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INDE (RELIGIONS DE L’)

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leur témoignage, ajoute : « Dans l’histoire de l’esprit humain, l’adoration dunéantest un phénomène aussi surprenant que douloureux ; mais si c’est un fait avéré, s’il est constaté par les ouvrages bouddhiques cux-nièmes, il faut bien l’accepter, tout en le déplorant. >i (Le Bouddha et sa religioit, p. 3g5 et seq.)

La morale bouddhique se résume dans le chemin aux huit embranchemeiils, dont j’ai parlé précédemment. Voici les cinq préceptes qu’elle impose : « Ne pas tuer le moindre être, ne pas prendre le bien d’au-Irui, ne pas commettre l’adultère, ne pas mentir, ne pas boire de liqueur enivrante. » Elle était surtout négative, comme on le voit. Elle préconisait de plus ce que l’on appelle les trois catégories, savoir la droiture, la méditation, la sagesse. D’après M. Oldexberg, cette morale est une sorte de bilan ([ui s’établit par recettes et par dépenses, par gains et perles (op. cil., 286 et seq. Il dit à ce propos : « Ce n’est nullement au pauvre qu’on doit faire du bien, mais au religieux, au moine, au sage o, p. 2C)’j).Le vrai Bouddhiste n’est pas autre chose qu’un bon calculateur. Le Bouddha, qui n’ordonne pas tant d’aimer son prochain que de ne le pas haïr, proscrit la vengeance pour ne pas éterniser les querelles ni amener de continuels procès. Le pardon des injures, tel que nous l’entendons, lui était étranger, à plus forte raison l’amour des ennemis. Il recommandait parfois cependant â’envelopper l’uni{ers de bienveillance, même à l’égard de ses ennemis, mais il faut bien prendre garde qu’ici la bienveillance bouddhique est loin delà charité chrétienne ; c’était cependant un énorme progrès sur l’égoïsme qui semble avoir fait le fond de la morale des autres religions naturelles.

La domination de l’esprit sur les sens, la vigilance et le contentement, ce sont trois choses que, île son côté, préconisa toujours le Brahmanisme, et qu’il donna comme l’essence même de l’esprit de détachement.

La méditation, si chaudement recommandée par le Bouddhisme, ne fut le plus souvent qu’une gymnastique puérile.

Le Boudilha et ses disciples passaient de longues heures dans cet exercice qui consistait à ne penser à rien, crainte de penser à mal. Qu’il s’agit d’une tension prolongée de l’esprit ou d’une trop longue et trop conqilète détente, le résultat était le même, une surexcitation nerveuse qui mettait l’imagination en fou et produisait des effets analogues aux états pathologiques que s’eiTorce d’expliquer le psychisme^ actuel. Les Bhikshiis arrivaient fréquemment à l’extase par lauto-suggestion, au moyen de trucs spéciaux, minutieusement décrits dans les traités de discipline. Le plus usité consistait à fixer longtemps un objet ([uelc(>n([ue, dans une position spéciale, jusqu’à ce que l’on acquit le re/lft intérieur. Une fois en possession de ce reflet, le moine, en quête d’extase, rentrait dans sa cellule, et là, les yeux fermés ou grands ouverts, mais immobiles, il contenqtlait ce que l’on appelait la copie du rellct. Il se sentait dégagé des sens, l’esprit élevé au-dessus des sphères de ce nuinde. C’était le plus haut degré de l’extase, cpiand ce n’était pas le pur idiotisme.

