Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/369

Cette page n’a pas encore été corrigée

72â

INDULGENCES

756

système doctrinal des indulfiences, ne sont que le résumé des allirniations de saint Paul sur les liens étroits qui unissent les membres du corps mystique du Christ, et il eslsiny ; uliérenient cliange de les voir contester par des bommes dont toute la doctrine reliy ; ieuse se fonde sur l’attribution aux rachetés des satisfactions du Rédempteur. Les relations, qui existent de la tête aux membres, ne se poursuivent-elles donc pas entre les membres eux-mêmes ? Et est-il si anormal que, comme il a accepté les réparations olTertes par le Christ en faveur de ses frères. Dieu permette également à ses frères de se secourir mutuellement et d'échanger entre eux les biens qu’ils tiennent du Christ ? Saint Paul, en tout cas, les exhorte à le faire. « Portez les fardeaux les uns des autres » ('-al., vi, 2), écrit-il à propos du péché qui peut les atteindre, et la raison de cette assistance nuiluelle est précisément la solidarité établie par Dieu entre tous les membres d’un même corps. Bien loin de s’ignorer et de se traiter en étrangers, ils se portent secours, en sorte que, si l’un d’eux a quelque cln>se à souffrir, les autres en prennent aussi leur paît (I ('()/., xit, 24-26). Et joignant l’exemple à la diM-ti-ine, l’Apotre accepte avec joie de souffrir dans sa pers<mne au prolit de ce corps du Christ qui est sou Eglise (Cul., i, a^). Saint Jean fait comme lui. Pour permettre au jeune homme perverti et égaré parmi des brigands de rentrer dans l’Eglise, il n’hésite pas à se porter caution en sa faveur auprès de Dieu : « C’est moi qui satisferai (rendrai raison) au Clirist pour toi ; s’il le faut, j’accepterai la mort pour toi comme le Seigneur l’a fait pour nous. En faveur de ton àme, je suis prêt à donner la mienne » (Clem. Alexamir., Qiiis dives sahelur, xlii, P. G. IX, 6^9. C).

En sorte, peut-on dire, qu’il n’est pas de doctrine plus solidement établie par l’Ecriture et la tradition apostoliqueque celle qui permet de porter au compte d’un membre de l’Eglise les satisfactions et bonnes œuvres accomplies par un autre. L’intercession publique des lidèles en faveur des pénitents, qui tient une si grande place dans l'économie pénilentielle des premiers siècles, n’a pas d’autre fondement.

Il ne suit pas de là toutefois que la doctrine des indulgences se trouve formellement énoncée et explicitement connue et pratiquée dès cette époque.

Le concile de Trente n’a rien déGni sur le moment ou les circonstances dans lesquelles a commencé de s’exercer le pouvoir accordé par le Christ à son Eglise de concéder des indulgences. Ce qu’il en dit (Denz.Bannw., gSj [86-2]) n’est pas l’objet direct de son décret ; et quel que soit le sens donné par les Pères du concile à l’expression « nnlif/iiissimis tempnrihus usa est). les catholiques, bien loin d’en conclure à une nécessité dogmatique de rechercher et de retrouver aux premiers siècles l’usage des indulgences proprement dites, se reconnaissent, au contraire, parfaitement libres, en cette matière, de toute contrainte. L’exislencedu pouvoir n’exigenullementqu’il en soit fait usage, et decelui-ci, commede beaucoup d’autres. Tienne s’opposerait à ce que lEgliseeùl attendu longtemps pour se servir (Palmikri, De pænitentia, 501). Comme le remarque très bien le docteur Paulus (Die Aiiffingr des Ablasses : /.eitr^chr. f. lath. TlieoL, t. XXXIII (1909), p. 817). la théologie s’accommoderait sans peine de l’apparition brusque et imprévue de la pratique et de la théorie des indulgences. Il lui sulTirait d’en pouvoir montrer le fondement doctrinal dans les quatre vérités susdites pour écarter le reproche d’une innovation et d’une invention purement humaines. Coordonner entre elles les données anciennes de la révélation n’est pas les altérer ou y ajouter ; c’est en mieux approfondir le contenu, et

l’Eglise se fait gloire, en ce sens, de savoir évoluer et progresser.

