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INDULGENCES

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profane et jiaspille les produits de l’aumône ; mais donner à l’Eglise, c’est donner avi Clirist, et l’indul{ccnce aeqnise au bienfaiteur ne saurait donc être désavouée par Celui qui a promis de ne pas laisser sans récompense le verre d’eau donné en son nom.

Aussi bien les protestants sont-ils oldi{ : i : és de se rendre à ces considérations élémentaires et d’avouer ipie les alius auxquels a donné lieu la ])rédication des indulgencesneprouventrien contre leur légitimité ou leur utilité. « C’est faire la partie belle aux catholiques, dit UiiîcnnoFK (Der Ahlassslreit, Golba, 1886, <ité par N. Pai’lus dans Johann Telzel, p. io5-iog), que de concentrer la discussion sur la prétendue vente des indulgences ou sur la confusion produite cl entretenue dans le peuple entre la remise de la f.iute et la remise de la peine. Sans parler de la facilité qu’ils auront à montrer la fausseté ou l’exagération <i<> ces accusations, c’est aller au-devant de leur distinction entre les abus et les principes, c’est reconnaître avec eux que, si la réforme du concile de Trente fut justifiée, la révolte de Luther du moins manqua de fondement. Car la doctrine romaine, dans ce cas, demeure hors de cause et l’on renonce à soutenir les attaques dirigées contre elle par les promoteurs du protestantisme. F-a pratique en elTet, telle que la promouvait Telzel, est en correspondance parfaite avec celle doctrine, les adversaires de Luther en ont fourni la preuve évidente, et rien n’est plus facile aujourd’hui aux champions de l’Eglise romaine que de le démontrer encore » (loc. cil., p. 108-109). Et il conclut à la nécessite de reporter la discussion sur le terrain niome du principe fondamental : l’Eglise a-t-elle le pouvoir de remettre elle-même le péché ?

C’est où nous avons pris nous-même le point de départ de notre justilication de la doctrine catholique (ei-dessus, II) : dans cette coïncidence des points de vue, nous aimons à trouver l’assurance que nos arguments n’auront point porté à faux.

IV. Conclusion : Utilité des indulgences

Le concile de Trente a qualilié de « salutaire » l’usage des indulgences. Mais il a en même temps émis le vœu que l’on revint à l’ancienne coutume de l’Eglise de ne les accorder qu’avec modération :

« indulgentiuruni usum cliristiuno populo maxime

salutarem… ducet ; … in lus lamen concedendis moderationeni, juxta veierem et probatam in Ecclesia cun.iueliidinem, adhiberi cupit » (Sess. xxv, décret, de indulg.).

Leur utilité, qui ne saurait être méconnue, ne doit donc pas être exagérée non plus. Pour l’apprécier exactement, il importe de se rappeler quelle est leur vraie nature et quelle place elles occupent dans la vie religieuse des lidèles catholiques.

D’abord elles procurent la rémission, la diminution, la suppression des peines du purgatoire. C’est leur elTel premier et direct, mais le seul aussi directement produit. Elles ne produisent par elles-mêmes aucune amélioration morale et ne dispensent donc pas de la pénitence qui guérit et qui fortitie. La vertu médicinale, l’inlluence psychologique des expiations volontaires ne se remplace pas, et ceux-là seraient dans l’illusion qui croiraient s’éloigner du péché et travailler à leur perfection par cela seul qu’ils gagnent beaucoup d’indulgences. Aussi saint Thomas veut-il qu’on les exhortée s’appliquer le remède des œuvres de pénitence (in IV, dist. 20, q. i, a. 3, sol. 1, ad 4"°. reproduit dans Suppl., q. a5, a. 1, ad 4"). Il rappelle surtout que les satisfactions personnelles sont d’une bien aulre valeur que les indulgences : celles-ci ne proeurent que la rémission de la |)eine temporelle ; celles-là, au contraire, sont méritoires de la gloire

essentielle et ceci, ajoute-t-il, est infiniment meilleur (ibid., sol. 2, ad 2° et cf. a. 5, sol. 2, ad 2’° reproduits dans SiippL, q. 25, a. 2 ad 2"’et q. 28, a. 2 ad a" »).

