Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée

601

IMMANENCE (METHODE D’C02

existe, celle qui est issue d’Adam et que le nouvel Adam, Jésus, est venu restaurer, est, par rapport à riiumanité abstraite, o connue une race particulière constituée, comuie telle, par îles attributs caractéristiques se surajoutant à ceux de l’espèce » (R. P. Mercier, O. P., Le Fait du Suinatuiet, dans lietiie J’Iiomiste, igoS, p. 176 scq.). Le surnaturel est undeces attributs. L’Iiunianilc est une race surnaturelle : a) d’abord en ce sens qu’il n’y a ])as d’autre destinée pour l’homme que celle de la vision intuitive… ou du châtiment, frajipant éternellement les coupables ; h) parce que la jirovidencc surnaturelle de Dieu s’exerce, quoii|ue à des degrés divers, sur tout homme, on sorte que la vie d’aucun adulte n’est entièrement vide de surnaturel ; c) parce que la Rédemption s’étend à tous les hoiumcs ; </) parce que la volonté de Dieu est salvilique (S. Thomas, Contra Gentes,. III, c. 159).

Ces pensées sont familières aux Pères. Elles ont été développées par les théologiens. Le Magistère ecclésiatique les a consacrées. — Voir par exemple les propositions condamnées par Alexandre VIII (Dbnz., n. 1294-1295 I 1261-1262]), par Clément XI (ibid., n. iSgS [1260]), et les déclarations des conciles d’Orange, II, c. 17, 20, 22, et la conclusion ((fciV., 190, 193, 195, 200 [160, iG3, 165, 169]), de Sens (3^1 |313j).

C’est donc là, d<ins la conception ortlwdoxe de l’état de Vhnmaniié piéaente vis-ii-t’is du surnaturel, don gratuit de Dieu, qu’il faudra chercher et trouver,

— s’il existe, — le point de contact entre la théorie de la méthode d immanence et la théologie. Le chercher ailleurs serait se mettre en dehors des données du problème tel qu’il a été posé.

B) Cet état de l’humanité présente, quand il ne s’agit ni de l’homme qui vil surnaturellement, parce qu’il possède la grâce saneliliantc, ni de celui qui estraort spirituellement, parcequ’ilacommis le péché mortel, encore qu’il garde la foi ou tout au moins le caraclère baptismal, on nous propose de l’aïqieler, un état transnuturel’. Et l’on veut signilier par là le caractère instable d’une nature qui n’est plus ici-bas pour elle-même, mais blessée par la déchéance, et traversée par les appels d’une grâce prévenante, dont le résultat est, en suscitant l’aspiration vers l’au delà, de faire sentir le vide qui est dans la nature réelle. Le surnaturel chrétien, qui apparaît dans l’ordre historique, révèle la raison de cette insullisance de la nature, il y répond. Il comble un besoin. Et quand on parle de lui, et qu’on le considère dans le concret, « on ne peut pas dire qu’il y a continuité réelle entre le monde de la raison et celui de la foi, pas plus qu’on ne peut dire que l’ordre surnaturel rentre dans le déterminisme de l’action humaine ».

1. On ppiit donc, selon les points de vue, dire de la Méthode d’imnmnence, 1° qu’elle part de Vhypoihcse du surnaturel absent de l’Ame, c’est-à-dire qn’elle part non de 1 état surnaturel, iiinis de l’état transnaturel, celui du mécréant ; 2° qu’elle pnrl de V/iypnth<-se du surnaturel présent dans rÂnie, c’est-à-dire de l’état transnuturel et non pas d’un liyp<4hélique étal d-’nature pure, dont nulle grâce prévenatite ne détruirait l’équilibi-e ; 3" qu’elle ne part d’aucune hypnlhèse, c’est-à-dire qu’elle part de l’élut où toute ftnie se trouve en fait, et dont il n’est pas nécessaire de connaîti-e explicitement et analvtlqnement les ressources pour que celles-ci restent agissantes et anonymement utilisables. Ces distinctions donnent la clef de bien des textes qui ont paru à plusieurs interprètes, d’ailleurs fort pénétrants, devoir suggérei" une double manière d’entendre lu Méthode d’immanence..K Trai dire, il n’y a qu’une manière de l’entendi-e ; et il faut pour cela se placer dans l’or-dre conci-et où de fait l’iiomme est destiné à une fin surnaturelle, ^’oir ce qui a élé dit plus haut de l’attitude de pensée que supjtose la.Méthode d’immanence au point de vue philosophique.

