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INDE (RELIGIONS DE L)

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niement loulFue ; et, tout en se réclamant de la Çruti, elle appartient un peu à toutes les époques, puisque auprès d’UpanisLads vishnouites et çivaïtes, déjà bien postérieures à la période védique, il y en a une qui porte le nom d’Allah, suivant la remarque de M. Bartli, ce qui la fait descendre jusqu’à l’invasion musulmane (xi’siècle). Sur deux cent cinquante Upanishads, ou peut-être davantage, connues jusqu’ici, il y en a au plus une dizaine qu’on peut considérer comme reflétant assez bien l’enseignement des anciennes écoles brahmaniques, bien qu’aucune, peut-être, ne soit, comme rédaction, antérieure au Bouddhisme, ce qui nous fait descendre jusqu’au sixième ou cinquième siècle avant notre ère.

Avec les collections védiques et les Bràhmanas ou recueils liturgiques qui en composent la partie pratique, Karmalnindn, les Upanishads, ou partie spécuhiliA’e,.fnihmhiiidn, forment ce que l’on pourrait a[ipeler le Vcdi^^mc, d’un nom générique qui désignerait assez exactement les religions et les i>hiIosophies primitives de l’Inde pensante.

Ici encore, je ne relèverai de cette philosophie que ce qui intéresse la religion, et même, pour éviter de trop m étendre, je ne toucherai que les points généraux, repères indispensables pour se retrouver un peu au milieu de la littérature du monde la plus chaotique, peut-être, qui ait jamais existé.

J’aurai pour guide, comme toujours, mais en l’abrégeant considérablement, l’excellent travail consaci-é par M. Uahth aux religions de l’Inde.

II est un triple problème que l’Inde s’est posé de bonne heure. Qu’est-ce que Dieu ? Qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce que la nature ? Elle l’a fouillé en tout sens, l’a exauiiné sous toutes les faces qui se présentaient à elle, et en a donné des solutions d’autant plus multiples qu’elles étaient plus incomplètes, à ses yeux mêmes.

Elle se représenta parfois le premier être comme personnel, et le désignait le plus souvent sous le nom de P, ajiipati, auteur ou chef des êtres. Il sortait de son éternelle et solitaire immobilité pour émettre les créatures. Je dis créatures, bien que la création, ou production du néant, ait toujours été ignorée de l’Inde, comme de tous les autres peuples de l’antiquité profane. On comparait volontiers Prajàpati à l’araignée tirant sa toile de son corps et l’y réabsorbant plus lard.

D’autres fois, on se représentait cet être primordial

« comme procédant d’un substralum matériel « , suivant

l’expression de M. lîarth. C’était lliranyngarhhd, l’Embryon d’or, Nuri’nana, celui qui repose sur les eaux ou plutôt sur un serpent aux multiples replis, flottant sur la mer, Viràj, le Brillant, sorti de l’Œuf du monde : toutes conceptions panthéistiques, plutùl que déistes.

Ou encore, ces mêmes Upanishads nous parlent de la l’rnkriti, de la Nature ou Matière, qui, en vertu de sa propre énergie, i)asse de la non existence à l’existence, et devient ainsi le Sudusat, l’Existant n’existant pas, sur lequel s’exercera si complaisammenl la subtilité de ces premiers philosophes qui légueront à leurs successeurs, lescjuels en feront le plus déplorable usage, l’art de jongler avec les mots comme avec des muscades. A côté de ce principe matériel et actif, on en plaçait un autre, le Purushii, le Mâle, dont le rôle, le plus souvent, se bornait à celui de spectateur plus ou moins amusé de la fantasmagorie qui se déroulait sous ses regards. Ce n’est que plus tard que l’on s’avisera d’unir ces deux princi])es et d’en faire sortir les.lifiitinaiix^les âmes individuelles. Ce sera le système du Sihiikhra ou dualisme, l’un des grands systèmes philosophiques de l’Inde. Il n’y a pas de place pour Dieu dans le Sàmkhya, à moins

