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INDE (RELIGIONS DE L’)

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des phrases bouddhiques commençant par les difTérenles lettres. — La première histoire, nous dit-on, est dans le Pseudo-Matthieu ; la seconde dans Tliomas, où le maître tombe inanimé sur le sol à la vue de l’enfant, où l’enfant explique le sens mystique des lettres : « La concordance est si frappante que l’origine Ijouddhique saute aux yeux. »

Il n’est pas dit dans le Lalita que les idoles se brisent, mais seulement qu’elles tombent aux pieds du Bouddha. Dans le Pseudo-Matthieu, elles sont coni 7(/s « el confracln : l’auteur lui-même cite la prophétie d’isaïe (xix, i) de laquelle, à en croire M. Cli. Mi-CHF. L, toute cette légende est née (movelnintiir a facie [Domini] oinuia inanufacla.Hgyptioriim). Ah I si i’Apocryplie expliquait que la tête des idoles se brisa en sept morceaux comme il doit arriver à des êtres inférieurs quand ils sont salués par des êtres supérieurs ! Ce serait là un de ces traits caractéristiques que nous cherchons vainement, et dont tout indianiste embellirait aisément une légende qu’il voudrait bouddhiser. Dans le Lalita, le maître d’école, incapable de supporter l’éclat de l’enfant, se prosterne la face contre terre ; dans le Pseudo-Thomas (xiv, deuxième épisode d’école),.lésus parle insolemment au maître qui le frappe à la léte : « L’rnfant, dans sa douleur, le maudit et aussitôt il tomba défaillant la face contre terre. » Je ne peux donc me rallier à la conclusion de M. Garbe : « Nor eau it be a cliance correspondance that bolli in Ihe narrative of the Lalitavistara and in Ihe (lospel of Thomas the teacher falls unconscious to the ground al Ihe appearance in Ihe sehool of the miraculous cliild. » Rien dans l’Apocryphe qui rappelle la variété d’alphabets du Lalita, ou la manière dont les sons de l’alphabet sont paraphrasés par des sentences ou des mots (procédé habituel aux sources indiennes) ; les « allégories » portent, à ce qu’il semble, sur la forme des lettres (voir la note de M. Ch. Michel ad vi, 4)- H serait au moins hasardé d’atlirmcr que ces allégories peuvent èlrc hindoues.

On ne peut tirer de l’huile d’un grain de sable ; on ne peut en tirer d’un tas de sable : j’aimerais mieux un grain de sésame. Ce /nàjnbouddhique s’applique ici à la lettre. Une masse de « parallèles », dont aucun n’a de valeur propre, peut à peine créer un préjugé qui se dissi|)e à l’analyse. Les bouddhistes ont pensé à mettre le Bodhisattva en présence d’un maître d’école ; de même les gnostiques, les Perses, Thomas le philosophe Israélite ont conduit en classe

« cet enfant terrible, méchant, rancunier, faisant

peur à ses camarades et à tout le monde » qu’est le Jésus du PseudoTlionias, bien différent du Bodhisattva.

5. Les remarques qui ijrécèdentjustilient notre position : renq)runt est invraisemblable, sept fois invraisemblable. Mais faut-ils’étonner (lu’olles ne persuadent j)as tout le monde ? Plusieurs spécialistes ont, sans succès, plaidé la causeque nous défendons. C’est que certains esprits rangent beaucoup de choses dans la catégorielle « ce qui ne s’invente pas deux fois 1). Ko-.THN déclare qu’un ustensile de dévotion aussi étrange que le eha]>elet n’a pas pu naître dans deux cerveaux : »… dcnn man darf wolil dem menschlichcn Gchirn nicht zulraucn, dass es dièses absonderliche Werkzeug des Dévotion ofter als einmal erfunden h.ibe’». Comme si la litanie, la répétition en nombre déterminé de formules n’étaient pas 61 Immaines qu’elles sont sauvages ! Je tiendrais donc Kôi)pen pour un esprit faux si mon excellent