Un autre exercice consistait à s’isoler de tout ce qui n’était pas le moi. On arrivait par c’e moyen au sentiment calme et universel du néant. C’était un peu. suivant la remarque d’Oldenberg. la iisychiatrie moderne, pour qui » rien n’est, il n’y a rien et il n’y aura jamais rien » (op. cil., 315, note). C’est l’anéantissement physii|ue, intellectuel et moral que le Boud dhisme (loiinait pour le dernier degré de perfection. M. Oldcnberg observe encore (31g et seii.), et c’est là une des dilfcrences fondamentales qui existent entre

le Christianisme et le Bouddhisme, que le premier ne pouvait s’établir sans avoir pour fondateur Dieu lui-même, tandis que le Bouddhisme, pour naître, non seulement n’avait pas besoin de Dieu dont il ne s’occupe même pas ; ilpouvait même se passer de la personne du Bouddha, e’est-à-dire deSiddhàrtha, de tel homme plutôt que de tel autre. Le Bouddha se comparait à un poussin qui, de son bec et de ses ongles, perce avant ses frères la coque où il est renfermé sous les ailes de la poule couveuse. Il était l’ainé de la famille, voilà tout. Mais chaque poussin qui brise sa coque est délivré à son tour, au même titre, bien qu’un peu plus tard que le premier de la couvée.

Les Chrétiens sont délivrés par Jésus, le Sauveur, qui est pour tous la Voie, la Vérité, la Vie (./ «  «  «., xiv, 6). Bouddha ne délivre personne ; il montre la voie, il enseigne la vérité, il indique la vie, nous venons devoir quelle vérité, cjuelle voie et quelle vie ; mais là s’arrête son action ; c’est à chacun d’atteindre seul, par ses propres forces, le but qui lui est indiqué.

Le Christ est unique et pour tous les temps. Les Bouddhas universels, comme Çàkya-Muni, apparaissent d’époque à époque. Leur œuvre périt à la longue, et c’est alors qu’un nouveau Bouddha vient sur la terre reprendre la tâche de son devancier.

Le Bouddhisme laisse sans solution le problème final de l’univers, mais en théorie seulement, car. pratiquement, ce qu’il destine à tout être. c’est le Nirvana, c’est-à-dire le néant définitif et absolu.

Le Mokshii, le salut, tel que le rêvait le Brahmanisme, consistait dans la réunion de l’ànu" individuelle à l’àme universelle où elle disparaissait comme le ruisseau dans la mer. En perdant sa personnalité, elle perdait conscience d’elle-même, de sorte qu’elle était heureuse sans le savoir, ni pouvoir s’en rendre compte. Un tel étal équivalait au néant ; c’est ce que comprit le Bouddhisme qui, plus logique et plus hardi, tira la conclusion des prémisses posées par son prédécesseur. Partant de ce principe que l’existence est un mal, le seul mal, à vrai dire, il en inféra que le bien consistait dans la non-existence et que le salut, pour chacun de nous, n’était et ne pouvait être que le néant.

3. Sangh. ou Communauté. — Dans le Bouddhisme primitif, il n’y a que le monachisme qui soit essentiel. jACOBi(.S’acrerf Books, XXll, p. 2’( et se([.) a nettement établi l’empnmt fait au Brahmanisme de cet élément monacal qui, à l’origine, composait à lui seul la communauté bouddliique.

En mourant, le Bouddha ne s’était pas désigné de successeur. C’était non seulement à chaipie groupi’delîhikshus, mais à chaque Bhikshu de faire tourner pourson comptelaroue de la loi. Telle avait d’ailleurs été la suprême volonté du Maître, qui avait dit à ses disciples ; « Que la vérité soit voire flambeau et votre recours ; n’ayez pas d’autre recours. »

Ce qui devait arriver, arriva : l’anarchie des doctrines. On tenta d’y remédier par des réunions plénières, des conciles dont les deux plus célèbres furent celui de /fffy’ooTi An, tenu peu après la mort du Bouddha, et celui de Vesàli (i eut lieu un siècle plus tard. On en compte encore quelques autres, d’ailleurs pinson moins authentiques. Ce furent d’insullisants palliatifs pour un mal qui, dans l’Inde, alla toujours grandissant, jusqu’au jour où le Brahmanismeexpnisa lie la vallée du Gange, son berceau, le Bouddhisme « pii l’en avait chassé précédemment Telle est, en quehpies lignes, l’histoire de la communauté boudilhiquedans l’Inde. Voyons mainlenanl (pielle élait son organisation.

Lorsque quehpi’nn se présentait à la porte du Sangha, avait lieu la cérémonie du l’ravrajana (in