Mais on peut et doit dire, « que le progrès de notre volonté nous contraint à l’aveu de notre insulhsance, nous conduit au besoin senti d’un surcroît, nous donne l’ajititude, non à le produire ou à le délinir, mais à le reconnaître et à le recevoir, nous ouvre en un mot comme par une grâce prévenante, ce baptême de désir, qui, supposant déjà une touche secrète de Uicu, demeure partout accessible cl nécessaire en dehors même de toute révélation explicite et qui, dans la révélation même, est comme le sacrement humain immanent à l’opération divine. » M. Blondel, Lettre, Annales, p. 611 (à rapprocher de l’exposé col. 587-89).

De ces déclarations, rapprochées de l’Exposé précédent, il ressort que la théorie de la méthode d’immanence entre en contact avec la théologie au point où celle-ci étudie la nécessité du surnaturel, dans l’état actuel de l’humanité déchue en Adam et rachetée par le Christ.

Orl’ctude théologique de cettenécessité, étndecomplexe et délicate, exige, pour être exacte, que l’esprit soit attentif à formuler dès le début une précision et à se mettre en garde contre un danger. A cette condition sera donc conlirmée la légitimité théorique de la méthode d’immanence.

« ) La précision à formuler est celle-ci : comment

entendre cette nécessité du surnaturel.

On répond : « ) s’agit-il de la nécessité de la Révélation, i)our que l’homme connaisse, aisément et avec certitude, certaines vérités religieuses, que, par les seules forces de sa raison naturelle, il pourrait cependant atteindre, mais que, de fait, par suite de la déchéance originelle, il n’atteint qtie rarement et dune manière imparfaite, en u : ie connaissance mêlée d’erreurs’.' on dira que la Révélation était non seulement utile et convenable mais moralement nécessaire (S. Thomas, I, q. 1, a. 2 ; q. 2, a. 4 ; Contra Cent., 1. I, c. 4 ; J’e Vent., q. 14, a. 10.) /3) S’agit-il de la nécessité de secours surnaturels, qui, étant donné le fait de la Révélation, doivent répondre à l’indigence foncière de la nature ? on dira que le surnaturel est ici absolument nécessaire, mais d’une nécessité hypothétique et de conséquence.

Parce que l’homme est actuellement créé pour la vision béatilique et qu’il n’a pas d’autre destinée, sou désir de la béatitude, qui, dans l’hypothèse non vériliée de la nature pure, aurait été limité au bien naturellement connu comme possible, se trouve, dans l’hypothèse vérihéo de notre vocation surnaturelle, désir de béatitude parfaite, encore que son ellicacité ne corresponde qu’à la pression refoulante d’une gràcequi, opérant innatura, Ti’e’iliasexnatura. Mais que cette grâce soit donnée, motion passagère et élevante, suscitant la bonne volonté et la prévenant (II’Concile d’Orange, c. 6, 7, 20, Denz., 179, 180, 193 |149. 150, 163|), c’est ce qu’il faudra conclure de la volonté salvilique de Dieu et de l’universalité de la Rédemption. Et à ceux qui feront ce qui est en leur pouvoir avec le secours surnaturel de cette grâce actuelle. Dieu ne refusera pas la grâce saneMianXc : Facienti quod in se est, Deus non denegat gratiam *.

/) S’agit-il de la nécessité de secours surnaturels, qui, dans l’économie actuelle de la proi’idence surnaturelle (donc non pas en droit mais en fait), seraient

1. Nous interprétons l’axiome dans le sens qui nous parait être celui tin Docteur Angélique (la Ilae^ q. 1(19, a. fi, ad 2 ; Contra Crûtes, III, c. 14’.)). île saint Jionai’enfitre, in Sent, U dist.’J8, a. 2 ; Breiil.. p.."i c.ï, n.."> ; ainsi l’entendent beaucoup de théologiens aujourd’hui. D’autres l’interprètent autrement, mais peut-être parce qu’ils se placent à un point de vue dilTérent (Ripalda, De Ente supernaturali, 1. 1, Disp. xx, scct. 1, n. 1).