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IDEALISME

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d’accord les conclusions également rigoureuses de prémisses pareillement certaines : il ne s’agit plus, en ce second cas, que de s’inspirer du précepte si opportun dont BossuET, Traité du libre arbitre, cliap. iv, déclare faire « la première règle de sa logique », à savoir qu’  « il ne faut jamais abandonner les vérités une fois connues, quelque difficulté qui survienne quand on les veut concilier », car « nous pouvons connaître très certainement beaucoup de choses dont nous n’entendons pas toutes les dépendances et toutes les suites’». — A plus forle raison une telle confusion doit-elle être évitée, lorsque les prémisses ne sont rien moins qu’évidentes, comme c’est juste le cas, dans la Dialectique transcendantale pour la première antinomie, plus exactement pour les démonstrations respectives de la thèse et de l’antithèse de la première antinomie, cf. v. g. A. Lkpidi, Opuscules philosophiques, trad. E. Vignon, p. 150 sq. ; voir aussi sur ce point particulier, C. Gutberlkt, Katurphilijsophie, p. 64 sq. Quant à la seconde antinomie, on constatera sans peine qu’elle ne fait guère que traduire en termes techniques, et eu égard à la divisibilité du continu matériel, l’opposition séculaire du dynamisme (thèse) et de l’atomisme (antithèse ) ; et l’on se rappellera que les principes de l’hylémorphisme traditionnel nous offrent de quoi satisfaire aux exigences légitimes de l’un et de l’autre, cf. A. Farges, Matière et forme en présence des sciences modernes, p. 13 sq. ; M. d’Hulst, Mélanges philosophiques, p.330 sq. ; comme aussi ils nousdonnent le moyen d’harmoniser, dans l’étude de la réalité matérielle (par l’idée même delà composition ou dualité substantielle des corps), ces deux points de vue de la quantité (matière) et de la qualité (forme) dont nous disions tout à l’heure qu’on doit tenir également couipte sous peine de ne retenir qu’un coté des faits donnes, cf. M. d’Hulst, ibid., D. Nvs, Cosmologie. præs., p. 480 sq. — Tout ceci soit dit, encore une fois, ad abundantiamjuris, puisque aussi bien nous n’avons pas à nous engager plus avant dans cette discussion, étrangère en elle-même à notre présent sujet.

6° En résumé, une fois reconnue l’extériorité delà cause requise pour nos sensations, autrement dit l’idéalisme subjectif une fois dépassé, il est bien diliicile de ne pas reconnaître tout ensemble que cette cause ne détermine pas seulement leur existence, mais jusqu’à la nature de leur contenu représentatif ; que, d’vine manière générale et abstraction faite des erreurs accidentelles de notre perception, nous sommes donc fondés à lui attribuer leurs déterminations qualitatives ou plutôt la réalité objective, actuelle ou virtuelle, de ces déterminations ; qu’elle consiste bien, en un mot, dans ce que nous appelons communément les corps — bref, il est bien difficile alors de ne pas dépasser également l’idéalisme immatérialiste. Car, d’une manière générale aussi, il y a une pro|)orlion naturelle entre les causes et leurs elfcts. L’objection berkeleyenne ne saurait rien oter a la rigueur de cette conclusion, puisque, sans préjudice du caractère hautement paradoxal de la thèse qu’elleprétond appuyer, elle repose tout entière sur une théorie subjectiviste de la connaissance qui ne résiste pas à l’examen. Et il n’y a pas plus à craindre, en cette matière, de la conception mécaniste ou le, « nous pouvons connaître très certainement », par toutes les preuves précédentes, que le nionde extérieur et matériel existe, lors m^uïe que a nous n’entendrions pas » que l’extension en soit finie ou infinie, etc.

nous l’oppose, et il nous suffit alors de l’écarter par une pure et simple fln de non-recevoir, la science comme telle n’ayant en vue, lorsqu’elle parle de vibrationsoude mouvements à propos des qualités sensibles, qu’une condition de leur apparition et de leur perception ; ou bien c’est au nom de la psychologie, d’une certaine psychologie, fondée sur une interprétation erronée ou une extension abusive du subjectivisme méthodique de Descartes, auquel cas cette seconde objection revient à la première et trahit la même insuffisance qu’elle — sans compter que, lïil-ellerecevableen l’espèce, la théorie mécaniste laisserait hors de cause les qualités premières, dont elle postule précisément l’objectivité, et que par ce côté la réalité des corps ou du monde matériel resterait elle-même hors d’atteinte. Enfin, ce ne sont pas les difficultés inhérentes à la notion même de monde matériel et de substance corporelle qui peuvent nous arrêter davantage ; car l’existence des corps est une question, leur nature intime en est une autre ; et, dans l’espèce la question de nature recélât-eîle en dernière analyse un impénétrable mystère (ce dont il resterait d’ailleurs à s’assurer), notre discussion antérieure de la question d’existence demeurerait tout entière, c’est-à-dire que la valeur de nos arguments n’en recevrait aucun dommage ni la certitude de notre solution affirmative aucun détriment.

"V. Conclusion. — Idéalisme ou réalisme, c’est, en somme, d’une théorie de la connaissance que dépend la décision sur ce point capital. Et ainsi rejoignons-nous notre idée première, ainsi comprenons-nous mieux que jamais que l’idéalisme n’apparaisse guère dans l’histoire de la philosophie, au moins sous sa forme rigoureuse, qu’à notre époque moderne, toute dominée par le problème critique. Non pas que ce soit affaire de psycliologie pure, tant s’en faut. Assurément, la plus grave objection qui se dresse contre le réalisme, celle qui revient sans cesse, qui se retrouve invariablement au fond de toutes les autres, tire d’abord toute sa force d’une dilhculté propre à la connaissance comme telle et qui est de comprendre comment une réalité étrangère par hypothèse à la connaissance elle-même peut être appréhendée en celle-ci : de là, sous ses formes varices, le reproche de contradiction adressé au réalisme, de là les diverses théories de l’extériorisation, empirique ou transcendantale, destinées à expliquer l’illusion de l’objectivité. Mais cette difficulté, à quoi revient-elle à son tour ? Il ne faut pas un grand effort de réflexion pour se rendre compte que c’est tout simplement un aspect particulier du problème métaphysique de la communication des substances, comme on disait au xvii’siècle, ou le problème métaphysique de la communication des substances considéré dans son rapport à la connaissance même — tant il est vrai que la métaphysique est au bout de toutes les ipiestions et fju’on a beau prendre toutes sortes de précautions pour l’empêcher d’intervenir, tôt ou tard et bon gré mal gré on se retrouve en face d’elle : « cliasscz-la par la porte, elle rentrera par la fenêtre ». — Et par là même s’explique la supériorité à cet égard de l’ancienne théorie de la perception, à laquelle nous avons dii demander le mot de l’énigme. Car c’est ])réc18cment de prolonger l’observation strictement psychologique par l’analyse métaphysique qui lui vaut de réussir, et de réussir seule, on peut le soutenir sans paradoxe, à concilier l’immanence ou intériorité inaliénable delà connaissance avec son objectivité réelle ; à tracer au philosophe une voie moyenne et siire entre les deux écueils qui à tout instant le menacent, l’idéalisme d’une part qui absorbe l’objet dans le sujet, et d’autre part, le matérialisme qui absorbe à