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LNDE (RELIGIONS DE L’)

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dans leur sein par la parole captivante du moine Bernard.

Le Bouddha interrompait ses tournées de prédications pendant les trois mois que durait la saison des pluies. Puis il se remettait en campagne. Sa sphère d’action fut principalement le nord-est de l’Inde, c’est-à-dire ce qui correspond aujourd’hui aux provinces d’Aoudh et du Bihar, qui formaient alors les antiques royaumes des Kosalas el des Magadlias. Il s’installait dans l’un de ces vastes parcs qui avoisinaient immédiatement les grands centres, et l’on sortait l’entendre. Les plus renommés dans les annales bouddhiques sont les parcs de Veluvana, aux portes de la ville de Rajagaha, et de Jctavana, près de Sàvatthi. Un siècle plus tard, à Athènes, Platon inaugurait ses leçons dans les jardins d’Academus. et Aristote les siennes, le long de la promenade tiu Lycée.

De toutes parts on venait consulter le Sublime. Les docteurs les plus célèbres lui soumettaient leurs doutes, ou lui posaient leurs objections. Tous s’en retournaient édifiés et ravis ; ceux d’entre eux qui étaient venus dans des intentions hostiles devenaient ses partisans les plus décidés. Quand on apprenait son arrivée quelque part, les populations entières se portaient à sa rencontre. Il était suivi d’abord de centaines de disciples, puis de milliers, lorsque ce n’était pas de centaines de milliers, car les légendes bouddhiques aiment assez les gros chiffres.

Le Maître acceptait volontiers les invitations à dîner, d’autant plus qu’il faisait état de ne vivre que d’aumônes. Quand personne ne l’invitait, il mendiait de porte en porte, après sa nicdltalion du matin, la chélive nourriture dont il composait sonainique repas, et se retirait à l’ombre des bois, lorsque la chaleur devenait trop forte. Sa réfection prise, et la sieste faite, il passait la soirée à s’entretenir avec les gens du voisinage qui venaient le trouver. La journée se terminait par la méditation, comme elle avait commencé.

Dès l’origine, suivant toute apparence, les disciples du Bouddha vécurent en communauté, ou du moins par groupes. Tous étaient égaux, quelle que fût leur caste d’origine, égalité plutôt théorique, puisqu’ils se recrutaient de préférence parmi les Brahmanes, mais le principe était admis, et c’était bien quelque chose, surtout dans un pays où l’inégalité sociale était et demeure toujours si accentuée. Toutefois le Bouddha ne songea point à l’abolition des castes ; si en théorie, celles-ci ne se retrouvaient plus dans les communautés bouddhiques, elles existaient toujours en dehors. De plus, tous les personnages marqviants du Bouddhisme appartenaient aux castes privilégiées. On regardait même comme un dogme qu’un Bouddha ne pouvait naître que Brahmane ou Kshatriya. Du reste, la vie plus ou moins méditative des Bliikshus écartait de leurs rangs les simples et les ignorants, ce qui fait dire à M. Oluenberg, que « la doctrine du Bouddha n’est pas faite pour les enfants, ni leurs pareils » (Le Bouddha, trad. Foucher, 2* édition, p. 155).

Parmi les i)remiers disciples du Parfait, Anandn fut son préféré, son Jean, comme disent ceux qui aimentles rapprochements, et son cousin Devadultu fut en même temps son Judas. Le traître voulut substituer ses propres enseignements à ceux du Maître, à la vie duquel même il attenta. Son schisme mourut, comme lui, vite et misérablement.

Les Bouddhistes, étant essentiellement Shil^sluis, quêteurs, ne s’adressaient évidemment qii’aux riches qui pouvaient leur donner ; mais, à la différence de nos ordres mendiants, ils ne quêtaient que pour eux. Ils recevaient des deux mains, sans jamais tendre au

moins l’une au pauvre, pour la décharger dans la sienne. En général, ils ne s’occupaient guère que d’eux-mêmes, aussi M. Oldenberg écrit-il à leur su jet : « S’adresser aux humbles, aux malheureux, à ceux qui souffrent et qui traînent d’autres douleurs encore que la grande douleur commune de l’instabilité des choses : voilà ce que le Bouddhisme n’a jamais su faire. » (/hid., 161.)

