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conserver, sans son autorisation spéciale, des ouvrages reconnus nuisibles. En agissant ainsi, elle montre, dans sa sphère supérieure, la sollicitude d’une mère qui refuse à ses enfants des aliments qu’elle sait vénéneux ou suspects ; elle imite la sévère prévoyance d’un père qui arrache une arme à feu des mains de son lils imprudent ; elle veille à sa propre sécurité, comme la société civile, qui ne permet pas de colporter, sinon sous certaines conditions et avec un enseuible de précautions déterminées et contrôlées par elle, des objets et des engins spécialement dangereux, de la poudre, de la dynamite et d’autres matières inflammables ou explosibles ; enûn, semblable à un sage gouvernement, qui interdit et punit toute attaque contre les institutions sociales existantes ou toute provocation à l’immoralité, telle que l’exhibition de peintures luanifestement obscènes, elle prétend assui’er à ses fidèles la conservation des biens de l’ordre le plus élevé.

Ces raisons suffisent pour faire justice des déclamations des protestants et des rationalistes contre le point de législation qui nous occupe. Quiconque reconnaît à l’Eglise du Christ le caractère de société véritable, hiérarchique, et réfléchit à l’objet essentiel de sa mission, qui est de maiulenir et de promouvoir l’observation de la loi chrétienne, dans sa partie théorique comme dans ses applications pratiques, doit avouer que les papes, en flétrissant les écrits impies ou immoraux, se montrent justement soucieux des intérêts des âmes et accomplissent le plus impérieux des devoirs.

2" Preuve tirée du sentiment et de l’usage universels. — On peut invoquer en faveur de la même discipline le sentiment unanime de tous les peuples et de toutes les sectes, y compris les soi-disant réformateurs du XVI’siècle. Chez les Juifs, à cause de quelques tableaux dangereux pour l’imagination des jeunes gens et d’énoncés ou de récits dont le vrai sens dépassait la portée de leui-s intelligences, la lecture de la Genèse, du Cantique des cantiques et de plusieurs chapitres d’Ezéchiel n’était permise à personne qui n’eût atteint l’âge de vingt ans au moins. Au témoignage d’Eusèbe, le roi Ezéchias ht jeter au feu des livres qu’on attribuait faussement à Saloraon, de crainte qu’ils ne devinssent pour le peu[)le une occasion d’idolâtrie. Les païens même n’étaient pas moins persuadés de la nécessité de s’opposer à tous les excès de plume. Cicéuon (De nat. deuruni, liv. I, ch. 23) et Lactance (De ira Dei, ch. ix ; Migne, P. /-., t. VIII, p. 98) nous rapportent que Protagoras d’.Vbdère fut banni de la ville et du territoire d’Athènes pour avoir mis au jour un écrit où il disait : « Que les dieux existent, c’est ce que je ne puis ni affirmer ni nier. « Son ouvrage fut brûlé au milieu de l’agora. Les Romains, aussi bien que les Grecs, étaient d’une grande sévérité sur ce j)oint ; nous en avons pour garants Tite-Livk, Vali’ ; he-Maxi.mk, Suétone, SÉNKQUE, Tacite (cf. Devoti, fnstitutiones canonicae, 1. IV, lit. VII, S 3). TiTK-LivE cite (1. XXV, c. 1) un décret du préleur M..Vttilius ordonnant d’anéanlir les livres prophétiques carthaginois.

Toutes les communions chrétiennes ont cru devoir se défendre par des mesures analogues. Saint.thanasb, saint Victoh de Vite et saint Théodork Stu-DITE racontent que les Ariens, surtout Grégoire de Cappadoce, patriarche d’.lexandrie, que Genseric et Huneric, rois des Vandales, que les iconoclastes, livraient aux flammes les livres des Catholiques. Tout le monde sait que Luther se passa la même fantaisie à l’endroit du Corpus juris canonici. Ses disciples proscrivirent également les producti(ms des Zwingliens et des Calvinistes, alléguant, comme précédent, la défense portée parles empereurs Théodose, Valen linien et Marcien, de lire ou de transcrire les œuvres de Nestorius, d’Eutychès et des ApoUinaristes. On peut voir dans Zaccahia (Storia polentica délie proibizioni de libri, dissert, i, ch. ;) comment les Calvinistes ne voulurent point demeurer en reste de bons procédés avec les Luthériens.

