Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/333

Cette page n’a pas encore été corrigée

653

INDE (RELIGIONS DE L’)

654

individuelle, mot qui fera fortune dans le Bouddhisme surtout.

L’union de nos âmes, commencée dans ce monde par la méditation, par l’union de la pensée avec Hrahme, l’Etre suprême, étant considérée comme ce qu’il y a de plus avantageux pour le salut, toutes les céiémonies cultuelles furent, par le fait même, presque complètement discréditées, ou du moins files perdirent beaucoup de leur importance. L’immohilité, provocatrice de l’état extatique, la suppression, autant que possible, de tout mouvement du corps ou de l’esprit, fut regardée, non sans quelque logique, sinon sans quelque apparence de raison, comme le meilleur, le plus sur moyen d’atteindre le Nirvana. S’absorber dans la pensée de l’Etre suprême devint vite, en pratique du moins, synonyme de suppression de loule pensée. Ce néant anticipé sera emprunté, comme bien d’autres choses, au Brahmanisme par le Bouddhisme, qui en tirera les dernières conséquences.

Les fakirs actuels de l’Inde peuvent nous donner quelque idée de ce faux mysticisme, de ce quiétisme avant la lettre, qui, sous prétexte d’indifférence, ne consiste plus ici que dans l’ankylose de la pensée aussi bien que du corps.

Telles sont les grandes lignes du Brahmanisme primitif, de cette religion si fortement mélangée de conceptions philosophiques, et par suite restée fort peu accessible aux masses, dont elle ne semble pas d’ailleurs s’être jamais occupée. Elle ne s’adressait pratiquement qu’au petit nombre, aux riches, tant ([ue son culte garda le développement qu’il avait dans le Védisme ; à l’élite des esprits, lorsqu’elle devint surtout spéculative.

III. Bouddhisme. : — Quand parut la grande hérésie du Bouddhisme, le Brahmanisme reçut un choc formidable dont il ne se remit jamais complètemenl, même lorsque la nouvelle religion, après plusieurs siècles de domination, fut définitivement chassée de l’Inde. D’autres sectes naquirent, qui, mêlées au vieux Brahmanisme, formèrent ce que l’on est convenu d’appeler l’Hindouisme, qui est moins une religion, comme on le verra, qu’un assemblage, une juxtaposition decultes phis ou moins divers, tantôt se combattant, tantôt se contentant de voj-ager de conserve, en évitant, autant que possible, les occasions de conflit.

Je note ici qu’en parlant des innombrables sectateurs de l’Hindouisme, par exemple, et surtout du Bouddhisme, deux cents millions pour l’un, cinq cents millions pour l’autre, ce sont les chiffres que l’on donne parfois, il faut bien prendre garde que ces mots désignent des choses fort diverses. C’est un peu comme si, en faisantlerecensemenldu Christianisme, on confondait les catholiques avecles Frères Moraves ou les Mormons.

Deux doctrines principales se partageaient l’Inde brahmanique, le Sdmkhya et le Vedânta, c’est-à-dire le dualisme, esprit et matière, et le monisme ou acosmisme.

Les philosophes de l’Inde se préoccupèrent toujours de la destinée humaine. Après de longs et stériles efforts pour résoudre ce problème, ils n’étaient pas plus avancés qu’au début, lorsque parut Gautama, qui se donna pour éclairé d’en haut et qui, sans s’inquiéter d’où vient l’homme, prétendit savoir qui il était et où il allait.

Xous le verrons poser comme principe, d’accord en cela avec le pessimisme brahmanique, t|ue l’existence est un mal. Tous les efforts de l’homme doivent consister à supprimer ce mal, en arrêtant la roue du

Samsara, ou des renaissances successives, pour arriver à la délivrance, au Mi>ksha, comme disait le brahmanisme, au Xir^’âna, comme il disait encore, mais cette expression deviendra plus particulière au langage bouddhique.

En raison de sa durée et de son extension, le Bouddhisme mérite de fixer l’attention de tout esprit sérieux ; c’est le plus redoutable adversaire du catholicisme dans l’Extrême-Orient.

Les Bliihslms ou Hhikkiiiis, moines bouddhistes, ne se renfermèrent pas dans l’enceinte de leurs monastères ou Viliàras, ils connurent assez tard la vie claustrale, mais ils furent d’intrépides et zélés missionnaires, qui propagèrent la nouvelle doctrine au delà des monts et des mers. La Chine, la Birmanie, l’Indo-Chine, l’immense archipel connu aujourd’hui sous les noms d’Insulinde, Malaisie, Indonésie, le Japon, les plaines herbeuses de la Mongolie, les sommets réputés.inaccessibles du Tibet : tous ces pays furent conquis d’assez bonne heure par le Bouddhisme qui, à l’heure présente, y règne encore en maître et y compte de si.r à sept cents millions de sectateurs.

L’ouest lui demeura toujours fermé.

Puisque je parle du monde bouddhique actuel, j’ajoute que l’Inde, qui fut le berceau de ce culte, lui a quasi complètement échappé, on ne l’y trouve plus qu’au Népal, au nord, et à Ceylan, au sud.

La présente étude comprendra trois parties, le Bouddha, c’est-à-dire la vie de Çàkyamuni ou Gautama, le Dharnia ou Dhamma, la Loi, le Sangha ou la Communauté. Ce fut la division adoptée par les premiers écrivains qui traitèrent du Bouddhisræjc’est aussi la plus rationnelle.

Je ne m’occuperai que du Bouddhisme primitif ou indien. Il eut sans doute été intéressant d’en suivre le développement, mais cela dépasserait les limites assignées à ce dictionnaire. Même ainsi restreint, je ne retracerai que les grandes lignes de mon sujet qui autrement exigerait tout un volume.

I. Le Bouddha. — On ne s’occupa d’écrire la vie du Bouddha que longtemps après sa mort. Ses premiers biographes adoptèrent sans contrôle les traditions les iilus merveilleusjs, sinon les plus authentiques.’Les plus anciennes traditions bouddhiques nous viennent de Ceylan et du Népal. On trouveaussi quelques indications dans les écrits jainites qui opposent souvent Nàtaputra, le fondateur du Jaïnisme, au fondateur du Bouddhisme, et mettent au compte du premier les miracles attribués au second, ou des miracles analogues. Mais nulle part on n’a affaire à un annaliste soucieux de l’exactitude historique. Le plus habituellement même, les écrits bouddhiques, j’entends ceux-là qui allichent la prétention de nous retracer la vie du Maître, ne sont que des sermonnaires où se trouvent reproduits les mêmes clichés, à peu près.

Résignons-nous donc à ignorer ce que l’on ne songea point à nous apprendre. Les quelques traits relatifs à l’enfance et à la jeunesse de Gautama sont fort sujets à caution. D’ailleurs, ce fut en tantque Bouddha, et non autrement, que celui-ci intéressa ses premiers annalistes, recrutés exclusivement parmi ses sectateurs.

Observons enfin que les plus anciens documents sont postérieurs à l’ère chrétienne, de quelques siècles, peut-être, surtout dans la forme où ils nous sont parvenus, et qu’ils ont très vraisemblablement subi de nombreuses interpolations, à l’instar de tous ces écrits orientaux que l’on ne recopiait jamais littéralement, mais que l’on refaisait, en les modifiant, chacun à sa façon. De là les innombrables variantes des