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INERRANCE BIBLIQUE

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Que les contemporains du prophète aient moins bien compris sa prophétie que ceux qui en ont vu la réalisation, c’est chose tout à fait vraisemblable, très psychologique ; — qui du reste n’intci’esse pas l’inerrance du texte, mais seulement les rapports du commentaire historique et du commentaire théolojjique. Voir ExÉGKSK, col 1833-1834. Il s’agit de l’intelligence que le prophète lui-même avait de sa prophétie. Sans doute, il ne lui donnait pas un sens totalement différent de celui que Dieu avait en vue. (N’ous pouvons négliger ici le cas de Gaiphe, Jeun, xi, 49-51, qui est tout à f.iit anormal. Au reste, dans la bouche du grand prêtre, les mots expedit unuin hominem mort pro populo n’étaient pas assertion d’Ecriture.) A moins de pervertir la notion de l’inspiration et de l’iuerrance, à moins do renoncer à maintenir la pensée de Dieu en harmonie avec celle de son prophète, on ne peut accorder qu’Isaïe, par exemple, ait entendu prédire que le Royaume messianique serait temporel, rien que temporel. L’unique question qui se pose est de savoir si le prophète a vu clairement d’avance ce Royaume tel qu’il devait être en effet, avec son caractère spirituel. Il s’est produit à ce sujet entre catholiques une controverse, qui semble tenir à la surface bien plus qu’au fond des choses. Tous finissent par convenir avec saint Thomas, H » lU’, q. i^S, a. 4, que le prophète est entre les mains de Dieu instruinentum deftciens. Cf. Lagrangb, dans Hevue biblique, 18y6, p. 506 ; 1900, p. 141 ; PiiAT, dans les Etudes, 1901, t. LXXXVl, p. ig.’i ; Puscii, De inspir. Script, sacr., p. 609 ; de Bhoglie, Questions biblifjues, p. 349 ; TouzAHi) dans la lie^ue pratique d’apologétique, 1908, t. VII, p. 89. et la Reiue du clergé français, t. LVI, p. 636. De ce que les prophètes s’expriment d’ordinaire en termes symboliques, on est autorisé à conclure que l’avenir se déroulait sous leurs yeux dans des symboles. Mais nous savons par expérience combien imparfaitement une chose invisible ou absente se laisse comprendre dans son symbole. C’est ce que saint Paul appelle connaître « per spéculum in aenigmate ». L’obscurité de nos idées présentes sur la nature du monde à venir nous permet de conjecturer la représentation que les anciens prophètes pouvaient se faire de l’àgc messianique, (i’est sous la figure d’un roi de Juda, trônant à Jérusalem et dominant sur le monde entier, que le Christ leur est apparu. Ils savaient sans doute que sa royauté doit être supérieure à toutes celles d’ici-bas, mais comment ? Maintiendra-t-il le privilège de Sion d’être le centre du culte légitime ; ou bien le transformera-t-il en l’élevant ? C’est ce que les prophètes n’ont, vraisemblablement, entrevu que dans une perspective lointaine, et comme par échappée ou transparence. C’est un fait que, leur texte en main, les Juifs ont attendu un Messie bien dilTévent de celui que Dieu leur avait prédit en effet. Ils se sont égarés, pour avoir confondu la réalité avec son symbole ; pour n’avoir pas distingué entre les aspirations humaines que les antiques voyants d’Israël tenaient de leur milieu, mais qui n’étaient pas passées dans les Ecritures à l’état d’assertion ; celles-ci pouvant seules prétendre représenter les promesses divines.

2. Données rationnelles. — a) L’erreur d’ordre logique, incompatible avec l’inspiration de la Bible, est celle que l’on appelle formelle et objective. Il va . « ans dire que l’erreur morale ou le mensonge est, à plus forte raison, exclue par l’inerrance.

