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INERRANCE BIBLIQUE

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la Bible la parole de Dieu ont professé pareillement son inerrance. Ce n’est pas que l’inerrancc biblique ail jamais fait l’objet d’une délinition directe et expresse de l’Bylisc, mais elle découle si manifestement du dogme de l’inspiration, elle est attestre avec tant de décision et d’unanimité par toute l’antique tradition, qu’on ne saurait la révoquer en doute sans porter atteinte à l’intégrité de la doctrine clirélienne. C’est dans ce sens que des théoloy^icns parlent du dogme de l’inerrance.

La croyance des Juifs et des Chrétiens dans l’inerrance de la Uible est un fait des mieux attestés. Les témoignages abondent. Qu’il suffise de rappeler ici les plus signilicatifs. S. Justin, P. G., Yl, 626 ; S. IréNiis, P. G., VU, 804, 846 ; S. Hipi’olvtk, édit. Bonvvetscli et Achelis, I, 41. '36, uj8 ; Ohigknk, , P. G., XIII, 1410, 1845 ; XIV, 258 ; EusKBB, P. G., XXllI, 21jo ; S. Basile, P. G., XXXI, 679 ; S. Chhysostomk, P. G., LI, 53 ; S. Ambroise, P. /.., XV, 1846 ; S. JkRÔMB, P. /.., XXII, 573-075, XXV, 1267 ; s. Augustin, P. I.., XXXIII, 112, 376 ; XXXIV, 871 ; XLII, 248.

On ne réussira pas à énerver l’autorité de ces textes en épiloguanl sur un passage d’Origène et deux ou trois autres de saint Jérôme. D’Ohigfnb, P. G., XIII, 1769 (/h -VaJ/A., xxvn.9), il ne nous reste qu’une traduction de RuGn. Si par « errorem scripturæ «  l’exégèle alexandrin entend une erreur de l’hagiograplie et non de ceux qui ont par la suite transcrit son texte (ce que beaucoup d’auteurs contestent), c’est qu’il croit une inexactitude purement matérielle compatible avec les exigences de l’inerrance biblique. Le premier passage de S. Jkrùme, Epist., lvii, 7 ; P. /.., XXII, 573, s’explique de la même façon, comme le contexte (col. 675) le donne nettement à connaître ; dans l’autre, Epist., Lxxii, 5, ibid.. 676,

« scriptoris errorem » doit manifestement s’entendre

d’une erreur de copiste ; enfin, dans le commentaire sur Miellée, v, a, P. /.., X.W, 1197, le saint Docteur rapporte le sentiment d’autrui ; il ne le désavoue pas expressément, parce que son concept de l’inerrance tient compte de toutes les complexités concrètes du problème. C’est ce que des écrivains modernes ont trop perdu de vue. Cf. Fr. Schmid, De insp. Bibl., 1885, p. 20 ; L. ScHADE, Die Inspirationslehre des heil. Hierunymiis, 1910, p. 36, 58. Du reste, la pensée de S. Jérôme et d’Origène au sujet de la vérité du texte biblique est assez connue par ailleurs pour qu’on ait le droit de ne pas la mettre en doute à cause d’une phrase obscure.

L’axiome // n’y a pas d’erreur dans la Bible est bien certainement traditionnel. De tout temps on a soulevé des objections contre nos Ecritures, et jamais aucun apologiste chrétien n’a cru pouvoir s’en débarrasser en accordant que le texte faisait erreur. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’ils n’ont revendiqué la prérogative de l’inerrance que pour le texte inaltéré, tel qu’il est sorti des mains de l’hagiograplie. Les anciens savaient aussi bien que nous, et même mieux, que l’inspiration n’avait pas mis les Livres saints à l’abri des altérations des copistes ou des glossateurs. En celle matière, la disjonction triparlile de S. Augustin est restée célèbre : « Si aliquid in eis offendero Litteris qund videatur coniruriiim verilati, niliil aliiid, qttam vel mendosum esse codicem, vel interpretem non assecutum esse quod dicttim est, yel me minime intellexisse non ambigam. 1 Epist., Lxxxii, I ; P. L., XXXIII, 277. L’encyclique Proiidentissimiis Deus a fait sienne celle doctrine. Dhnz.'", 1951-1952.

