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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES

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H. Division. — Comme on le voit par la définition, on ilislingue trois sortes d’immunités : immunité locale, réelle, personnelle.

L’immunité /ucu/e concerneles églises et les autres lieux sacrés, ou réputés tels.

L’immunité réelle concerne les choses (res), tels les biens ecclésiastiques.

L’immunité /)er.soHne//eest un droit en vertu duquel la personne des clercs est exempte de la juritliclion du pouvoir civil. Elle comprend principalement le privilège du fur ecclésiastique, qui rend la personne des clercs inviolable et sacrée, de telle sorte qu’ils doivent être régulièrement jugés parleurs pairs et non par des laïques, le privilège du carton^ et l’exemption des charges personnelles et publiques, et spécialement de la milice.

m. Histoire. — Dans les premiers siècles de l’Eglise, il n’était pas question de privilèges, de faveurs pour les clercs, mais bien de persécutions. La situation changea complètement avec la conversion de Constantin. L’empereur, devenuchréticn, non seulement reconnut l’Eglise, ses droits, mais la combla de bienfaits et de privilèges. Les clercs, à l’instar des prêtres païens, étaient déclarés i)ar les lois civiles personnellement exempts des charges publiques et des imiiots, afin qu’ils pussent vaquer librement au service religieux.

C’est à partir de celle époque que les clercs furent exemptés du service mililaire, des charges basses, regardées comme viles, de l’obligation d’assumer certaines fonctions civiles, comme celles de curateur, de tuteur’.

L’Eglise, de son côté, pour être plus libre de travailler aux choses spirituelles par une sage législation, chercha à dégager le plus possible le clergé de tous les embarras que procure le soin des choses temporelles. Ainsi, elle interdit les ordres aux soldats, à ceux qui exerçaient certaines fonctions civiles, comme celles de curateur, de tuteur, et, d’une manière générale, à tous ceux qui étaient engagés dans les affaires temporelles.

C’est ce que témoigne déjà le concile de Carthage, tenu entre 345 et 3^8. D’après le 6’canon, les clercs ne doivent pas se mêler d’affaires temporelles. Le 8’canon défend de conférer les ordres à un tuteur ; le 9* étend celle défense à tous ceux qui s’occupent des affaires des autres ; le iS" interdit aux clercs de faire l’usure 2… C’est un cas de l’irrégularité ex defeclu libertatis.

Au moyen âge, les peuples chrétiens reconnurent sans i)eine cette immunité personnelle des clercs 3. L’Eglise, dans le cours des âges, consacra ces privilèges par ses lois’.

1. Cf. Ug. 1, 2, 7. 9, iii, 11, 13, 14, 2’», 40, Cod. Thcod., de Episc, Eccl., et c/er., 1. XVI, tit. 2 ; — el Leg. 1, 2, cum authenl. Frid. ii, Cod. Just., de Epitc, 1. 1, lit", i ; Ver.nz, Jus Dtcreial., t. ii, n. 167.

2. Cf. Hefele-Leclercq, Hist. des Conciles, t. I, 2 « partie, p. sua sqq. ; traduction Goschler et Delarc, t. H, p. 10.

3. Cf..iiilhent. Frider. II, a. 1220, posi Leg. 2, Cod., de Episc., L. I, tit. 3 : « NuUus laicus, dit le sommaire, potest imponere collectam vel onera cleiicis, ecclesiis, vel piis locis ; nec iiivadere bona ecclesiarum vel clericorum : et si requisiti negliguiit enieiidaïc, siibjacent banno imperiali : de que non cxiroanlur nisi débita satisfactione præmissa. »

4. Cf. c. Ecclesiarum 69, G. II, q. 2. in décréta Gral., = c. 21 Concil. Toi. III, a. 589 : « Servi ecclesiorum publicisanagriis non fatipentur » (sommaire^, éd. Friedberg, col. 709, Lipsiae, 1879 ; et suitout L. III, lit. 49, De immunitate ecclesiarum, coemeterii et rerum ad eas periincnlium, in decretalibus Greg. I.Y : cap. Quanquam 4, De Censibus…, L. III, tit. 20, in Sexto ; et ibid., tit. 23,

Le concile de Trente confirma de son autorité cette immunité des clercs, établie par une disposition divine et par les lois ecclésiastiques. Il recommanda de nouveau aux princes séculiers de la respecter et de la protéger’. Dans les siècles suivants, cette immunité des clercs subsista toujours plus ou moins ; elle ne fut jamais entièrement abolie.

