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IDE (RELIGIONS DE L’j

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I

Indiens opinent qu’il commence à exister de l’existence absolue, inljnie et bienheureuse de l’Etre. Par le fait, nous nous exiiliquons sur l’Inlini en termes intelligibles et nous en parlons surtout par analojjie ; les Indiens procèdent surtout par voie négative, iieii, neti, « il n’est pas ainsi, il n’est pas ainsi » ; ils nient, ou peu s’en faut, la validité de toute analogie. Mais cet Etre qu’ils vident de tout caractère, est pour eux l’Etre même, la pensée et la joie, sac-cidiirianda.

Totilefois les doctrines de bliakti ont de Braliman

« ne conception assez dilïérente. Non quelles sacrilient

quoi que ce soit de l’inintelligibilité (disons de la transcendance logique) et de l’immanence de Brahman ; mais, issues probablement de la rencontre des religions populaires avec le monisme savant, elles se refusent à confondre le dieu et le (idèle. Deventi l’Absolu, l’ancien dieu ethnique ou mylhirpie reste un dieu personnel ; reconnu comme divin en son être intime, le fidèle cependant ne s’unira pas substantiellement à son dieu lorsqu’il sera délivré des renaissances terrestres : il s’unira à lui par la dévotion (hliahiî), par l’amour. Une assez belle théologie de ces rapports du dieu et du fidèle, mais qu’il est dillicile de dater : vision, amour, tendresse, assimilation.

Le dieu personnel, dans ces doctrines, est une forme, un corps ou une manifestation intégrale de l’Absolu : et cela n’est pas trop mal conçu. Ses avatars, descentes ou incarnations, peuvent être des missions de salut (elles sont encore bien d’autres choses). Mais l’Absolu se manifeste aussi « partiellement » : la mjthologie, l’évhémérisme, — surtout sous la forme de l’adoration des « saints », ascètes et gurus (maîtres spirituels, chefs de secte), — la démonologie même ont donc place dans le système. Les avatars peuvent être mâles ou femelles. En un mot, la gnose panthéiste, riche d’ailleurs de morale et d’ascétisme, s’est unie à des dévotions fortement marquées de monothéisme et de monolâtrie, mais pauvres en métaphysique. Il en est résulté une grande variété de formes religieuses, qui vont d’une pure théologie de l’amour pur jusqu’aux aberrations sensuelles et païennes les plus étranges.

3. Mais il est équitable de juger cette idéologie et cette civilisation plus encore par ses sommets et ses vertus, que par ses bassesses et ses vices.

Les religions de l’Inde sont donc dignes d’un intérêt particulier. Il y a entre notre mentalité et celle des Hindous de singulières différences, entre notre spiritualité et la leur de frappantes affinités. On trouve ailleurs dans le monde paien, d’une part, des conceptions païennes à proprement parler, soit’ulgaires, soit artistiques ; d’autre part, des cristallisations plus ou moins complètes de la religion naturelle : le théisme de l’Assyrie, le monothéisme de la Perse, le dualisme del’Avesta. Ici, au contraire, nous sommes en présence de grands châteaux d’idées reposant sur des notions delà vie et de l’être à peine prévues dans les cahiers des philosophes, et qui, cependant, ontabrité des générations de moinesoude bonnes gens vivant dans un véritable enthousiasme mystique ou dévot, pratiquant l’ascétisme, certaine chai-ilc, certain amour de Dieu ; ayant parfois sur la présence de l’Infini des clartés vraiment fécondes. Les Hindous ont fait rendre au panthéisme presque tout ce qu’il peut donner. La frénésie de leur dévotion et de leur mystique leur a permis d’y mêler beaucoup de théisme.

