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IMMUNITES ECCLÉSIASTIQUES

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Seigneur Jésus-Christ ait laissé au Souverain Pontife le pouvoir de déterminer dans quelle mesure il convenait de l’appliquer à raison des circonstances spéciales, de la dilliculté des temps…

L’exemiition des clercs est formellement de droit diiin naturel, en ce sensque, poséel’institution divine des ordres sacrés, cette exemption est exigée par la nature des choses ; elle en découle comme une conséquence nécessaire, qui s’impose à la raison.

L’exemption est formellement de droit divin positif en ce sens que la volonté du Christ, établissant ce droit, est clairement manifestée dans la révélation ou la tradition divine.

Les auteurs, dit Suarbz, qui soutiennent cette opinion ne disent pas toujours clairement s’ils appuient cette exemption sur le di-oit divin naturel ou seulement sur le droit divin positif (Z)e/’ens/o fidei, lib. IV, De immunitateecclesiastica, cap. viii, n. 9 sqq.). Les arguments qu’ils apportent feraient plutôt croire qu’ils font intervenir le droit divin naturel, le droit des gens, et le droit divin positif.

Evidemment, le droit ecclésiastique n’est pas exclu. Le droit canonique confirme le droit divin, le corrobore de ses sanctions, le précise, l’applique, en modère l’exercice suivant les temps, les circonstances particulières (Schmalzgrieber, 1. II, tit. 11, n. 96 ; Reiffesstdel, 1. 11, tit. ii, n. ig3 sqq.).

Deuxième opinion : l’immunité est formellement de droit ecclésiastique. — Au contraire, selon la deuxième opinion.l’exemplion des clercs est seulement de droit humain ecclésiastique. — C’est le sentiment

de COVARHOVIAS, de MOLINA (SCHMALZGnCBBEH, 1. II,

tit. 2, n. 97)

Troisième opinion : l immunité est originairement de droit divin positif ou naturel, mais formellement de droit ecclésiastique. — La troisième opinion tient un juste milieu entre les deux premières. Le droit divin, naturel ou positif, insinue la convenance de ce droit, de ce privilège, mais ne contient pas un précepte strict, proprement dit. Toutefois, si l’immunité des clercs est originairement de droit divin, positif ou même naturel, immédiatement et formellement elle est de droit humain ecclésiastique : la loi qui établit, consacre ce droit est une loi proprement ecclésiastique : ce sont les décrets des conciles œciunéniques oudespapes(/)ei orrfi’naf/’one et canonicis sanctionihus constitutam immunitatem personarum ecclesiaslicarum), dit le concile de Trente, sess. xxv, cap. 20, De réf., édition Richter p. 46^, ou selon l’explication des Docteurs : Ordinatione di-ina originaliter et initiative, seu fundaræntaliter ; et immédiate ac formaliler canonicis sanctionibus (cf. Sciimalzgrubbeb, 1. 11, tit. II, n. 98 sqq… Bbllarmin, De clericis, 1. I, cap. xxviii et xxix).

Cette opinion paraît la plus plausible et est appuyée sur les meilleures autorités (cf. Scu.MALZGRfKDEH, 1. II, tit. II, n. 98 ; WiESTNER, l. II, tit. II, n. 1^5 sqq. ; Goxzalbz-Tellez, in cap. 8, 1. II, tit. i. De Judiciis, n. 10 et 11 : Lessius, De Justitia et Jure…, lib. II, cap. xxxiii, Dub. IV, n. 30, Antuerpiae, 1617 ; Santi-Leitner, lib. II, tit. 11, n. aô sqq. ; Cavagnis, hist. jur. publ. eccl., t. II, n. 162 sqq., ]), 323 sqq. ; Webnz, Jus Décrétai., t. II, ii, 167 etnot. 12^, p 208).

