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IMMANENCE (MÉTHODE D’606

nature et du surnaturel, ne sont, dans l’état actuel de l’humanité, ni séparés ni simplement juxtaposés, ils n’en doivent pas moins rester léellerænldistincts. Et l’on eu arrivera alors à parler de l’homme créé pour le surnaturel, comme si so/iesse/ice portait l’empreinte de sa surnaturelle destinée. Il s’ensuivrait que l’homme serait « une substance surnaturelle », ce qui est erroné.

, 5 — Dans le but d’éviter cette exagération du faux siinuilnralisme, on peut aisément tomber dans celle du naturalisme, a Est naturaliste toute doctrine qui ne voit dans le surnaturel que l’épanouissement et le terme suprêmes des facultés et de l’activité naturelles. Est encore naturaliste toute doctrine qui croit apercevoir dans la nature en tant que telle une cxifçence proprement dite du don de la grâce, n W’RHRijé, La Méthode d’immanence, p. 28. Du naturalisme ainsi entendu, il faut dire manifestement qu’il est en opposition formelle avec les principes catholiques. En parlant par conséquent du surnaturel qui apparaîtrait au philosophe comme nécessaire, il faut qu’on fasse entendre qu’il ne s’agit pas d’une exigence delà nature eu tant que telle. On fait mieux que de le laisser entendre. On le dit expressément en posant le problème dans le concret et en faisant sortir d’une nature traversée par la grâce cet aveu d’insuffisance qui conduit au besoin d’un surcroît et qui, sans donner l’aptitude à le produire ou à ledélinir, donne du moins celle de le reconnaître et de le recevoir. (Ex/ ; o5é, col.593).Si elle demeure donc fidèle à son point de vue initial, la méthode d’immanence évitera tout danger île naturalisme.

Cependant si le principe d’immanence, entendu au sens relatif qui a été défini plus haut, est vrai, s’il faut dire que « ce qui ne correspond pas à un appel, à un besoin, que ce qui n’a pas dans l’homme son point d’attache intérieur, sa préfiguration et sa pierre d’attente, que ce qui est purement et simplement du dehors, ne peut ni pénétrer sa vie ni informer sa pensée, mais est radicalement inellicace en même temps qu’inassimilable », comment doit-on concevoir le rapport de ces deux ordres, naturel et surnaturel, qui, bien que non séparés en nous, restent cependant, la théologie le requiert, des ordres distincts ? Il semble qu’on ne le puisse sans revenir à la considération de la nature en soi, et par suite à l’hypothèse de la nature pure, avec laquelle nous constations cependant, au début de notre examen de la méthode d’immanence en face de la théologie, que la théorie de cette méthode n’avait point de relation directe, puisqu’il s’agissait de l’honmie teltjue nousle rencontrons dans le monde actuel. Une antinomie secrète se révélerait-elle ici entre la théorie de la méthode d’immanence et la théologie ? C’est ce qui nous reste à examiner.

c) La question des rapports de la nature et du surnaturel a occupé de tout temps la théologie. Les solutions qui lui ont été données se concentrent autour de l’idée de puissance ohédientielle. (S. Augustin, De Gen. ad Utt., 1. IX, cap. xvii, n. 82 ; — S.Thomas, Quæsl. disput.de virt., art. x, ad13 ; — Suxrez, Métaph. disp. xLiii, sect. l.) Cette dernière, considérée dans l’houxuie, n’est pas une puissance purement passive. Elle est aussi une puissance active, non pas en ce sens, justement répréhensible, qu’elle est efficace par elle seule, ou à coté de la grâce, mais en ce sens qu’elle le devient par la grâce qui, travaillant la nature et la transfigurant, se trouve constituer avec elle un seul principe d’opération, développer la vitalité active et la liberté des facultés de l’âme, soulever ces dernières en leur fond le plus intime et produire des actes qui relèvent indivisible ment de la nature et de la grâce. « Pion partim ^ralia partim liberuni arbitrium, sed totum singula opère individuo peragunt. » S. Bernard, De Gratia et libero Arbitrio, c. xiv. Tel l’olivier franc enté sur l’olivier sauvage.

Or le fondement de cette puissance obédientielle est à chercher, d’après S. Thomas, dans notre nature intellectuelle prise comme telle. Car, pour le Docteur Angélique, l’ordre intellectuel en son absolu et l’ordre divin coïncident. (Sertillanges, Saint Thomas, I, 1. I, ch. II, B ; RoussELOT, L’intellectualisme de S. Thomas, p. 2 ;  ; , seq.) Ainsi se manifestera la justification du principe thomiste : nihil potest ordiiiari in aliquem finem nisi præexistat in ipso quædam proportio ad finem c’est-à-dire du principe d immænce. Entre la nature humaine et le surnaturel, il y aura une relation indirecte etlointaine, une aptitude, un appétit indéfini, un désir inefficace et en quelque sorte négatif à combler.

Autant il serait donc illusoire de vouloir, par une analyse psychologique de nos tendances, prouver le fait du surnaturel, autant il est légitime, ex suppositione, d’établir une démonstration parfaitement rigoureuse en son genre. Car « s’il est une fois accordé que riiomnie doit aboutir au parfait achèvement de son être intellectuel en tant que tel, on n’aura pas de peine à faire voir que cet achèvement ou béatitude parfaite n’est réalisable que par l’intuition intellectuelle du divin ». Sertillanges, 1. c, c. ii, p. 305. A plus forte raison, sera-t-il légitime de partir de la nature concrète, afin de mettre en relief le point où le surnaturel pourra s’insérer, sans se préoccuper de savoir comment se trouve cette nature, mais en bénéûciant de toutes les ressources qu’elle présente de fait. Or tel est le cas de la méthode d’immanence. (Cf. Exposé, col. 5g2.) Au point de vue théologique, il n’y a plus dès lors qu’à voir comment elle peut être légitimement appliquée.

2) L’application de la méthode et ta théologie.

Il ne saurait être question ici d’une application toute spontanée et en quelque sorte empirique de la méthode d’immanence. Ses dillicultés n’auraient de consistance que dans la mesure où elles porteraient sur les idées, dont s’inspire explicitement l’application scientifique.

Ne parlons directement que de celle-ci. Or l’application scientifique de la méthode d’immanence rencontre la théologie sur deux points.

A) Ce qui l’inspire en efi’et, c’est la thèse de l’i’nsufflsance d’un ordre naturel dans lequel le surnaturel ne s’introduirait que par un coup de force et resterait toujours un objet de luxe. Mais la théologie maintient une certaine suffisance de cet ordre naturel. C’est une conséquence de l’enseignement ecclésiastique sur les effets du péché originel, qui n’a pas (létruit toutes les forces de la raison et de la liberté. (Voir les déclarations du Magistère concernant Baïus et QuBSNBL, p. ex. Denz., iSgi |1266].)Le Concile du Vatican le rappelle donc : « Ecclesia lenet ac oocet, Deum rerum omnium principium et finem naturali rationis luminee rébus creatis cerlo cognosci passe n (Denz., 1785 [1634]). Cependant il y a un abîme entre ces déclarations et celles des déistes du xviu’siècle, tenant pour une connaissance naturelle de Dieu sullisanle, fondement d’une religion naturelle, qui existerait dans l’humanité et se suffirait objectivement comme telle. Ce déisme n’a jamais été la religion de l’humanité. L’étude comparée des religions met tous les jours ce point en plus vive lumière. (Albert Valensin, Jésus-Christ et l’étude