Dans le plan du Bouddha, la femme n’avait pas de place, elle était exclue de son Eglise, et lorsqu’il se résigna à l’y laisser entrer, cène fut qu’après de longues sollicitations et à contre-cceur. On lui arracha enfin son consentement ; il dit alors avec un soupir à son confident Ananda : « Désormais la vie sainte ne sera plus longtemps pratiquée ; la vraie doctrine ne pom-ra plus durer que cinq cents ans. »

C’est ainsi qu’il eût voulu interdire la Bonne Loi à la moitié du genre humain. Nous avons vu que pratiquement les pauvres ne la pouvaient connaître. Le Bouddhisme primitif ne s’adressait donc qu’au petit nombre.

L’enseignement du Bouddha fut exclusivement oral. Il n’écrivit jamais rien. Sa langue, du moins selon l’opinion commune, n’était pas le sanscrit, mais un idiome vulgaire qui en dérivait et que l’on parlait de son temps. Le pâli, l’un de ces idiomes dérivés du sanscrit, devint avec celui-ci la langue sacrée du Bouddhisme. Le Bouddha, dans sa prédication, procédait habituellement par images ; il employait aussi la forme syllogistique, si l’on s’en rajiporte aux textes anciens, mais il est plus que probable que les sermons qu’on lui prête ont été remaniés et que la forme rebutante sous laquelle ils nous sont parvenus ne fut pas celle qu’il leur donna ; autrement l’on ne pourrait guère s’expliquer le prestige attribué à sa parole.

Le Maître prêcha durant plus de quarante années sa doctrine de la délivrance. Il était âgé de quatrevingts ans lorsque Màra, le Tentateur, essaya, comme au début, de le détourner de sa mission, et de l’empêcher d’avoir avec ses disciples une dernière entrevue. Ainsi fju’autrefois, il lui proposa de le faire entrer imnuHliatement dans le Nirvana, but de toutes ses aspirations. Ce fut inutile..près avoir quêté une dernière fois à Vesali, le Bouddha se rendait à Kuslnàra. En passant à P.ivà, il accepta l’hospitalité du forgeron Cunda qui lui servit de la viande de porc. L’estomac afTaibli du vieillard ne put digérer cet aliment. Il se traîna jusqu’à Kusinàra où il voulait mourir. Après avoir fait ses recommandations spéciales au fidèle Ananda, il s’adressa à tous les assistants : a Je vous le dis, en vérité, ô disciples, tout ce qui est créé est périssable ; luttez sans relâche. » Au moment même où il entrait dans le Nirvana, c’est-à-dire où il expirait, une musique céleste se fit entendre, et Brahmà parut en personne pour déclarer l’entrée du Parfait dans le Nirvana. C’est ainsi que, chez les biographes du Bouddha, la légende se mêle tellement à l’histoire que celle-ci disparaît presque en entier, ou du moins se reconnaît difficilement.

Plusieurs savants, et non des moindres, en présence de cette incertitude, sont allés jusqu’à nier l’existence du personnage, mais cette opinion n’a pas été suivie. Du reste on comprendrait ditlicilement une hérésie sans hérésiarque.

2. La Loi. — La loi bouddhique est renfermée dans le Tiipitaha ou triple corbeille, savoir le />/î(/rm « , la loi proprement dite, le Vinaya, ou discipline, et VAIihidliarma ou métaphysique. Je ne puiserai dans ces corlieilles que ce qui rentre d.ins mon cadre. Je n’aurai presque aucun usage à faire de l’Abliidliarma, vaste amoncellement de définitions, de discussions.