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IDEALISME

558’vrai, celui fqui pour toutiiebon et sans aucun retour sul)i’ei>lice de la réalité objective, sous quelque nom d’emprunt que ce puisse être, ramène tout au moi, doit, s’il est conséquent avec lui-même, aboutir au solipsisme, et à peine est-il besoin de montrer comment lesolipsismede son côté mène droit à l’absurde. Supposons, en effet, qu’il n’existerien en dehors du moi et de SCS représentations : c’est un fait pourtant que ce moi et ces représentations ont commencé d’être à une époque relativement tardive, en tout cas qu’ils n’ont p : is toujours été, et alors comment ont-ils pu eomuienoer ? Non seulement donc le moi sujet des représentations n’épuise pas la réalité, mais il ne peut même pas être lui-même, n’ayant pas où trouver sa raison d’être ; il s’abîme, et le système avec lui, dans le néant, nihiliim sui, c’est le cas deledire, quoiqu’en un autre sens, niliiliim sui et subjecti.A moins de l’idenlitier, ou plutôt de Hi’identilier derechef avec le principe absolu des choses qui, en même temps qu’il est sa propre raison à lui-même, contient la raison de tout le reste hors de soi : mais nous venons justement de nous rendre compte (siipia, 3° et4°) des dilticullés insurmontables qui s’opposent parailleurs à cette volte-face. — Se plaçant à peu près au même point de vue, on a demandé aussi ce qu’il faut penser, dans l’hypothèse idéalisteetsubjectiviste, d’une série d’événements que nous supposons se passer tout entière en notre absence et en l’absence de tout être sentant, en jiarliculier ce que deviennent les faits antérieurs à l’apparition des êtres sentants, ces « possil ilités de sensations », pour reprendre la formule de Mill, qui, ainsi que nous l’apprend la science, existaient déjà et évoluaient pendantdes milliersd’années ou même de siècles, alors qu’en faitaucune sensation n’était possible, faute d’un sujet capable de sentir. Quant à répondre que ce sont les sensations que j’aurais pu avoir et que j’aurais eues si j’avais existé à cette époque, ce serait, a-t-on ajouté, une défaite par trop mal dissimulée, attendu i" que la condition indiquée a toutes les ehancesdumonde d’être une pure tautologie, et 2° que, n’y ayant rien en dehors de moi, dans le système, pour fonder la possibilité de ces sensations, iln’est plus permis déparier de sensations possibles aune époque où précisément je n’existais pas. Cf. E. BoiRAC, L’idée du phénomène, p. 77. Ajoutons nous-raème que l’idéalisme ne peut au reste parler de la sorte qu’en revenant une fois de plus au point de vue du réalisme ordinaire, pour qui la chose ne souffre pas la moindre difliculté, puisque elTectivement il y avait alors des êtres capables d’être sentis et qui n’attendaient, si l’on peut ainsi dire, qv !e l’apparition d’un sujet sentant pour s’olTrir à sa perception. Une fois de plus aussi, la forniuleen cause, possibilités de sensations », trahit son amphibologie radicale ; elle dépouille sa vraie signification, sa signification subjectiviste, elle ne garde du subjectivisme que l’apparence, elle nefaitplus qu’exprimer en termes subjectivisles, ou plutôt, dès lors, subjectifs, une conception en réalité foncièrement objectiviste : ce n’est plus qu’une question de mots. Une fois de plus enfin, il appert que, si l’hypothèse idéaliste réussit à se soutenir tant bien que iii, il, ce n’est qu’en s’adossant continuellement au réalisme. — Ce n’est pas tout, et on peut raisonner de même, en considérant l’évolution des choses, non plus dans le passé,