Sans doute, à regarder la chose du point de vue historique, la loi civile, la concession du prince a pu précéder la loi canonique et être l’occasion de quelques privilèges (cf. MuHV, L’Eglise, ses biens, ses immunités de Constantin à Justinien, 30^-565, p. 3010 3 ; Grenoble, Baratier et Dardelet, 1878). A l’origine, le pouvoir civil a pu lui-même, de sa propre initiative, accorder des faveurs ou reconnaître certains privilèges aux i)ersonnes ecclésiastiques, et au besoin les leur garantir dans la pratique ; mais la loi

civile ne fondait pas le privilège, ne le créait pas ; la vraie raison, la raison formelle du privilège était la loi ecclésiastique ; et, consacré par l’autorité ecclésiastique, le droit était intangible ; le pouvoir civil est absolument incompétent pour changer ou abroger une loi ecclésiastique.

Ainsi certaines faveurs ou concessions de l’autorité civile, ayant été l’objet de lois canoniques, ont été soustraites à la compétence du pouvoir civil et sont devenues des privilèges appartenant aux clercs au nom de la loi ecclésiastique.

Il n’est que juste de le reconnaître : certaines autres faveurs ont été accordées par le pouvoir séculier comme témoignage de sa bienveillance et reconnaissance envers l’Eglise, sans qu’elles aient été l’objet dune loi canonique : par exemple, la franchise postale accordée pendant longtemps à la correspondance épiscopale, les lettres d’obédience des religieux donnant droit à certains avantages. Ces faveurs sont un échange de bons procédés, et restent précaires, révocables par l’autorité civile (mise à part toute intention de malveillance).

V, Immunités locales, — L’Immunité locale regarde les églises et les autres lieux sacrés ou réputés tels.

Cette immunité implique un double privilège :

i » Celui de mettre à l’abri de certains actes profanes qui répugnent à leur sainteté et au respect qui leur est dû les lieux qui ont été députés par l’autorité ecclésiastique à des usages pieux.

2° Celui de garantir un asile aux criminels ou aux accusés qui se réfugient dans ces lieux sacrés, et de les rendre inviolables, en sorte qu’on ne puisse pas les en arracher par la violence (cf. L. III, De Immunitate Ecclesiarum. tit. ^9, in Décrétai. Greg. IX ;

— c. XVII, q. 4. in Decreto Gral. ; Suahez, Lib. IV, De Immunitale, cap. i.

Les lieux qui jouissent du privilège de l’immunité locale sont :

1° Toutes les églises, consacrées ou simplement bénites, alors même qu’elles auraient été profanées, ou interdites (Téphany. op. cit., t. II, n. 618, p. 716).

2° Les chapelles, ou oratoires publics, serai-publics, bénits ou non, pourvu qu’ils aient été députés au culte divin par l’autorité ecclésiastique compétente (cap. ^cc/esiæg, X. L. III, tit. 49), (cf. Schmalzgrieber, 1, III, tit. 49, n. 109 ; Ma>'y, De locis sacris, tit. I, c. VII, n. 46, p. 91 sq.).

3° Les édifices adjacents aux églises, comme les sacristies, les portiques, les vestibules, les clochers :

« Quæ religiosis adhærent, religiosa sunt ii, L.

yiLlll, Dig., De rei vindicatione.L. VI, tit. i.

4’Les cimetières, même séparés de l’église, à la condition, cependant, que ces lieux, destinés à la sépulture des lidèles, aient été bénits par permission de l’Ordinaire.

5° Les hôpitaux érigés par autorisation de l’Evêque, cap..id hæc 4, X, L, III, tit. 36 (cf. Schmai.zgruebbr, L. m. tit. 49. n. 108, 3).

6° Les palais épiscopaux (c. Id constituimus 36, c. x^ II. quæst. 4, in Decreto Gratiani) (cf. Schmalzgrueueb, L. III, tit. 49, ii, 110) ; les séminaires des clercs (cf. TiipHAXY, op. cit., p. 716).

7’Les monastères, les cou> ents, les maisons conventuelles des religieux, des réguliers, ou des ecclésiastiques séculiers (cf, Scumalzgrceber, L. III, tit. 49, n. 108. 4).

Les actes défendus dans les églises ou les lieux sacrés sont : x" tous les actes judiciaires de l’autorité civile, sous peine de nullité (cap. Decet 2, De Jnimunitate Ecclesiarum…, L. III, lit. 33, in 6") ; les jugements civils concernant une cause de sang ou la peine