Mais depuis la révolution française la législation civile, dans les différents pays, devient de plus en plus contraire aux droits de l’Eglise, de sorte qu’aujourd’hui, dans la pratique, il ne reste presque plus rien de ces anciens privilèges des clercs. Ils étaient assurément très légitimes, et il ne sera pas bien difficile de les justifier. En tout cas, l’Etat était absolument incompétent pour les supprimer de son autorité propre, sans le consentement de l’Eglise. Mais, en fait, tenant compte des temps, des circonstances, le Saint-Siège lui-même a fait des concessions dans la plupart des concordats particuliers, qu’il a conclus avec les différentes nations.

Sans vouloir donc ressusciter un passé qui n’est plus, et qui, senible-t-il, n’est pas près de revenir, sans vouloir, en fait, revendiquer sous ce rapport, pour l’Eglise, une situation privilégiée comme aux beaux jours du moyen âge, gardons-nous cependant de condanmer le passé en bloc, sans discrétion, sans discernement : ridicule travers de ceux qui, sous prétexte de progrès, cherchent moins la vérité qu’à se mettre à l’unisson des voix du jour. C’est pourquoi, plus que jamais, il importe de connaître la doctrine catholique sur ce point. Il faut affirmer les principes. Pour la pratique, nous nous en remettons à la sagesse de l’Eglise, qui sait parfaitement accommoder sa discipline aux besoins des temps.

IV. Origine — Avant tout, s’il s’agit de causes spirituelle.’^, qui regardent la foi, les sacrements, le culte divin, le salut des âmes, la Un surnaturelle, non seulement les clercs, mais encore les laïques sont de droit diiin exempts de la juridiction du pouvoir civil : pour connaître, en effet, de ces causes, et les juger, il faut un pouvoir spirituel, d’ordre surnaturel, accordé par Xotre-Seigneur Jésus-Christ à Pierre et à ses successeurs, et non au pouvoir civil.

Ce point est hors de controverse ; c’est la doctrine catholique.

Toute la difficulté est relative aux causes temporelles des clercs.

Les légistes et les gallicans affirmaient volontiers que les immunités ecclésiastiques tiraient leur origine du droit civil. Cette opinion est formellement condamnée, en tant qu’elle prétend que la raison formelle de l’immunité ecclésiastique est le droit civil lui-même. Pie IX a expressément réprouvé la proposition suivante : « Ecclesiæ et personarum ecclesiasticarum imnmnilasa jureciviliortum haljuit. w 30’prop. du Syllabus ; cl. CuoiPix, Valeur des décisions du Saint-Siège ; Srllabus…, prop. 30", Paris, Beauchesne.

.u point de vue catholique, il y a sur ce sujet trois ojjinions probables :

Première opinion : Vimmunité est formellement de droit dii’in naturel ou positif. — La première opinion soutient que l’exemption des clercs est formellement de droit di^-in. naturel ou positif, ou même pour quelques-uns, naturel et positif, au moins en thèse (in génère), quoique, pour les cas particuliers, Xotre De Immunit, eccl. ; cap. Præsenti 3, L. III, tit. 13 in Clem : et c. Quoniam unie. De immunitate eccl., L. III, tit. 17, in Clem.

1. Concil. Trid. Sess. XXV, c. 20, de reformat., Edil. Richter, p. 467 sq. ; WER^Z, Jus décrétai., t. II, n. 107.