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INDULGENCES

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Francfort : « Quisquis dicit non citiiis passe animam et’ulare qiiam in fundû ciste denarius passif tinnire, errât. » U n’est pas douteux en effet que Tetzel n’ait prêclié cette doctrine, commune dès lors à un bon nombre de tliéologiens : cf. N. Padlus, Johann Tetzel, p. 138-149 et 156 sqq. ; Pastor, Ilisl. des papes (tr. fr.), t. VU, p. a^^). Le nombre des délivrances se chiffre d’ailleurs par celui des offrandes. De même pour les lettres de confession. On peut les acquérir à la fois pour soi et pour les parents ovi amis que l’on veut obliger. Ici non plus d’ailleurs, pas n’est besoin de se mettre d’abord en état de grâce : la lettre de confession n’est qu’un bon à valoir ; l’acquéreur pourra attendre, pour en faire usage, qu’il juge à propos de recourir à un confesseur de son choix. C’est alors, après l’absolution, qu’application lui sera faite de l’indulgence proprement dite et qu’il obtiendra la rémission de peine ainsi escomptée d’avance.

Les apparences de vente, on le voit, étaient poussées très loin, et quelque traditionnel que fût ce mélange de sacré et de profane, pour en être choqué et scandalisé pas n’était besoin de s’être fait une conscience pharisaïque. Depuis longtemps, les hommes les plus dévoués à l’Eglise, en Espagne, en Allemagne, en Italie même, dénonçaient cet avilissement et cette profanation (Pastob, op. cit., p. 268-270). On comprend donc sans peine que Luther ait pris prétexte de cette collaboration des missionnaires et des banquiers pour crier à l’exploitation des fidèles et à l’encouragement au péché.

D’autant plus que les fidèles qui donnaient ainsi l’aumône, v. gr. pour la construction de la basilique de Saint-Pierre, étaient laissés dans l’ignorance sur les arrangements pris au sujet de l’emploi réel de leur argent (cf. Grisar, Luther, t. I, p. 286, note 2).

D’autant plus encore que, à côté de ce « débit » régulier et organisé des indulgences, existait aussi ce qu’on pourrait en appeler le « c(dportage ». Les ordres religieux, les confréries, les associations pieuses ont obtenu pour leurs bienfaiteurs des faveurs considérables. Leurs quêteurs distribuent donc, eux aussi, en échange des aumônes reçues, des lettres d’indulgence et de participation aux suffrages et bonnes œuvres. Or ici l’escroquerie trouve plus facilement encore à s’introduire. Les garanties d’authenticité sontpresque impossiblesà obtenir. Enfait, bien des fausses indulgences ont dû entrer en circulation par cette voie. Les pseudo-quêteurs sont du moins les premiers et les plus directement visés par les décrets des conciles sur ces matières (Clément, , 1. V, tit. IX, a ; Trident, conc, sess. xxi, de reform. 9). Leurs agissements, en effet, joints à ceux des prédicateurs-collecteurs, achevaient de faire croire à un réel commerce des indulgences,

B) Condamnation et suppression par le concile de Trente. — Aussi le concile de Trente stigmatise-t-il à la fois toutes ces pratiques abusives (sess. xxi, de reform, , g ; et sess. xxv, décret, de indulgentiis). Plus heureux même que les conciles de Latran et de Vienne, il parvient à les supprimer. Le mal, cette fois, est coupé à la racine. Plus de quêtes (/jraios quæstus) ni de quêteurs d’indulgence. La publication en sera réservée aux évcques et les deux membres de son chapitre, chargés par lui de recevoir les offrandes spontanées des fidèles, ne pourront rien en prélever pour eux.