Dansun texte, l’erreur /"orme//f résulte du manque (le conformité entre les assertions de l’auteur et la léalitc des choses. Avant que de décider si quelqu’un a fait erreur, il faut tout d’abord voir s’il a entendu aifirmer et non pas seulement exprimer un doute.

une opinion, une appréciation par à-peu-près. Encore que Dieu ne puisse pas, de lui-même, ignorer, douter et opiner, c’est un fait qu’en inspirant les hommes, il ne les a pas affranchis de toutes ces imperfections de la pensée humaine. S. Thomas, p. I, q. ijj, a. 14, explique l’attitude de l’intelligence divine au regard de nos manières de juger et de dire. Dans l’article Inspiration biblique on dit comment Dieu peut en devenir l’auteur responsable. L’objet réel et la portée d’une assertion dépendent de l’intention de celui qui la formule. D’ordinaire, l’intention d’un écrivain ressort suffisamment de son texte, mais parfoisaussi il y faut encore, pour la déterminer, le témoignage historique sur les origines de l’écrit. S. Luc dit assez clairement dans son Prologue le but et l’ordre qu’il s’est proposé ; mais il n’en va pas de même de S. Marc et de S. Matthieu. Tout ce qui est resté, à un titre ou à un autre, en dehor.< de l’intention de l’auteur, n’est pas censé affirmé par lui. D’où il suit qu’on ne saurait lui reprocher comme une erreur formelle un manque d’exactitude purement matérielle, qui résulterait de ce chef. S. Jean-Baptiste a-t-il dit : u Je ne suis pas digne de lui délier sa chaussure », comme le rapportent S. Marc et S. Luc, ou bien : k Je ne suis pas digne de lui porter sa chaussure >’, comme nous lisons dans S Matthieu ? Peu importe, répond S. Augustin, De cons. Evang., 11, XII, sq. ; P.l.., XXXV, 1091, si les évangélistes ont eu seulement, en rapportant ces paroles, l’intention de nous apprendre que le Précurseur a protesté de son infériorité vis à-vis duChrist. Envisagées de ce point (le vue, les deux formules ont un seul et même sens. Maloonat, In.Mattli., x, 10, ramène de la sorte à l’unité une parole de J.-C. rapportée par les évangélistes en des termes contraires. C’est encore à ce principe de solution que recourt S. Augustin pour expliquer comment les auteurs inspires ne nous ont pas renseignés exactement sur les lois du monde physique. Cf. De Gen. ad lilt., II, ix, jo ; P. L., XXXIV, col. 270. Quand Ehasme attribua aux évangélistes des « lapsus memoriæ >, les théologiens furent assez unanimes à traiter son sentiment « d’erreur et d’impiété ». Cependant l’humaniste exégète se réclamait de S. Augustin(P. i., XXXV, col. 1176) et de S. Jérùme(P. L., XXU, col. S^S) ; et, de leur côté, plusieurs des théologiens, ses adversaires, admettaient (ou du moins toléraient) l’opinion de ceux qui voient dans S. Luc, iii, 36 (qui fuit Cainan), un renseignement matériellement inexact. Cf. Corn, a Lapidb, in. h. l. Cette dilTérence d’attitude tenait à ce qu’Erasme parlait d’erreurs de mémoire (ce qii s’entend naturellement de l’erreur formelle), tandis que ses adversaires, après S. Augustin et S. Jérôme, prétendaient que des inexactitudes toutes matérielles laissaient intacte la vérité de ce que les évangélistes avaient entendu affirmer. Pour se justilier du reproche d’avoir altéré dans sa traduction latine une lettre de S. Epiphane à Jean de Jérusalem, S. Jkrôub renvoj’ail ses censeurs aux évangélistes. « Accusent Apostolum falsitatis, quod nec cura Hebraico, nec cum Septuaginta congruat translatoribus : et, quod his majus est, erret in nomine, pro Zacharia quippe Jeremiam posuit (.1/ « </A., xxvii, (j). Scd absit hoc de pedissequo Christi dicere : cui ciirne fuit non verba et syllabas aucupari, sed sentenlias doginatum ponere. .. Hacc replico non ut Evangelistas arguam falsilatis, (hoc quippe impiorum est, Celsi, Porphyrii, Juliani), sed ut reprehensores mcos arguam impcritiæ ; et impetrem ab eis veniam, ut concédant mihi in simplici epistola, quod in Scriptiiris sanctis, velint, nolinl, Apostolisconcessuri sunt. » Episi. LVII, 7, 9 ; P. L., XXII, 573, 575. Cf. Itechrrches de science religieuse, 191 1, p. 296. Il va sans dire qu’un auteur