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IMMUNITES ECCLESIASTIQUES

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transgressé les lois d’Eglise, et de ce chef ils relèvent iiiconlestableiuent des tribunaux ecclésiastiques ; mais ils peuvent aussi se rendre coupables en violant les lois de l’Etat. Or dans ce cas, le droit canonique soustrait la connaissance de leurs causes aux. tribunaux ; de là nouvelle dillicullé.

Ce n’est pas ((ue l’Eglise nie l’autorité législative de la société civile dans l’ordre des choses temporelles, sur ses prêtres et ses évêques. « L’Evangile du Christ, dit saint Jean Ciirysostome, ne détruit pas les lois politiques, voilà pourquoi même les prêtres et les moines sont tenus de les observer. » C’est aussi ce que Bellahmi.n, appuyé sur la tradition constante de l’Eglise, enseigne dans les termes suivants : ce Les clercs sont tenus d’observer les lois civiles qui ne sont pas contraires aux saints canons et aux devoirs de la clcricature ; car les clercs, outre qu’ils sont clercs, sont encore citoyens et font partie de la société civile. Comme tels, ils doivent donc vivre conformément aux lois civiles… D’ailleurs, si les clercs n’observaient pas les lois civiles, dans leur vie d’hommes et de citoyens, il en résulterait pour l’Eglise un grand trouble et une grande confusion. «  (De Clericif, lib. I, cap. xxviii.)

Pour se prononcer sur la légitimité de l’exemption de la juridiction séculière en faveur des clercs accusés de violation de la loi civile, il est nécessaire de connaître les principes du droit naturel et du droit divin en cette matière. Le droit naturel fournit des arguments de valeur à peu près égale à l’appui des prétentions de l’Eglise et de celles de l’Etat. D’une part, en effet, ce n’est point comme clercs que les ecclésiastiques pèchent contre les lois civiles, mais comme hommes ; il convient donc que, dans ce cas, ils soient jugés par les lois humaines ; il est naturel aussi que le pouvoir, duquel les lois émanent et qui a la charge de les faire observer, en juge et en punisse la violation. On peut donc dire qu’ilappartient naturellement au pou oir civil de juger les causes non ecclésiastiques des clercs. Mais, d’autre part, il importe au bien delà religion et, par conséquent, à la prospérité de l’Etat que le respect dû au prêtre soit toujours gardé, et comment le sera-t-il, sileprêtre est publiquement condamné et puni par des liommes qui lui sont inférieurs en dignité, et au nom d’un pouvoir purement humain ? N’est-il pas inconvenant que de simples Udèles rappellent avec autorité à l’observation de leurs devoirs, au nom de la loi civile, ceux qui sont chargés de lés y rappeler eux-mêmes au nom de la loi divine ? De plus, toute mise en accusation d’un prêtre devient nécessairement un scandale, et l’atteinte portée aux mœurs par ce scandale dépasse presque toujours le mal qui résulterait de l’impunité elle-même.

Puisqu’il existe d’autres tribunaux qui peuvent, sans tous ces inconvénients, juger et punir les clercs, il est naturel de leur confier les causes de ces derniers. En somme, pai’conséquent, le droit naturel peut s’accommoder aux deux législations.

En est-il de même du droit positif divin ? Sur ce point, les théologiens ne sont pas d’accord. "J’avoue, dit NoKL Alexandre (Hist. eccl. seciil. xv et xvi, in sclinl. ad art. 2), que l’immunité ecclésiastique pour les causes spirituelles et ])urenient ecclésiastiques est de droit divin ; mais quant aux causes tem[lorelles et profanes, telles quelepayement desdettes et la punition do-i fautes que les ecclésiastiques commettent, non comme clercs, mais comme hommes vicieux, par exemple, les vols, les homicides, les sacrilèges, etc., je ne puis accorder que leur immunité soit de droit divin. »