que l’on ne considère comme tel le Purusha, ce Témoin des manifestations de la Prakriti. Du reste, les Upanishads ne sont pas d’accord sur ce point. Tantôt elles semblent professer l’athéisme, tantôt le dualisme, d’autres fois le panthéisme, qui se trouva délinitivement consacré par le Vedànta, ainsi appelé, comme si ce système, et c’est probablement la vérité, était l’aboutissement, la lin logique de la doctrine flottante, indécise des Vedas. Après s’être sans doute demandé quelle était, dans le monde, la part substantielle de la divinité, cl avoir essayé de distinguer ce qui était Dieu de ce qui ne l’était pas, on finit par proclamer que Dieu était tout, qu’il était, comme on l’enseignera dans certaines écoles, à la fois le Sat et YAiut, c’est-à-dire ce qui existe pour nos organes et ce qui n’existe pas pour eux, en d’autres termes, le Visible et l’Invisible, le Tangible et l’Intangible, le Gonnaissable et l’Inconnaissable, Esprit et Matière, jusqu’au jour où il sera exclusivement l’un ou l’autre, en attendant qu’il ne soit plus ni l’un ni l’autre.

Il va sans dire que ces philosophies sont en même temps des théosophies, et c’est à ce titre que leur exposé succinct rentre dans le cadre des religions de l’Inde.

On peut dire qu’en somme le Dualisme et le Nondualisme, le Dvaita et l’Advaita se partagent les Upanishads. On y rencontre sans doute plusieurs autres systèmes, mais ils peuvent tous se ramener à l’un ou à l’autre de ces deux là. Nous les retrouverons plus loin et nous nous en occuperons dans la mesure où ils nous intéresseront au point de vue religieux, le seul où nous nous plaçons ici. Il me sullît, jiour le moment, de les avoir indiqués.

Les Upanishads, en effet, ne furent pas de pures spéculations destinées à l’amusement ou à l’uccupation, comme on voudra dire, des esprits plus ou moins songe-creux de l’Inde, elles eurent aussi la prétention de former un code d’enseignements religieux et moraux.

Cette religion, cette morale des Upanishads repose sur la doctrine du Samsara, ou la théorie des renaissances, destinée à une si haute et si durable fortune dans l’Inde, théorie qui elle-même s’appuie sur celle du Karman ou de l’Œuvre.

Le point de départ de cette double théorie, c’est la croyance à ce que l’on peut appeler le mal de l’existence. Tant que les Jlvàtmans, ou âmes individuelles, sont séparés de l’Ame universelle et suprême, ou Paramàtman, aussi longtemps ils sont hors de leur voie, et par suite loin du bonheur qui n’est autre que leur absorption dans ce centre commun, lequel demeure tout ensemble leur principe et leur fin, leur point de départ et leur terme d’arrivée. Or la roue du Samsara, ce cercle fatal des renaissances, tourne jusqu’à ce que l’influence du Karman soit détruite, c’est-à-dire jusqu’à ce que la somme des actes reprchensibles soit comi)ensce par celle des bonnes actions, ou mieux jusqu’à ce que l’homme renonce à l’acte lui-même, et éteigne en lui ci’tte Tristiiu’i, cette soif de l’existence, la cause de tout le mal. La pratique du renoncement est tout s|)écinlemeut préconisée. Ce que l’on recommande, c’est, dans l’imution autant que possible la plus absolue, l’union par la pensée de notre âme avec l’Ame suprèuu’, prélude et cause de l’union réelle et définitive de l’une et de l’autre. Tel est le système du Yoi^a, qui est moins une théologie, à proprement parler, qu’une discipline.

L’extinction de cette soif de la concupiscence, cette absence de désirs est le fait du Sanriyàsin. de celui <iui renonce à tout ; elle conduit diicctcnu-nt à ce que l’on appellera encore l’absorption dans le Brahrae ou Mirvdna, c’est-à-dire à l’extinction de l’existence