Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/366

Cette page n’a pas encore été corrigée

719

INDULGENCES

720

nullement nécessaires ni au salut ni à la complète et parfaite purification des âmes.

2" Condition des indulgences : l’œuvre indulgenciée, son rôle. — Mais elles sont une faveur et un secours que l’Eglise met à la disposition de ses enfants pour leur faciliter un plus rapide acquittement de leurs dettes envers la justice divine.

Ici, en effet, c’est l’Eglise elle-même, par son chef ou par les ministres avoués de lui, qui agit. La rémission de peine qiii correspond à l’indulgence est son œuvre propre, et l’eflicacité de l’indulgence ne tient nullement à la valeurou à la perfection del’acte pieux ou cliaritable auquel elle est attachée. Ce n’est pas ici le mérite personnel qui entre en jeu et il ne faut pasparlernonplus d’une commutation dcpeine : l’œuvre accomplie ne tient pas lieu d’expiation ; elle n’est qu’une condition mise par l’Eglise à l’exercice de son pouvoiret la volonté seule deceluiqui accorde l’indulgence en détermine l’étendue et rellicacilé. De là vient qu’il ne lui est pas nécessaire de connaître et d’apprécier les dispositions subjectives des bénéficiaires de sa faveur ; qu’ils soient en état de grâce et qu’ils posent les actes prescrits par elle, et ilsproliteront de ses libéralités.

3° Motif des concessions d’indulgences. — C’est donc un acte d’administration, dérivant du pouvoir de juridiction et nullement du pouvoir d’ordre ; et voilà pourquoi il dépend des chefs de l’Eglise d’en régler l’exercice.

Il ne suit pas de là qu’ils doivent ou même qu’ils puissent en user arbitrairement. « Tous les docteurs, dit SuABEZ (De pænitenlia. Disp. liv, s. a, n" 3), théologiens aussi bien que canonistes, sont d’accord qu’il faut une cause pieuse pour la validité de l’indulgence », et, de fait, les conciles et les Souverains Pontifes n’ont jamais revendiqué ce pouvoir que dans ces conditions, n Thesuurum salubriter dispensandum et propriis et rationahilibus causis… applicandum », dit Clk.mbnt VI dans sa Bulle du Jubilé (Denzinger-Bannvart, 551), et en demandant aux partisans d’Husou de Wicleff s’ils croyaient au pouvoir du pape d’accorder des indulgences, le concile de Constance ne faisait porter sa question que sur un pouvoir ainsi défini : a i’Irum credut, quod Papa…, ex cuusa pia et iusta, pnssit concedere mdulgentias » (Denz.-Bannw.jfi^G [570^) : LkonX, dans sa bulle » Cum postquam » au cardinal Cajetan sur la doctrine des indulgences à promulguer en Allemagne, insère la clause pro ratiimahilibus causis » (Lk Plat, SInnum. ad conc. Trident., l. II, p. 2^).

Aussi — et quelles qu’aient pu être jadis les hésitations de certains (voir, pour l’époque de saint Tuo-MAS, .*<"H/)^/e/n., q. 25, a. 2) — l’opinion tend-elle à prévaloir que, pour être valide, toute concession d’indulgence doit avoir une cause, un motif raisonnable et proportionné (cf. Chr. Pescii, De indulgentiis, n’480-48a).

Non pas qu’il soit loisible aux fidèles de s’ériger en juges ou qu’ils aient à s’inquiéter de la valeur et de la suffisance des motifs ; jusqu’à évidence contraire, la présomption de sagesse et de prudence est pour l’auteur de la concession.

Non pas surtout que la cause ou le motif requis soit à chercher viniquement ou même d’abord dans l’importance, la dilliculté ou la valeur propre de l’ivuvre prescrite. Plus souvent, au contraire, ce motif lui sera extrinsèque et se trouvera dans une vue d’ordre supérieur : a Quæcumque causa adsit quæ in utiliiatem Ecclesiæ et honorent Dei vergat, sufficiens est ratio indulgentins faciendi », dit saint Thomas {Supplem., q. aS, a. a, c).

