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INERRAMCE BIBLIQUE

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tivité tient à l’expression elle-même. L’article du symbole : Jssis â la droite du Père, pourrait tout aussi bien se dire Astis à la gauche du Père, dans une langue qui envisagerait la gauche comme un symbole de puissance et d’honneur.

Le P. Pesch, De inspir. suer. Script., p. 525, cf. 375, dit que la Bible contient des erreurs iiialérielles ; il entend par là les mensonges et les erreurs rapportés dans la Bible. (L’appellation paraît être assez impropre. ) Le P. Hetze.nauer, J’heol. biblica, I, p. xxiii, parle d’erre » r objective ; et il donne en exemple les deux récits différents de la mort d’. tiochus, dans

le second livre des Macchabées, dont l’un au moins doit contenir des circonstances erronées, puisqu’ils ne concordent pas. Sauf meilleur avis, il semble préférable d’entendre par erreur objective celle qui se trouve réellement dans le texte, pour la distinguer d’avec celle qui est restée dans l’esprit de l’hagiographe à l’état purement subjectif.

C’est sous le bénéUce de ces explications que nous comprenons la proposition développée plus haut (col. -jb(j) : L’inerrance exclut l’erreur logique et objective.

3° Données littéraires. — a) Genres littéraires. Voir Chitiquk biblique, col. jçjb. Tout écrivain a le droit d’être jugé sur son texte, et ce texte, il l’a conçu et rédigé d’après les lois du genre littéraire choisi par lui. C’est un droit auquel les historiens de l’antiquité peuvent spécialement prétendre. Moins personnels que nos auteurs modernes, ils ne font que rarement confidence au lecteur de leur appréciation sur le fond du récit, et beaucoup moins encore sur les sources où ils l’ont puisé. Ils mettent sous les yeux du lecteur un livre, qui veut être lu et compris comme on fait une œuvre littéraire. C’est là un état de choses incontestable et on ne le méconnaîtrait qu’au grand tlétriment de l’exégèse, de l’apologétique et de la théologie.

Par bonheur, il n’a jamais été complètement méconnu. Au contraire, les grands exégétes l’ont expressément constaté ; surtout ils en ont tenu compte dans leurs commentaires. Et ici, on ne doit pas penser exclusivement à S. Jérôme et à S..Vugustin ; des commentateurs moins méthodiques et moins savants n’ont pas laissé que d’insister sur l’attention qu’il convient de donner au style de l’hagiographe. En tête de son commentaire de S. Luc, S. A.muroise, P. f.., XV, 152y-1532, prévient qu’il tiendra compte du caractère particulier de chacjue évangile : Luc est historique, Matthieu est moral, Marc est dogniati//ue. X voir dans l’Ecriture une série d’asserta rédigés uniformément en style scolastique, tous bons à prouver quelque chose et au même titre, on s’exposerait à des erreurs grossières. Tertulliex, qui n’était pourtant pas un esprit borné, a cru pouvoir conclure de la parabole du mauvais riche la corporéité de l’âme, puisque, dans le sein d’.braham, Lazare a ses doigts, et dans l’enfer le mauvais riche souhaite une goutte d’eau sur sa langue. En.i>ologétique, on s’expose à accepter des dillicultés (]u’il convient d’écarter par la question préalable de la portée réelle du texte. On a écrit de gros volumes pour justifier la chronologie biblique ; puis, on a fini par s’apercevoir qu’il n’y a pas dans la Bible les éléments suffisants d’une chronologie. Cf. J. Bruckek, dans la Co/i</oierse(de Lyon), 1886. t. VI, 3 ; 5 ; t. VII, 5 ; t. VIII, 87. A quoi l’a-t-on reconnu ? Au procédé littéraire d’après lequel les historiens sacrés ont dressé leurs généalogies. Pareillement, c’est parce que l’usage ouïe procédé dit damnatio memoriue autorisait les généalogistes à passer <les termes intermédiaires, que S. Matthieu, i, 8, ne fait pas erreur et n’induit pas nécessairement son