3" Preuve tirée de la pratique constante de l’Eglise.

— En agissant comme nous venons de le dire, les sectaires de toutes nuances rendaient témoignage à la pratique constante de l’Eglise, aussi conforme à l’Ecriture que fondée sur le bon sens et sur l’histoire du genre humain. Saint Paul, en elfet, n’a-t-il pas mis les lidèles en garde contre la peste des mauvaises doctrines ? Non seulement il affirme que « les conversations malsaines gâtent les bonnes mœurs », qu’il faut « éviter les entreliens vains et profanes, qui conduisent à l’impiété et dont le venin se répand comme la gangrène » (II Jim., 11, 16, 17), ce qui doit s’entendre assurément des discours écrits autant et même plus que des discours parlés ; mais nous lisons dans les.4c les des.4 patres (xix, 19) qu’à la suite de ses prédications à Ephèse, « beaucoup de ceux qui avaient exercé les arts magiques apportèrent leurs livres et les brûlèrent en présence de tous », et l’on calcula qu’il yen avait pour une somme de cinquante mille deniers. On peut donc dire à la lettre, en se basant sur ce fait important, que l’usage de soustraire à la circulation les ouvrages dangereux et de les détruire est un usage apostolique. Les Pères, les conciles et les Papes de tous les siècles s’y sont montres fidèles. Ainsi ont fait, entre beaucoup d’autres, saint Cyprien à l’égard des productions schismaliques, le concile de Nicée à l’égard de la Thalie d’Arius, et un grand nombre de Pontifes romains. En 400, l’évêqne d’.lexandrie, Théophile, interdit les livres d’Origèiie et en informa.4nastase I", qui approuva la mesure. Cinq ans plus lard, en io5, In.nocent I*^ répondant à Exupère. évêque de Toulouse, au sujet d’une liste d’écrits apocryphes, déclarait qu’ « il fallait non seulement les écarter, mais les condamner » (Epist. vi, n. 13 ; P. /,., t. XX). Saint Liio.N le Grand stigmatise à son tour, en 443, tous les écrits manichéens, et, en 447. <^’""x des Priscillianisles d’Espagne {Epist. VIII, XV et seq. ; P. f.., t. LIV). Nous avons déjà mentionné le décret de Gélase I" (496) établissant la distinction des « livres qu’il faut recevoir et des -v livres qu’il ne faut point recevoir ». Dans sa constitution 0/ficiorum ac munerum, § 2, Léon XIU rappelle ces actes de ses prédécesseurs, et il ajoute :

« Pareillement, dans le cours des siècles, la juste

sentence du Siège.postolique a frappé les livres empoisonnés des Monothélites, d’Abélard, de Marsile de Padoue, de WiclelTet de Jean Huss. »

L’autorité de l’Eglise en cette matière est donc incontestable ; sa pratique actuelle est fondée sur les meilleures raisons et se recommande des plus illustres exemples.

VI. Objections. — La législation et l’usage de l’Index dans l’Eglise ont été l’objet de bien des critiques, soit lie la part des incrédules et des hétércdoxes, soit même de la part de certains catholiques inconséquents. On trouvera dans l’exposé juridique et historique qui précède la quintessence de la réponse à faire aux principales. Mais il ne sera pas inutile d’en mentionner quelques-unes en particulier.

1° Attaquant le droit même de l’Eglise et le principe sur lequel l’Index repose, on leur oppose ce qu’on est convenu d’appeler « les grands principes modernes », la liberté de conscience, de la parole, de la presse, des opinions. — Nous répondons : cette liberté, entendue comme le droit illimité et propre à chaque individu de croire ou de refuser sa foi à la