C’est l’abolition, en fait, des indulgences-aumônes, et il ne tiendra pas aux papes réformateurs qui suivront, à saint Pie V en particulier, que l’usage n’en disparaisse couiplètement. Seuls les rois d’Espagne, à force d’instances et de menaces, en obtiendront le maintien pour eux et leurs sujets : on sait qu’il existe

encore dans ce pays, sous la forme de la « bulle pour la croisade », dégagé toutefois depuis longtemps des procédés de publication et de recouvrement qui en avaient fait ordonner la suppression au xvi’siècle. Le vœu du concile s’est donc réalisé, qui était d’arriver à faire comprendre que le trésor spirituel de l’Eglise doit servir, non point à procurer des revenus, mais à alimenter la piété ( « ( tandem cætestes hos £cclesiae lliesauros non ad qiiæsturn, sed ad pietaieni exerceii omnes cere intelligant..’iess. xxi, de reform., 9).

C) La doctrine toujours saufe. — Mais là s’arrête son œuvre réformatrice. Sur le fondement, sur la nature, sur le mode d’action des indulgences, il n’a pas eu de doctrines à définir ou à redresser. L’essentiel était acquis depuis longtemps et les abus n’avaient jamais atteint le principe même de l’institution. A l’heure où les apparences justifiaient le plus les protestations de Luther, elle conservait le caractère d’une faveur gratuite accordée à des œuvres essentiellement bonnes.

L’aumône, en effet, n’était pas la seule des conditions requises pour l’indulgence plénière offerte aux vivants. En plus de la contri : ion et de la confession, il devait s’y joindre des prières, des jeûnes, la sainte communion. L’offrande n’était d’ailleurs pas si indispensable qu’il n’en pût être accordé remise ou commutation. Les instructions aux confesseurs et aux prédicateurs étaient au contraire fort explicites sur ce point. Celles, par exemple, qu’avait rédigées Tetzel pour l’indulgence de Saint-Pierre à prêcher dans l’arcliidiocèse de Mayence, prévoyaient, après le tableau des sommes à verser pour ceux qui en avaient le moyen, la conduite à tenir à l’égard des pauvres : « Personne, y était-il dit, ne doit être renvoyé sans avoir eu part aux grâces concédées par la bulle jiontiUcale, car il ne s’agit pas moins du bien des fidèles que de la construction de la basilique de Saint-Pierre. Ceux donc qui n’ont pas d’argent doivent, à la place, offrir des prières et des jeûnes : le royaume des cieux en effet ne doit jias ouvrir ses portes aux riches plus qu’aux pauvres » — et par pauvres on entend « non seulement les mendiants, mais aussi les ouvriers vivant du fruit de leur travail et incapables de faire des économies ». — Même faculté de commuer, en faveur des femmes mariées et des enfants qui ne possèdent point par eux-mêmes ou ne peuvent pas se procurer les moyens de faire l’aumône prescrite (N. Paulus, Johann Tetzel, p. 1 15).

Celle-ci, on le voit, n’est donc pas à considérer comme l’équivalent réel et direct de l’indulgence. Elle reste une des conditions mises à l’exercice du pouvoir des clefs. Et la question dès lors de ses stipulations variées ou de l’affectation de ses produits n’a plus qu’une portée secondaire. On peut regretter sans doute — et pas un catholique qui ne regrette — que la cour de Rome se soit trop souvent, aux xv° et xvi » siècles, laissé guider par des considérations pécuniaires dans la concession des indulgences. Mais le motif des faveurs obtenues ne change rien à leur nature, et les rémissions de peine accordées pour le seul versement d’une offrande, en vue de pourvoir aux besoins généraux du gouvernement ecclésiastique, n’ont donc rien que de très avouable et de très haulement religieux. S’il faut un pouvoir suprême à l’Eglise, il faut aussi des ressources à ce pouvoir, et c’est à l’Eglise de les lui procurer. Que si une conipénétration excessive des deux sociétés, civile et religieuse, engage celle-ci dans des entreprises moins directement ordonnées à sa fin première, le caractère sacré de son administration n’est pas altéré pour cela, et de subvenir à ses besoins demeure une (cuvre essentiellement évangéliquc. Tant jiis pour qui