Qu’on l’envisage en elle-mèiiie, comme conséquence de l’inspiration, ou dans l’enseignement traditionnel, l’inerrance s'étend au contenu intégral de la Bible. L’Eglise a invariablemenl condamné toutes

les tentatives pour la restreindre aux choses qui concernent la foi et les mœurs. Voir Inspiration. — Récemment encore, elle aflirmait de nouveau sa croyance à ce sujet. Dbnz.'", 1950-19'>i. Cependant, ce passage de l’Encyclique Proxidentissimiis appelle une observation. Si on y blâme ceux qui » jugent de l'étendue de l’inspiration et de l’inerrance non pas tant d’après la teneur même du texte sacré lui-même que d’après le but que Dieu avait en l’inspirant », on ne défend pas d’avoir devant les yeux cette distinction, quand il s’agit de préciser la vérité qui, d’après son objet, convient à un passage déterminé.

2. Difficultés particulières de V apologétique biblique. — Il importe beaucoup quera[)ologiste se rende compte de prime abord des conditions assez ingrates qui lui sont faites sur le terrain de l’inerrance biblique. A des milliers d’années de distance, avec nos mœurs d’aujourd’hui, si diirérenles de celles de l’antique Orient, il est facile de faire rire de » ! choses de la Bible, ou encore de les rendre odieuses ; surtout devant un auditoire léger et médiocrement instruit. S. Augustin signalait déjà cet état de choses. A l’objection populaire, tirée des exploits de Sainson, de l’aventure de Jonas ou de l’histoire merveilleuse de Tobie, l’apologiste sérieux, respectueux du texte et de ses auditeurs, fait une réponse solide, mais qui aie désavantage de ne pas être à la portée de tout le monde. Ses explicalionsparaîtrontsubliles, violentes cl arbitraires. C’est qu’on ne réfléchit pas à la complexité des questions auxquelles touche la diflicullé. L’expérience prouve que les problèmes soulevés par la critique des auteurs profanes de l’antiquité ne se laissent pas résoudre dans de meilleures conditions. Seulement, le texte d’Hérodote ou de TitcLive n’intéresse qu’un petit nombre de gens (ceuxlà précisément qui sont préparés à ce genre d'études) ; et plus rares encore sont ceux qui ont quelque intérêt à savoir si ces écrivains ont dit vrai ou faux. -Vu contraire, la Bible est un livre populaire, entre les mains de tous ; et, le plus souvent, on l’aborde avec un parti pris pour ou contre, car il nous importe souverainement de savoir si son texte mérite créance. Le sens mystérieux ou simplement l'étrangeté de certains récits bibliques, une secrète déliance vis-àvis des manifestations du surnaturel (quand ce n’est pas un penchant à l’incrédulité), l’insullisance manifeste de plus d’une solution courante : autant de circonstances qui nous prédisposent ici défavorablement. Des choses qui étonnent à peine dans les faits divers d’un journal paraissent facilement invraisemblables du moment qu’on les lit dans la Bible. De nos jours (1902), lors de l'éruption du mont Pelée à la Martinique, nous avons entendu parler d’une véritable pluie de pierres ; à Cazorla, en Espagne (le 15 juin 1829), il tomba des grêlons du poids de 2 kilogr. ; et, néanmoins, on continuera à contester la vraisemblance du texte de Josué, x, 1 1 :

« Le Seigneur fit du ciel pleuvoir sur eux de grosses

pierres (de grêle) jusqu'à Azéca. »

Il n’est pas rare qu'à une difficulté précise et directe, l’apologiste n’ait à opposer qu’une explication d’une portée générale et parfois purement négative, se bornant à faire constater que l’adversaire n’a pas fourni la preuve victorieuse de son assertion. Il est incomparablement plus facile de nier que de prouver, d’interroger que de répondre. L’adage des anciens trouve ici surtout son application : a Plus objicere potest asinus quam solvere philosophus. ».vec toutes les ressources de la documentation et de la critique moderne, on ne réussit pas toujours, il s’en faut, à établir l’exactitude d'événements qui datent d’hier ; et l’on s'étonnerait des