que

Cependant l’opinion la plus commune enseigne le cette immunité est, sinon d’institution divine, du’moins fondée sur le droit divin. (Voir ce que nous avons dit plus haut sur l’origine des immunités ecclésiasti ([ues. Pie IX, dans le Syllabiis, a condamné la proposition suivante : « Ecclesiasticuni forum pro temporalibus clericorum causis sive civilibus sive oriminalibus, omnino de medio tollendum est, etiam inconsulta et reclamante Apostolica Sede. » Cf. Ghoupin, Valeur des décisionsdu Saint-Siè^e ; Syllnhiis, pTop.31’.) Quoi qu’il en soit de cette controverse, tous s’accordent à reconnaître que le Souverain Pontife peut, dans tous les cas particuliers, faire cesser cette exemption, soit en la détruisant, si elle est de droit ecclésiastique, soit, si elle est de droit divin, en déclarant que dans ces circonstances la loi de Dieu n’oblige pas.

A quelles limites s’arrêteront les concessions du Saint-Siège en cette matière ? Il est assez dillicile de le dire ; mais on peut croire que le Souverain Pontife nefcra jamais de cette immunité une condition absolue de l’union des deux sociétés.

Dans le concordat conclu avec l’Autriche, il est déclaré expressément que : « Eu égard aux temps, Sa Sainteté consent à ce que les causes purement civiles des clercs, comme en matière de contrat, de dettes et d’héritages, soient connues et décidées par les juges séculiers. Pour le même motif. Sa Sainteté ne s’oppose pas à ce que les causes des ecclésiastiques, en matière de crimes ou de délits, punis par lois de l’empire, soient déférées aux juges séculiers. » (Art. 13 et 14-) Cf. Nussi, Cunventiunes…, p. 313, Moguntiae, iS^o.)

Les mêmes concessions ont été faites, soit explicitement, soit tacitement, pour la France, pour la. Belgique et presque tous les autres pays catholiques. En France particulièrement, les prêtres, depuis le Concordat, continuent à être jugés par les tribunaux civils, comme les autres citoyens, et cet état de choses n’a jamais occasionné de conflit entre le gouvernement et l’épiscopat ou le Saint-Siège.

Cl’.d’ailleurs Décret. ÇKrtn<ar ; srf17/^e ; i//a, 90ct. 191 1, Acta Apostolicæ Sedis, p. 555 sq. ; 10 nov. 1911 ; // Monitore ecclesiastico, p. 499 l’î-’31 janv., p. 543, 28 fév. 1912 ; ibid., Declaralio S. 0//icii, p. 4, 31 mart. 1912.

3° Le privilège du canun rend la personne des clercs inviolable et sacrée, de telle sorte qu’on ne peut pas porter sur elle une main violente, sans encourir une excommunication simplement réservée au Souverain Pontife. Ce privilègeest ainsi appelé parce qu’il aété accordé par le canon 15, Si quis suadeiite diabolo…, du II’concile de Latran, célébré sous Innocent II en 1 139 ; e’esl le canon 29 de la Cause X’VII, question 4, dans le décret de Gratien (édit. Friedberg, col. 822). A part quelques modifications de détail, le concile de Trente n’a pas changé la législation ecclésiastique sur ce point ; ce canon avec sa sanction a été inséré dans la bulle Apostolicæ Sedis (Excumm. latæ sent. B. P. reservatae, n. 2) ; c’est le décret de Pie IX qui fait loi en l’espèce.

Nous n’insisterons pas sur ce privilège ; on en comprend facilement la raison, la haute convenance (cf. BuLOT, Compendium tlieol. moral., t. ii, n. g54, p. 573 sq., edit. altéra, 1908 ; D’ANNiBALE, Co/15<. Apost. Se</(s, p. 64 sqq., edit. 3, Reate, 1880.)

Nous ajouterons seulement quelques mots sur son origine historique.

Si la personne de tout chrétien est consacrée par le baptême, si les princes temporels sont déclarés inviolables par les constitutions de rEtat, combien plus doit être privilégié sous ce rapport, dans tous les membres qui le composent, le sacerdoce royal, distingué du reste des hommes par une élection et une consécration spéciales ? (cf. Phillips, Du droit ecclésias-