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Telle est, dans ses grandes lignes, l’iiisloire du IJoiuldhisnie i>rimilif, di- celui qui seul a le droit de se réclauiei’du liouddlia. Au fond, c’est la doctrine de la désesiXTance. Il jiiofesse, en ellet, quil n’existe rien en dehors de ce monde. La vie i)réscnte est un mal qui menace de s’éterniser, grâce à des renaissances successives auxquelles on ne saurait mettre lin qu’en pratiquant, dans toute sa rigueur, la loi du UouddUa. Le néant est l’unique perspective ouverte aux regards du croyant. Nos matérialistes n’en ont pas d’autre, mais, du moins, ne proclament-ils ])oint que l’existence soit un mal, et sont-ils persuadés qu’ils ne revivront plus.

Ce Uouddhisme primitif a subi bien des transformations dans le cours des siècles. Cei)endant, si l’atliéismequ’il semblait reconnaître, endépitdes dieux qui traversent sa légende, a fait place au polythéisme, |)armi les populations mongoles de la Chine et du Tibet, ou au panthéisme du Japon, il n’a point su promettre à ses adeptes un autre but suprême, une autre récompense linale que le Nirvana, qu’il s’agisse de la destruction totale de l’être, ou seulement, avec l’ancien Brahmanisme, de celle de la personnalité, ce qui, nous l’avons vu, revient pratiquement à la même chose.

Voilà donc la sanction de cette morale, qu’en l’embellissant beaucoup, les adversaires du Christianisme opposent à celle de l’Evangile : le Néant. Mais le néant elTraie moins certains honuncs que la pei-speclivc de rencontrer, au delà du tombeau, un juge ciussi incorruptible que sévère et juste.

IV. Hindouisme. — Afin de me renfermer strictement dans le cadre de ce dictionnaire apologétique, je ne m’occuperai de l’Hindouisme qu’autant qu’il offre, en apparence ou en réalité, des points de contact, ou plus exactement de comparaison, avec le Christianisme. Sous ce nom, d’ailleurs, l’on désigne les sectes nombreuses qui, surtout depuis la disparition du Bouddlùsme.se disputent la prééminence dans l’Inde religieuse. Les deux principales sont le Vishnouisme et le Çivaïsme, celles qui regardent soit Vishnu, soit Çiva, comme dieu suprême. Le Çivaïsme n’a jamais été opposé au Christianisme, ou rapproché de lui, comme on voudra dire, excepté sur certaines particularités tout à fait secondaires, insigniliantes même : telle, par exem()le, la déesse-mère, représentée tenant un enfant-dieu entre ses bras. C’est donc le seul Vishnouisme qui se recommande à notre attention.

Je me bornei-ai à résumer très succinctementle travail que j’ai publié, sur ce sujet, il y a quelques années (Cosmologie hindoue, d’après te Bliàgavala Puiànii. Paris, Maisonneuvc).

Dans la préface de sa magistrale édition du Bkâgai’atti Purâna, Eugène Bubnouk (mort en 1852) écrivait : « Venu après les grandes compositions de la littérature brahmanique, le Bhàgavata résume en mythologie, en philosophie et en histoire [leurs] traits les plus frappants et les plus caractéristiques, réunissant dans une sorte d’unité encyclopédique des éléments aussi dissemblables et d’époques aussi diverses » que le sont les éléments épars dans les traités philosophiques ou les épopées de l’Inde {Le Bhàgavata Purâna, traduction Burnouf, 1840. Introd., iv). Ce Puràna comme les autres (on en compte dix-huit) a subi, dans le cours des siècles, des modilications « dont il est jusqu’à présent impossible d’apprécier l’étendue » (ibid., xxxvi). Généralement, on en attribue la rédaction actuelle à VoPADEVA, qui vécut vers le treizième siècle de notre ère.

Burnouf estime que les Purànas doivent leur ori gine à une réaction du Védisme contre le Bouddhisme (Ibid., cxix).

Voici les idées générales du Bhàgavata sur Dieu : c’est un portrait dessiné dans ses grandes lignes.