lecteur en erreur par l’omission d’Ochozias, de Joas etd’.masias ; quoi qu’en dise A. ScauLz, Biblische Zeitsclirift, 1909, VU, p. 154. On peut penser que le document reproduit par le premier évangéliste portait déjà l’omission ; et cela à dessein : pour condamner la mémoire des trois rois indignes. C’était déjà l’explication de S. HiLAiRE et de S. JiiRÔMB.Cf. Heer, Die Stanintbàitme Jesu nach Matthiius iind Luhas, 1910. .ujourd’liui, on amasse difficultés sur difficultés contre le livre de Judith, au nom de l’histoire et de la géographie ; et chacune de ces objections a reçu plusieurs réponses. Cependant, la première question à résoudre eût été le caractère littéraire de ce livre ; toutes les objections tombent d’elles-mêmes si l’auteur n’a pas entendu écrire de l’histoire proprement dite. Voir Critique biblique, col. jy’j. En parcourant l’histoire des controverses suscitées au siècle dernier par l’inerrance biblique, on reste étonné du nombre de celles qui reposent sur un faux supposé.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le recours au genre littéraire a pour but de comprendre l’Ecriture, de la mieux défendre, et non d’altérer la notion traditionnelle de son inerrance. C’est la remarque du P. Pesgh, De inspir. sacr. Script., p. 552 :

« Qu’on parle de mythes ou de légendes, de traditions

populaires, d’histoire ancienne, d’histoire orientale, ou de toute autre chose semblable ; si, sous ces dénominations, l’on entend dissimuler l’opinion d’après laquelle Dieu aurait pu inspirer des erreurs, du moins en des choses accidentelles et de nulle importance pour le salut, c’est s’écarter de la tradition catholique, constante et commune, qui enseigne qu’il n’y a pas seulement les choses principales et la substance même du récit à être nécessairement vraies, mais encore tout ce qui s’y trouve alfirmé. »

b) Procédés rédactionnels. — L’activité littéraire de l’écrivain sacré ne se limite pas à son style, même si on l’entend au sens le plus large du mot ; elle se révèle encore à certains procédés de rédaction, qui atteignent plus profondément la pensée. Ces caractères rédactionnels tiennent à des façons de dire, à une manière d’envisager les choses, exigées bien moins par la réalité toute nue que par le but particulier que se proposait l’auteur en écrivant. Directement, l’activité rédactionnelle atteint la forme du récit, indirectement elle modèle le l’ond un peu différemment ; sans aller pourtant jusqu’à en altérer l’identité. A moins de tenir compte de ce fait, on n’expliquera jamais bien les ressemblances et les différences présentées par certains livres de la Bible, notamment les livres des Rois et ceux des Paralipomènes, les deux des Macchabées, et par-dessus tout les trois premiers évangiles. Identiques pour le fond, ces récits dilfèrent par nombre de modalités secondaires, qui ne sont pas sans importance.

La critique rationaliste ou moderniste a beaucoup abusé de la théorie des procédés rédactionnels pour diminuer la valeur historique de la Bible, même en ce qui concerne le Mouveau Testament. On alfecte de représenter l’histoire sainte comme un thème rudimentaire, que les hagiographes auraient développé au gré des besoins religieux de leur temps ou de leurs tendances personnelles. Cf. J. Wbiss, Das atteste Etangelium, igoS ; LoisY, f.es évangiles synoptiques, 1907, I, Introd., chap. m ; F. Nicol-^rdot, Les procédés de rédaction des trois premiers évangélistes, 1908. Mais, ce n’est pas une raison de méconnaître ce qu’il y a de légitime et d’utile dans cette partie de la critique biblique. Cf. J. Bruckeh, L’Eglise et la crit. biblique, 1908, p. 18. Des critiques catholiques commencent à le comprendre. Ils ont déjà consacré au sujet quelques bonnes pages. F. Prat, L’Evangile