B) Le développement historique. — Il s’en faut toutefois que la théorie et la pratique des indulgences présentent ce caractère d’une brusque apparition. S’il est vrai que des indulgences, au sens précis où nous les connaissons, on ne trouve pas la trace avant le XI' siècle ; s’il est vrai aussi que la doctrine n’a pris corps qu’au cours des siècles et qu’il faut descendre jusqu’au xiii' pour en trouver la formule propre et dèlinitive, il est incontestable, par contre, que l’histoire en montre la jiréparation et les ébauches et permet de suivre à travers les générations la genèse progressive d’une institution destinée à un développement si considérable.

1° Le point de départ : rkglkmrntatiox par

LES KVicgl’KS DK LA DISCII’LISB PKNITBNTIBLLK. Le

point de déjiart en est dans le pouvoir revendiqué dès le début par l’Eglise de remettre, non seulement le péché, mais aussi les peines qui en accompagnent normalement le pardon. Ces peines, Dieu seul les connaît ; mais c’est pour y satisfaire que l’Eglise impose aux pécheurs repentants les épreuves de la pénitence. Régulièrement, ces épreuves s’exigent de tous les coupables, qu’elles précèdent ou qu’elles suivent la réconciliation appelée sacramentelle. Des dérogations cependant se produisent à cette loi générale et il arrive que, pour accorder « la paix » définitive, on n’attende pas le complet achèvement de la pénitence. Le concile de Carthage en 251, par exemple, permet que, en cas de danger de mort, la réconciliation — nous dirions l’absolution — soit accordée aux pénitents, quelque temps d'épreuve qu’il leur reste encore à courir ; et s’ils reviennent ensuite à la santé, le bénélice du recouvrement de

« la paix » leur demeure acquis : saint Cyprien ne

conçoit pas qu’on puisse remettre en question la rémission de peine qui leur a été ainsi consentie (Epiai., Lv, 13 : Hartel, p. d’il).

Le concile de 252 fait plus encore : la perspective prochaine d’une nouvelle persécution lui l’ait admettre à la communion tous les pénitents sans distinction. La remise de peine ainsi faite par lui, certains évêquesont d’ailleiu-s déjà pris sur eux de l’accorder pour d’autres motifs et en des cas particuliers : saint Cyprien approuve que, malgré la loi prescrivant aux apostats une très longue pénitence, certains d’entre eux soient réconciliés après trois ans d'épreuve seulement(/r^/s/., Lvi, 1-2 : Hartel, p. 0^8). Un de ses collègues va plus loin : il a usé de la même indulgence à l'égard d’un prêtre apostat ; il l’a réconcilié sans le laisser aller jusqu’au bout de sa pénitence : antequam pæniteiitiam plenam egisset et Domino Deo in quem deliquerat salisfecisset… ante legttimum et plénum tempiis satisfactionis (Epist., Lxiv, I : Hartel, p. 717). Saint Cyprien désapprouve cette conduite et l'évêijue lui paraît à blâmer, mais la rémission de peine accordée demeure acquise et le prêtre ainsi admis à la paix en conserve le bcnéûce (ibid.).

Eu ces matières, en effet, le pouvoir des évcques est souverain et universellement reconnu. Les conciles eux-mêmes, dans leur législation pénitentiellé, le réservent : les peines édictées par eux, les évéques pourront en abréger la durée, s’ils le jugent à propos fcf. v. gr. Conc. Ancrr., caii. a, 4, 6, 7 ; Conc. Nicæn., can., 12 ; saint Basile, Epist., can. 74 (P. G., XXXII, 804.) ; saint Ghkg. de Nvsse, Epist., can. 4 (P. G., XLV. p. 229 BC)], et ces derniers considèrent comme l’un des plus graves devoirs de leur charge 1 exercice de ce pouvoir sur le péché : qu’il sullise de rappeler