Dieu est créateur de l’Univers, par voie d’émanation, son soutien, il sera son destructeur. Il est uni aux choses, tout en se distinguant d’elles. Il est toutpuissant. Il brille de son propre éclat. C’est la lumière que jamais n’obscurcit l’erreur. II est l’Etre existant, l’Etre suprême, l’Absolu, l’Ami du mystère, la Science pure, unique, uniforme et immuable qui s’appelle le Veda, Bralime, le Verbe. C’est l’Ami des âmes, l’Etre simple, sans parties. C’est une pure conception, c’est l’Insaisissable. Il est l’Indistinct et l’allié de l’Indistinct. Ses qualités sont intinics. Il est sans qualités, sans attributs, ni désirs. Il est inactif. C’est le temps inlini, sans commencement, milieu ni lin. Il est l’Esprit impérissable, inaltérable, complètement libre, il est à la fois l’immortalité et la mort. Il est l’œuf du monde, renfermé dans l’œuf de Brahmà. C’est l’ensemble de tous les êtres. Il est ! a porte de la délivrance que l’on obtient par l’inaction intelligente. Il a pour pieds la terre, le soma est son cœur, le feu sa bouche, le soleil son œil, etc. II est la cause et l’ellet, ce qui est et ce qui n’est pas, la dualité et la non dualité, etc, etc.

Je pourrais prolonger indéliniment cette énumération. Je crois en avoir dit assez pour montrer le caractère chaotique de cette tliéosophie des Purànas. La coexistence du lini et de l’infini fut toujours pour la raison humaine une énigme indéchill’rable : on se demande comment l’un peut échapper à l’absorption par l’autre. Pascal tranche la dilliculté à sa manière, lorsqu’il dit : « Le fini s’anéantit en présence de l’inlîni et devient un pur néant. » (Pensées, édit. Brunschvicg, p. 435.) Les philosophes de l’Inde se sont laissé aussi tenter par ce problème qu’ils ont résolu tantôt d’une façon, tantôt de l’autre. Les uns sauvegardent l’unité de substance, en niant l’existence du uni qu’ils donnent pour l’œuvre de Màyâ, de l’Illusion. D’autres iirétendent n’avoir pas besoin, pour maintenir cette unité de substance, de sacri-Uer le lini à l’inlîni ; ils se contentent de le lui subordonner. Suivant eux, les êtres sont autant de parcelles détachées de l’Etre, qu’ils rejoignent et avec qui ils se confondent de nouveau, lorsqu’ils ont achevé de parcourir le cercle des transmigrations. De la sorte, il n’y a en réalité qu’une substance.

Ces deux catégories de philosophes se réclament du Vedànta. Un autre système, celui du Sàmkhya, on se le rappelle, car il a été question de l’un et de l’autre, à propos du Brahmanisme, admet deux sortes de divinités suprêmes et distinctes, bien qu’il affecte d’éviter le nom de Dieu, et que souvent même il se proclame athée. Ces deux principes, nous les connaissons, c’est l’Esprit, Purusha, et la Matière, Prakriti. Mais il arrive que, le plus souvent, les partisans de ce système donnent le pas à l’un de ces principes sur l’autre, de sorte qu’au demeurant ils en arrivent à professer, sinon l’unité de substance, du moins un principe suprême, quel que soit le nom qu’ils lui donnent.

Le Bhàgavata, qui recueille toutes les traditions, philosophiques ou autres de l’Inde, traditions et légendes d’une importance capitale pour l’intelligence de l’esprit hindou (Victor Hknky, Les L.ittératures de l’Inde, ao4), ne pouvait manquerde parler de ces spéculations. Bien qu’au demeurant partisan décidé du Vedànta, de la non dualité, il lui arrive, dans plusieurs passages, de préconiser le Sàmkhya, le dualisme, pour revenir aussitôt à l’unité de principe. Il semble donc bien qu’au fond l’Hindouisme, vu à la lumière du Vishnouisme, soit la croyance à