1 a parle ante, mais a parle posi ou dans l’avenir. Que pouvait-il bien en être des choses, demandait-on tout à l’heure aux idéalistes, quand je n’y étais pas encore et nous demandons maintenant : qu’en adviendra-t-il, lorsque je n’y serai plus ? Car enfin, rien ne prouve, dans le système, que j’y doive toujours être. Quand donc j’aurai cessé d exister et de sentir, quedeviendra l’univers ? Il paraît bien que je doive l’empor ter avec moi dans la tombe. Et encore cette manière de parler est-elle fort impropre, et le résultat d’une illusion, elle aussi, dont un instant de réflexion suffit à me débarrasser : ce que j appelle ma tombe n’existant, en elïet, que dans la mesure où je la sens ou l’imagine, à vrai dire elle ne sera plus lorsque je ne serai plus là moi-même pour l’imaginer ou la sentir. Moi disparu, tout disparait, au pied de la lettre ; c’est le cas de le dire également : quand on est mort, lout est mort ». Gomme l’écrit un spirituel philosophe, « la terre qui reçoit nos dépouilles s’inocule notre néant ». Cf. J. Jaurics, La réalilé du monde sensible, p. in. L’idéalisme subjectif aboutit de nouveau au nihilisme absolu.

6° Nous pouvons conclure. Loin donc que l’affirmation d’une existence indépendante de notre pensée enveloppe la moindre contradiction, c’est la négation idéaliste qui s embarrasse au contraire en d’inextricables difficultés. D’un autre côté, l’indépendance au moins partielle des sensations à notre égard, leur ordre fixe pareillementsoustraità notre action, enfin leur caractère objectif considéré directement en lui-même, avec l’impossibilité de l’expliquer par une projection illusoire, de quelque manière qu’on l’entende, psychologique outranscendantale, — tout cela nous donne plus que jamais le droit d affirmer qu’il y a au moins quelque chose, non seulement au delà de ces sensations mêmes, mais aussi en dehors de nous qui les éprouvons, et quelque chose qui concourt au moins avec nous à les produire en nous, bref une réalité extérieure qui se révèle à nous par elles. Reste à savoir si ce principe objectif de nosreprésentations sensibles consiste elTectivement dans des substances proprement matérielles ou dans des corps proprement dits.

l’V. — Critique de l’idéalisme immatërialiste. — Matérialité de la cause actuelle et extérieure requise pour les sensations.

1" Or il ne faudra peut-être, pour résoudre cette nouvelle question et écarter l’immatérialisme à son tour, que développer notre précédente critique de 1 idéalisme subjectif. Afin dele mieux entendre, commençons par nous rappeler que, d’une manière générale, il y a proportion entre ï’etTct et sa cause, qui le façonne toujours plus ou moins à son image ou dont il porte toujours plus ou moins la similitude ou l’empreinte : agensagit sihi simile. Si donc nos sensations requièrent de toute nécessite une cause extérieure, n’y a-t-il pas toutes chances pour que leur forme spécifique ait également sa raison dans la propre forme de la cause qui les produit ? Comment comprendre que cette réalité extérieure nous apparaisse dansnos sensations comme étendue, colorée, sonore, etc., s’il n’j' a rien en elle qui corresponde à ces difl’érents caractères et qu’on soit en droit d’appeler l’étendue, la couleur, le son objectifs ? Considérons, par exemple, la première des qualités sensibles qui viennent d’être mentionnées : puisque nous ne pouvons nous représenter cette réalité étrangère que comme étendue, c’est donc qu’il y a en elle, encore une fois, quelque chose qui fonde et exige la continuité extenslve de notre représentation. Car autrement d où procéderait-elle ? De l’association des idées ? Mais l’association combine des données acquises, elle ne les crée pas de toutes pièces, elle n’engendre pas d’éléments originaux : si l’on n’a pas obtenu parailleurs la notion d’étendue, ce n’est pas l’association de données n ayant rien de commun avec elle qui la fera jamais apparaître. D’une forme n ^r/or ; de la sensibilité ? mais, sans reprendre ici la critique du formalisme kantien dans son ensemble (voir article Criticismb),