenter les sciences au nom de la Bible, tandis qu’aujourd’hui on s’attache plutôt à expliquer la Bible d’après les sciences. C’est pourquoi l’exégèse et l’apologétique ont évolué au gré des hypothèses scientiliques : hier, on interprétait le texte sacré d’après Laplace, aujourd’hui on suit Faye, l’exégèse de demain s’attachera à l’astronome en faveur. Pour accorder la Bible avec les données de la science, on a fait violence à son texte dans tous les sens. Ce n’est pas honorer la parole de Dieu, nxais la rapetisser et la travestir que de l’interpréter de la sorte.

Ici se présente une objection. En répondant aux attaques dirigées contre la Bible au nom des sciences de leur temps, les anciens, notamment S. Augustin et S. Tuo.mas, ont donné à connaître qu’ils regardaient comme traditionnel le principe du concordisme biblique scientifique. Seules, les applications ont varié avec les transformations de la science. On peut répondre brièvement, y) Un essai de concordisme se comprend de la part de S. Augustin et de S. Thomas. La science de leur temps ne différait pas sensiblement de celle qui avait conditionné la rédaction du texte sacré ; elles reposaient l’une et l’autre sur l’observation directe des sens et parlaient le plus souvent la langue populaire. /3) Leur but était polémi(iue, il leur sullisait d’établir que le texte biblique ne s’opposaitpas, du moins certainement, aux conclusions que les philosophes d’alors tenaient pour certaines, y) Il s’en faut que, même dans ces limites, ils aient eu conscience d’avoir toujours réussi. C’est alors que, réduite aux abois, leur apologétique a formulé le principe libérateur : la Bible ne prétend ni à la i)récision, ni au langage scientilique. à) En exégèse, ils ont distingué entre le commentaire doctrinal et le commentaire scientilique. II est célèbre, le texte de S. Thomas sur la cosmogonie mosaïque. K En ce qui concerne les origines du monde, écrit il, il y a une chose qui appartient à la substance de la foi : savoir, que le monde a commencé par la création, et, sur ce point, tous les saints (Docteurs) enseignent de même. De savoir, au contraire, comment et dans quel ordre il a été produit, c’est ce qui n’appartient pas à la foi, sinon incidemment, en tant qu’il en est question dans l’Ecriture, dont la vérité peut être sauvegardée de bien des manières ; aussi bien, sur ce point, les saints (Docteurs) ont proposé diverses explications, v In If Sent., d. 1’?, q. l, a.’2. A lire dans S. Augustin, De Genesi ad litteram, et dans S. Thomas, De opère sex dierum, p. i, q. 65-’ ; ^. Une récente réponse de la Commission pour les études bibliques (30 juin 1909) vient de reconnaître officiellement la liberté d’interprétation au sujet de la cosmogonie mosaïque. Cf. Denz.’*, 2124-2128. En permettant d’entendre le jnoi yôm (jour) a soit au sens propre pour un jour naturel, soit au sens impropre pour un certain espace de temps », la Commission envisage la question du point de vue du dogme ou encore de l’exégèse traditionnelle ; il appartient à l’herméneutique rationnelle de décider lequel de ces deux sens convient en effet au texte sacré.

3° Si, franchissant le terrain propre des sciences particulières d’observation, on venait à tourner leurs résultats contre quelque doctrine biblique, jjar ex. la création ; S. Augustin a nettement marqué l’attitude que devrait prendre alors le croyant. « Quoi que ce soit que les gens qui aiment à calomnier les Livres de notre salut puissent établir par des documents véridiques, relativement aux phénomènes de la nature, montrons que cela n’est pas contraire à nos saintes Lettres ; et s’ils tirent quelque chose de leurs livres à eux qui soit réellement contraire à ces Ecritures, c’esl-à-dire à la foi catlwlique, faisons voir de quelque manière, ou du moins croyons sans hésiter ijue cela est complètement faux. » De Genesi ad litteram, I, x.xi, ! i ; P. L., WW, 262. Mais c’est abusivement que l’on parle encore ici de géologie, d’astronomie ou d’anthropologie ; en réalité, le problème a été transporté dans la sphère de la spéculation philosophique, où peuvent seulement se résoudre les questions qui concernent l’origine des choses. Le conflit se produit dès lors entre le dogme et les prétentions de la Science, en entendant par là cette synthèse des connaissances purement humaines que volontiers l’on oppose aujourd’hui à la Révélation divine. C’est de ces hauteurs où la pensée de l’homme risque de se heurter à la pensée de Dieu, que brille la lumière directrice de la Foi sur toutes les sciences particulières. Cf. Dknz., 1635, 1817. Cette distinction permet de reconnaître, avec Léon Xlll, l’autonomie des sciences particulières. Il est dit dans l’encjclique Profid. Deus « qu’il n’y a pas de véritable conflit à craindre entre le théologien qui se réclame du document biblique et le physicien qui se réclame du document scientilique, tant que l’un et l’autre parleront de ce qu’ils savent pertinemment et resteront sur leur propre terrain ». Dknz., 19^7. H est vrai que, dans la même encyclique, on avertit l’exégète que « la connaissance des choses de la nature lui sera utile ». C’est que, pour avoir raison des sophismes(erty)ùone.s) de ceux qui attaquent la Bible au nom des sciences modernes, il faut commencer par comprendre leur langue. Il y a plus et mieux. Si les sciences d’aujourd’hui ne nous suggèrent pas positivement la manière d’entendre le texte biblique, elles peuvent du moins exclure telle ou telle interprétation. C’est ainsi que la géologie a fait voir l’impossibilité de l’explication qui supposait que Dieu avait réellement créé le monde en six jours de vingt-quatre licures. Cf. J. Guibbrt. Les Origines. Questions d’apologétique, Paris, 1896, igio.

IV. La Bible et l’histoire. — i" On se demande s’il n’y a pas lieu d’étendre au récit historique l’application du principe de « l’opinion populaire fondée sur une connaissance superlicielle des faits ». Ceux qui inclinent à répondre aflirmativement font valoir l’analogie des matières, le sentiment de S. Jérômk et l’encyclique Profidcntissimus Deus. On peut lire à ce sujet, d’une part : P. LAonANGit, Méthode liisiorilyue (Paris, 1908), p. io4 ; Eclaircissement de la Méthode historique (Paris, 1906) ; Reyue biblique, igo5, p. 622 ; P. DE HuMiMKLAUER, Exegctisches zur Inspiratiottsfrage (Freiburg i. B., 1904), p. 9 ; Bonaccorsi, Questioni bibliche, 1904, p. lof) ; et d’autre part : P. Dklatthe, Autour de la question biblique (Liège, 1904) ; Le Critérium à l’usage de la nouvelle exégèse biblique (Liège, 1907) ; P. Murillo, Criticii y Exegesis (Madrid, 1906) ; P. Fonck, Der Kaiiipf um die IVahrheil der heil. Schrift seit 25 lahren (Innsbruck, 1906), p. 189 ; P. Pesch, De inspir. s. Script., p. 619.

(/) L’analogie des matières. — Personne ne soutient qu’à propos de l’inerrance on puisse i)arler de l’histoire exactement comme on fait quand il s’agit des