Mais peut-être les effets indirects des indulgences sont-ils les plus importants.

D’une part, elles développent dans les fidèles le sens social ; elles leur font prendre conscience dulien de solidarité qui, par delà le temps et lespace, les unit au Christ et à l’élite de l’humanité chrétienne. Leur atlachement à l’Eglise s’en accroît d’autant, et à qui sait l’action bienfaisante et les conséquences multiples de cette confiance en l’Eglise, l’importance de ce résultat ne saurait échapper.

D’autre part, elles servent à promouvoir la pratique des bonnes œuvres ; l’Eglise s’en sert comme d’une [irime pour y engager les fidèles. Saint Thomas insiste sur ce point de vue. Il montre les indulgences se changeant ainsi en remèdes préventifs. Celui qui veut gagner l’indulgence, dit-il, s’afTectionneà l’œuvre pour laquelle elle est accordée et par là il se dispose lui-même à la grâce : ce qui est le meilleur 11103 en de se prémunir contre le péché (in IV, dist. 20, q. 1, a. 3, sol. I, ad 4™> reproduit dans Suppl., q. 26, a. 1, ad 4"’)- Et de fait, c’est, en général, à des a-uvres, à des prières, à des dévolions déjà excellentes en elles-mêmes et éminemment sanctifiantes que les indulgences sont attachées : parmilesplus favorisées, qu’il sullise de signaler la fréquentation des sacrements de pénitence et d’eucharistie, l’exercice du chemin de la croix, la dévotion à la Sainte Vierge et au Sacré Cœur.

Il faut être ignorant de toute psychologie religieuse pour méconnaître la vertu jiuriiicatrice et élevante de toutes ces formes de la piété catholique. Pourvu donc qu’on n’en mesure pas la valeur et la portée à la seule matérialité des actes où elles se manifestent

— ce qui est l’erreur où s’obstinent les auteurs étrangers ou hostiles à l’Eglise — ; pourvu cju’on tienne compte de l’esprit qui y pousse, on ne trouvera plus rien d’étrange dans l’accumulation en leur faveur des indulgences les plus étendues : quelle que soit ici la valeur propre et directe de la « prime », elle reste au-dessous du fruit à retirer des dévotions « primées », et il y a lieu de répéter la parole de saint Thomas : ceci vaut infiniment plus que cela.

Peu importe d’ailleurs que tous les chrétiens n’aillent pas jusqu’au bout des intentions et de l’enseignement de l’Eglise ; que beaucoup s’arrêtent à l’effet direct et immédiat de l’indulgence et négligent de recueillir en même temps le fruit propre de l’a’uvre indulgenciée ; il reste d’abord qu’ils ne sauraient obtenir le premieren faisant totalement abstraction du second : ce n’est pas à des gestes machinaux ou à des formules sans âme que l’indulgence est attachée, et force est donc bien à qui veut la gagner d’animer d’une intention religieuse la visite d’un sanctuaire, l’aumône en faveur d’une bonne œuvre, le port du scapulaire, la récitation de son rosaire, de ses [irières vocales ou de ses oraisons jaculatoires : or c’est bien là déjà, suivant une autre expression de saint Thomas, disposer son âme à la grâce.

Il reste, en second lieu, que beaucoup de fidèles, — et ce sont en général les plus assidus aux œuvres indulgenciées — font beaucoup plus et beaucoup mieux. La rémission de peine n’est à leurs yeux qu’un surcroit : vrais dévots de la Vierge, du Sacré-Cœur, de la Passion, etc., ilsrecherchent et ils acceptent avec reconnaissance cette faveur de l’Eglise ; la charité surtout pour leurs frères défunts les rend attentifs à ne rien laisser se perdre de ces largesses de leur mère. Mais ce n’est point là-dessus qu’ils comptent pour le [lerfectionnement et le progrès de leur vie morale et religieuse. Et ceux-là comprennent bien la doctrine