4. Nous ne discuterons pas avec les sceptiques qui défendraient la position philosopliique des Hindous et ce panthéisme personnel. Sir Alfred Lyali. leur a

donné audience et nous a répété de brillants paradoxes sur la médiocrité de notre petite théodicée, de notre Dieu anthropomorphique : mais il ne prend pas tout à fait ces parailoxes à son compte, il fait parler un brahmane trop brahmanisant pour qu’on discute avec lui (Asiatic Studies, II, trad. de Kérallain, Etudes sur les inreiirs religieuses et sociales del’Extrème-Orienl, vol. II). L’Occidental a raison et le brahmane a tort : néo-bouddhistes et soi-disant théosophcs sont, à mon avis, d’assez faibles créatures, comme disent les Anglais.

Mais les Hindous sont merveilleusement doués pour les ressources de la vie spirituelle, et on peut se demander si leur infériorité religieuse ne doit pas s’expliquer d’abord par leur indigence en espritscientifique ; si ce qui leur manque, ce n’est pas surtout la ferme éducation de la raison dont la Grèce et Rome furent les maîtresses. On pensera que les notions morales et religieuses qui sont portées, dans le christianisme, à un maximum de perfection théorique et d’efficace pratique, existent dans l’Inde ; que, si elles y restent frustes ou mêlées, c’est affaire « d’évobition historique ». L’Inde religieuse serait, à plusieurs égards, comme une ébauche manquée de la grande doctrine de salut. Et voilà ce qu’on ne peut admettre sans examen et sans réserves.

Notons d’abord que l’idée que nous nous faisons des religions de l’Inde, il est exact en effet de dire que nous nous la faisons. S’il faut craindre d’estimer insuffisamment les choses de l’Inde, il faut aussi être en garde contre le danger de les « christianiser ». Qu’il s’agisse du bouddhisme, chasteté, charité, confession, ou de l’hindouisme, « incarnations » et dévotion, les mêmes mots recouvrent presque toujours des choses différentes. Un examen détaillé serait infini. On peut signaler au lecteur les remarques sur la charité bouddhique de H. Oldexberg, Der liuddhismus und die christliche Liebe, Deutsche Rundschau, 1908, p. 380 (contre Pischel, Leben und Lehre des Buddha, 1908), et Archiy fiir lieligionsii-isseiischaft, 19 10, p. 682 (Christus, p. 292 ; aussi Bouddhisme, Beauchesne, 1909) ; celles de E. Hardy sur la confession (Buddkismus, 1890).

Mais les analogies et les affinités fussent-elles aussi étroites qu’il paraît à première vue, c’est une différence essentielle entre le christianisme et l’Inde que, par exemple, les faits divins du krishnaïsme soient légendaires et mêlés de paganisme ; que la théodicée krishnaïte soit irrationnelle et contradictoire ; que toute cette idéologie, la bouddhiciue ou la brahmanique, soit essentiellement une théosophie, une théorie et une pratique de divinisation ou immédiate ou à long terme. CVoir Oltramark, /.es idées théosophiques de l’Inde, Musée Guimet.)

Enfin, — et pour rencontrer ce qu’il y a de spécieux dans les considérations qui précèdent, — il est très vrai que presque toutes les bonnes idées des Hindous ont été gâtées par leur incapacité de bien poser les questions, par l’arbitraire et l’intempérance de leur dialectique. Mais il s’en faut que les brahmanes n’aient jamais raisonné sobrement : et presque chaque fois que cela leur est arrivé, ils ont al)outi, tovit comme l’antiquité païenne, à des doctrines purement rationalistes (Sâmkhva, Nyàya, etc.), peu supérieures au stoïcisme ou à l’hédonisme gréco-romains, dépouillées de cette émotion et de cette imagination religieuse qui, par moments, établit des points de contact entre l’Inde et le chrisli.inisme. De telle sorte que la raison philosophique n’a pas manqué à l’Inde, mais qu’elle y a été incapable, comme elle le fut à l’époque du syncrétisme impérial, soit de servir utilement la dévotion, soit de s’enrichir de la dévotion. L’Inde n’est n divine j>