î. DU Hcli^liin (le$ liuddha^, Lamaiiche Hiérarchie und A’i>(7/c, 1859, p. : tl9’ami M. R. Garbe ne m’avertissait qu’il est disposé à en penser autant de moi I « Whoever possesses a direct insighl for what is right, vhich oftcn is more important for the advancement of scientilic knowledge than scolarship or industry, will not doubt for an instant that the stories herein to be adduced from the Apocryphal Gospels bave been transferred from Buddhist Legends where thej’likewise appear. » (Monist, igi i, p. Sa ;  ;.) Parce que l’histoire de l’écolage du Bouddha ne m’impressionne pas, manqué-je donc de ce don d’intuition qui fait sentir la solution juste ?

Hélas I nous nous flattons tous déposséder l’esprit de finesse.

Heureusement, il appartient à M. Lehmann de montrer que lai|uestion relève aussi de l’esprit géométrique. Il fait aloir une considération, non pas toute nouvelle, mais dont les adversaires de l’emprunt n’avaient pas tiré le parti possible.

Si l’histoire évangéliquc s’est enrichie de nombreux thèmes bouddhiques, la naissance dans le Pseudo-Matthieu, le cantique des anges, les scènes de l’école, etc., c’est donc que la geste du Bouddha a été utilisée par les chrétiens. N’est-il pas surprenant que les adaptateurs chrétiens aient ignoré el omis d’autres données ou fondamentales ou intéressantes ? L’épisode le plus notable de la jeunesse du Bouddha (rencontre du malade, du vieillard, du mort…) était très propre à frapper les esprits, et, par le l’ail, il a élé christianisé dans la légende de saint Joasaph. S’il avait été connu en Occident, « on l’aurait cerlainemenl utilisé ; on s’en serait facilement servi pour remplir l’histoire de la jeunesse du Christ, ce grand trou dans le récit évangéliquc » (/iiiddltisniiis, p. 84).

L’argument est jikis « contraignant » lorsqii’on l’applique aux Apocryphes*. La fantaisie des Pseudépigraphes est bien connue : n’est-il pas étrange qu’ils se soient l)ornés à une demi-douzaine d’emprunts fort déguisés ou anodins ? Ils sont muets sur les « quatre rencontres », sur la sortie de la maison, sur la personnalité physique du Maître, sur l’Arbre de la Bodhi. Nous ne croirons pas que l’épisode de Siinéon soit calqué s>ir la prédiction d’Asita, parce que les chrétiens n’ont aucunç idée des caractères physiques de prédestination qui justilient la prédiction d’Asita : ces « marques » du Bouddha dont on eût fait facilement, au prix de quelques retouches, des marque ; du Messie. Nous ne croirons pas que les chrétiens aient placé sur le Thabor une scène qu’ils auraient « refaite sur l’éclat lumineux dont s’embrase le corps du Bouddha peu avant le nirvana : car ils ignorent l’Arbre si essentiel au bouddhisme, si popularisé par l’iconographie qu’il est devenu un symbole du Bouddha, et qui aurait aisément servi à des épisodes d’extase ou de transfiguration.

6. Les Evangiles et, en général, leslivres chrétiens rendent-ils quelque témoignage de la diffusion de thèmes mythiques, légendaires ou moraux, répandus dans le monde ancien ?

Il ne s’.igit ])as d’épisodes qui ne pouvaient vojager et être inq)ortés qu’avec la biographie dont ils l’ont partie, — comme c’est le cas, par (xinq)le, |)our le cantique des dieux (devapiittns) i la naissance du Bouddha ou le récit des démêlés du Bouddha avec le Satan bouddhique, qu’on ne conçoit pas ipii aient

1. L’histoire (hi concours de l’at-c aui-ail étt* <lo boiuie prise. — La répétition (ie3 scènes d’école dans l’.Vpoci’ypbe montre l’indigencB d’imagination et d’information bouddhique de l’auteur.