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IMMANENCE (DOCTRINE DE L’)

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Gebildeten unter ihren Veriichtern, Berlin, !)’cdil., l831, pp. ^i el suiv.). La Religion est le jxir sentiment de piété que suscite en nous l’inluilion de l’Infini dans le lini, de l’Eternel dans le leniporel. Chercher l’inlini et l’Eternel dans tout ce qui est et se meut, dans toute action et toute passion, s’unir à rintini el à l’Eternel par une sorte de conscience immédiate, posséder tout en Dieu et Dieu en tout : voilà la Religion. Quant l’homme est à l’état religieux, il s’épanouit dans la puissance et dans la joie ; hors de l’état religieux, il n’y a pour lui que misère, qu’angoisse, qu’éparpillement de forces. La Religion, c’est l’unité de tout notre èlre et de tout l’Etre, indiciblcment sentie au plus profond de nous-mêmes. » (Veier die Religion, p. l^i-liZ.) (Delbos, Le problème moral dans la philosophie de Spinoza ; Deuxième partie, te prohlcme moral dons l’histoire du Hpinozisme, chapitre vi : Sclilciermacher, p. 335, seq.)

La religion sera donc chose naturelle, qu’il serait contradictoire d’opposer à la raison. Elle découvre son principe à qui se saisit en un acte quclconque de la vie. Elle jaillit des profondeurs de l’clre par immanence vitale, lær’^l’^"’- » — ^^H-’S^C Êilv

2) Le piétisme luthérien. — Il convient, croyons-nous, de cherclier là un autre facteur de la doctrine de l’immanence. La théorie luthérienne de la justification par la foi devait amener peu à peu la pensée protestante à ne plus voir dans la religion qu’une forme de la piété. Celle-ci est avant tout un sentiment. Mais elle agit comme un principe d’évidence religieuse et morale. Elle fonde une méthode de conviction intérieure, opposée aux sj’stèmes el à la métliode d’autorité. Elle fait reposer en dernière analyse sur un fail de conscience originel el créateur, sur le témoignage interne de l’Esprit, l’autorité de la Bible et la vérité du Cliristianisme. Sans doute Lutlicr ne tira point toutes les conséquences de sa théorie. Les réformateurs furent hommes de transition. « Il ne s’agit pas de justifier leurs inconséquences ni de jurer par leur parole ; il s’agit de Ijien voir le principe nouveau qu’ils introduisaient dans le monde et qii, après avoir détruit le système d’autorité catholique, empêchera la reconstitution de toute autre infaillibililé extérieure et par conséquent de toute autre tyrannie dans l’avenir. Leur titre de gloire est d’avoir fait triompher une conception nouvelle de la religion en transi)ortant le siège de l’autorité religieuse du dehors au dedans, de l’Eglise dans la conscience chrétienne. « (Sabatieh, les religions d’autorité et la religion de l’Esprit, liv. ii, cli. i, I.e Protestantisme primitif, p. a^S.)

Ce fut en fonction de cette théorie qu’au xix’siècle surtout on étudia, au sein du protestantisme, les origines chrétiennes. Le problème capital fut donc de réaliser la conscience religieuse des hommes du passé, et tout i>articulièrement celle de Jésus. L’exégèse biblique vint de la sorte confirmer la conception philosophique d’une religion, dont l’idée d’immanence donnait exclusivement le sens el la portée.

3) Le mysticisme chrétien exagéré par di^’ers courants de la pensée contemporaine. — Ce serait tendre artificiellement des thèses l’une contre l’autre, que d’opposer au christianisme orthodoxe toute intériorité. Le christianisme i)rend l’homme tout entier, et son âme d’abord. Il est extérieur et intérieur. Et si le Christ lui a donné la forme sociale, et des rites el une autorité, c’est pour que les hommes aient en eux la vie, el l’aient en aliondance. Le christianisme est une vie, celle de rEsj)rit. « Jd in que Iota ^^irtus Legis Novi Testamenli consistit, est gratia Spiritus

Sancti » (St. Tuo.mas, la lU", q. iii, a. i). De cette vie, le mysticisme authentique livre la plénitude.

Or, au début du siècle dernier, la réaction contre le rationalisme étroit du xviii’siècle ramena les âmes vers le mysticisme. Mais le mouvement romanticjue en exagéra la tendance. Il accentua outre mesure le sentiment de l’intériorité de la religion. Pourquoi remonter l’échelle de Jacob, qui relie la terre au ciel, afin d’y trouver Dieu ? Dieu est au fond de nos âmes ; et c’est là, et là seulement, qu’il faut le chercher.

D’autre part, le progrès des études psychologiques et une criticpie plusexacte des sciences avaient contribué à faire prendre conscience à la pensée contemporaine de l’importance de la vie subjective. Ainsi se produisit un mouvement d’émancipation contre toute passivité. On revendiqua le rôle créateur de l’esprit jusque dans les sciences exactes. Et d’aucuns, s’inspiranl d’Auguste Comte, parlèrent d’une sorte de « quatrième étal de l’humanité », qui, par la doctrine dont il deviendrait l’expression, serait appelé une ère d’immanence.

2. — Formules de la doctrine de l’immanence

i) Une formule synthétique de la doctrine de l’immanence pourrait être donnée par cette équation :

Religion = révélation = foi z : =. conscience du divin = ::Dieu = vie = expérience.

2) Plus exactement, la doctrine de l’immanence peut se formuler de deux manières :

A. — £n fonction d’une métaphysique intellectualiste, on dira que la raison, étant seule maîtresse du connaissable, doit trouver immanentes en elle toutes les vérités nécessaires à la vie. C’est donc du sein de l’immanent que surgira, s’il doit surgir, le système des vérités transcendantes. Tout développement intellectuel ou vital est pure efférence.

On prétendra que la pensée s’implique tout entière elle-mêiue à chacun de ses moments. On en conclura que, pour atteindre la vérité religieuse comme ])Our constituer la philosophie, nous n’avons qu’à dévider en nous un écheveau préalablement formé, qu’à expliciter jiar l’analyse un implicite, où

« tout est intérieur à tout, qu’à réaliser un inventaire

sans in^enlion i)réalable, sans apport étranger, sans dilatation nouvelle, sans progrès elTectif » (Vocabulaire philos,. Immanence, p. 32^).

Un pur processus dialectique découvrira donc en nous-mêmes la solution du problème des rapports de l’homme et de Dieu. Et la Religion, qui fixe ces rapports, ne sera dés lors qu’un fruit naturel de l’intelligence.

B. — Assujettie à une thèse pragmalisle, la doctrine de l’immanence se formulera autrement. On dira que, puisque la raison a montré par l’échec de ses tcntatiives rini|)uissance radicale de tout intellectualisme, il faut ajourner toute solution dogmatique du problème religieux. La valeur d’une idée sera, en religion, celle de son utilité praticpic. On fera ainsi du sentiment de piété, dont parlait.Sihleicrmacher, l’essentiel, l’unique nécessaire de toute religion el en particulier de la religion du Christ.

3. — L’apologétique immanentiste. — Pour disposer les non-croyants à embrasser cette religion du Christ, comme pour confirmer les chrétiens dans leur foi, on recourut donc à la doctrine de l’immanence. Celle-ci inspira de la sorte une a[)ologétique. Si rien n’a de valeur pour l’homuu’, qui ne soit autonome et autochtone, si rien ne f>eul se manifester à lui qui ne soit préconlenu en lui, l’apologiste devra s’efforcer de persuader à l’homme que, dans les profondeurs de sa nature, se cachent l’exigence et le