Mais il reste que, de ce chef, non seulement les

indulgences accordées par un pape peuvent être abrogées par un autre, mais aussi qu’il peut y avoir faute à concéder certaines indulgences et que même la concession peut alors se trouver invalide.

/(° Indulgence, paiement de dette : le trésor de l’Eglise. — L’Eglise, en effet, dans cette œu-Te d’administration pastorale, ne procède point à un acquittement du débiteur purement gracieux. En un sens très réel etqu’on regrette de traduire en termes aussi anthropomorphiques. il y a paiement de la dette du péché ; seulement, au lieu d’être personnel, il est social : l’Eglise y pourvoit elle-même. Jointes aux mérites du Christ, d’où elles tirent d’ailleurs toute leur valeur, les satisfactions surérogatoires de la Sainte Vierge et des saints lui constituent un trésor et comme un fonds de réserveoù elle peut puiserindéliniment pour l’exonération de tous ceux de ses membres qui en sont susceptibles. Fonds social : la dispensation en est confiée naturellement à ceux-là seuls qui gèrent les intérêts de la communauté ; mais le gaspillage et la profanation en doivent être évités ; c’est pourquoi les chefs qui en détiennent les clefs n’en peuvent pas disposer à la légère ou par caprice. Mais leur devoir aussi est d’en faciliter l’accès et l’usage, et tel est le but de leurs innombrables concessions d’indulgences ; elles ne sont pas autre chose que la mise à la disposition des fidèles du trésor de mérites et de satisfactions auxquels leur agrégation à la société des saints leur donne le droit de participer.

L’organisation sociale de l’Eglise et le dogme de la communion des saints, tels sont donc les fondements de cette discipline, et à qui n’admet pas ou n’a pas compris ces deux vérités, il serait vain de vouloir expliquer ou justifier la théorie et la pratique des indulgences. Aussi toutes les décisions rendues par l’Eglise à ce sujet se réfèrent-elles à l’existence de ce trésor. (Iliîmkxt VI l’alTirme et la démontre dans sa bulle du Jubilé (Denz.-Bannw., 550). Li ; on X fait de même dans la bulle à Cajetan mentionnée tout à l’heure, et la première des propositions de Luther qu’il condamne en cette matière est celle qui nie que « les trésors de l’Eglise, permettant au pape de donner des indulgences, soient les mérites du Christ et des saints » (Denz.-Bannw., -b-) [641]). Pour l’avoir contesté également et pour avoir insinué qu’il y fallait voir un simple produit des discussions et des subtilités scholastiques, les Jansénistes de Pistoie se firent à leur tour condamner par le pape Pie VI (Denz.-Bannw., 1341 [i^o^]), en sorte que, s’il n’y a pas lieu de dire avec SrAHKZ (Disp. li, s. i, n* a) qu’il s’agit là d’une vérité de foi proprement dite, du moins est-ce une conclusion de vérités définies qui fait partie de l’enseignement catholique. L’usage des indulgences, tel que l’Eglise le comprend, est conditionné par elle et il y aurait une témérité insigne à la nier ou à la mettre en doute.

5" Efficacité des indulgences aux yeux de Dieu. — Il n’y en aurait pas moins à vouloir restreindre l’elTet des indulgences à la rémission de la peine ecclésiastique exigible en vertu des anciens canons pènitontiels. II est bien vrai que les formules traditionnellement employées dans les concessions semblent viser d’abord et directement cet elTet, qui est d’ailleurs très réel. Faire grâce de tout ou partie des peines encourues signifie bien tenir quitte de la pénitence canonique encourue pour les péchés déjà pardonnes. Et de là vient aussi l’expression classique, accorder l’indulgence par forme d absolution : la même autorité, qui avait prescrit ou aurait pu prescrire la peine ecclésiastique, en fait remise, en absout, et. lorsqu’il s’agit des fidèles vivants, soumis à sa juridiction, il n’y a rien que de très naturel dans ce langage : il a