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IDEALISME

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quelque réalité extérieure aussi : comme s’il n’en l’ullait pas dire autant <lu musée à son tour ([ue du tableau ou de toute prétendue réalité extérieure quelconque 1 coinnif si ce n’était pas autre chose, justement, qu’un groupe de sensations encore, ou qu’une possibilité permanente de sensations à l’égal de toutes les autres ! comme si, enUn, la nécessité de lue rendre au musée pour éprouver la sensation

« tableau » prouvait en aucune manière que cette

sensation dépende d’une cause extérieure à ma conscience, et non pas tout simplement « [u’il faut que je me replace, si je veux l’éprouver de nouveau, dans les mêmes circonstances où je l’ai eue une première fois ! — Mais nous ne postulons pas le moins du monde l’extériorité de la condition requise pour la sensation, nous ne commençons pas par poser qu’elle est extérieure, pour conclure ensuite qu’elle est extérieure, ce qui serait en effet trop facile : nous ne faisons d’abord qu’observer qu’il y a une telle condition, tout simplement, et que l’adversaire lui-même en convient quand il dit que, pour éprouver de nouveau cette sensation, il faut que je me replace dans les mêmes circonstances où elle a eu lieu priuiilivenient. Lequel point établi, voici comment nous raisonnons : il n’est donc pas entièrement en notre poiivoir de nous donner ces représentations plus vives, plus nettes, plus résistantes qu’on appelle des sensations. Par exemple, j’ai beau vouloir ici, dans mon cabinet de travail, j’ai beau vouloir, dis-je, et de la volonté la plus énergique, voir le tableau en cause, rien n’y fait ; tout ce que je puis olitenir, c’est d’en avoir une image affaiblie, plus ou moins vague et imprécise et fuyante, qui demeure fort au-dessous de la sensation elle-même. Quant à celle-ci, je n’arrive à l’éprouver qu’en quittant mon cabinet, en sortant de chez moi pour me rendre au musée, en franchissant une certaine distance, etc., et il en est de même de toutes les expériences successives que je puis accumuler : chaque fois que je sors du musée, la sensation disparaît ou fait place à vine simple image ; chaque fois que je rentre au musée et que je tourne les yeux vers l’endroit voulu, la sensation se reproduit identique. L’apparition de l’image, au contraire, n’est pas subordo : inée à cet ensemble de conditions : il m’est loisible de la faire suigir à toute heure, etn’importe où, eldans quelques circonstances que ce soit. Cette différence entre les ileux cas, ce caractère de la sensation par eontrasLe ax’ec l’image ne reste intelligible que dansl’hypotUèse d’une réalité qui subsiste en dehors de la sensation et de la conscience que j’en ai et de moi qui l’ai ; dune réalité qui concoure avec moi à déterminer cette sensation, qui corresponde extérieurement à celle sensation, qui s’exprime dans cette sensation, avec laquelle j’entre pour ainsi dire en commerce par cette sensation — de quelque façon précise qu’il faille d’ailleurs entendre un tel commerce : nous ne sommes pas présentement obligés de nous prononcer là-dessus, il nous sullil présentement qu’il ait lieu et que nous ne soyons pas moins assurés de l’existence de la réalité avec laquelle nous l’entretenons que de notre réalité à nous qui l’enirelenons. — En deux mois, puisque les sensations ne dépendent pas uniquement de nous, elles dépendent d’autre chose que nous, c’est même trop clair, il y a donc autre chose que nous et dont nos sensations nous révèlent l’existence. N’y eùt-il que leur ordre fixe et, conmie on dit aujourd’hui, que le déterminisme rigoureux des conditions auxquclles elles sont assujetties, et nous-mêmes avec elles, c’en serait assez déjà pour établir qu’elles nous viennent d’un principe, quel qu’il soit encore, qui subsiste en leur absence, indépendanmient d’elles et de nous. — Et ce ne sont pas les erreurs éventuelles

de notre perception sensible, hallucinations ou illusions de toute espèce, qui peuvent rien ôter à la rigueur de ces conclusions. Car c’est comme un lieu commun de psychologie que, tenant à des circonstances particulières et accidentelles, conformation anormale ou faiblesse des organes, conditions nouvelles du milieu, dispositions spéciales ou même pathologiques du sujet, etc., elles ne laissent pas. même en ce qui concerne la sensation comme telle et déduction faite du jugement qui s’y superpose, de s’expliquer par les lois ordinaires ou de s’y réduire ; si bien qu’ici comme ailleurs l’exception rentre iinalement dans la règle.

A peine es l-il besoin de remarquer enfin que la même argumentation acquiertune plus grande force encore, lorsque(comnie on vient d’ailleurs de le faire implicitement, endisant ; io » s aulieudemoi), après avoirconsidéréce déterminisme des sensations par rapporta une conscience individuelle, on se place aupoinlde vue de toutes les consciences en général.Si je suis tout dans mes sensations, dira-t-on alors, et les autres comme moi, d’où vient que tous ensemble nous les éprouvions semblables, et dans les mêmes circonstances, et assujetties au même ordre invariable ? Redisons-le, pour qui fait abstraction de toute condition objective exerçant sur les diverses consciences une action identique, cet accord universel demeure une indéchiffrable énigme.

2" Un idéaliste, il est vrai, nous opposerait sans doute qu’il ne manque pas d’étals de conscience dont nous ne nous sentons pas davantage cause, au moins cause totale, qui semblent bien, eux aussi, se produire en nous, sans nous, même parfois malgré nous, elque nous ne rapportonspourtant point à une action étrangère ou à un principe extérieur : bref, les états affectifs. Mais aussi bien ne s’agit-il alors que d’états affectifs, justement, sans contenu représentatif ou sans signification objective, et tout est là ; et c’est le propre caractère objectif de nos idées des choses sensibles qui, joint à leur indépendance par rappoil au moi, constitue pour l’idéalismesubjeetif une dillicullé caiiilale, tenant à ce qu’il assume précisémcut la tâche impossible, on dirait volontiers, à cequ’ilsoutient la gageure, de rendre raison de l’objet par le seul sujet ou du monde extérieur par la seule conscience. Mais comme si l’idée même quenous avonsde l’objectif, de l’extérieur, n’inqjliquail [las la réalité d’un extérieur, d’un objectif ; Car enlin.cpielque explication psychologique qu’on adopte de la genèse de celle idée, que nous l’ayons obtenue direclement par une {)erceplion immédiate originelle ou indirectement par l’intermédiaire d’un raisonnement primitif.la conclusion métaphysique reste la même : le caractère objectif essentiel à nos perceptions ne peut s’entendre que par l’existence réelle d’un objet ; ou il y a un objet réel et exlérieuràld pensée, ounous n’avons pas dans notre pensée l’idée d’objet ; or cetteidée nous l’avons sans conteste, donc cet objet réel existe.

On objectera peut-être que les deux théories psychologiques précitées (perceptionisme et théorie de l’inférence) n’épuisent pas toutes les hypothèses ftlisables en l’espèce et qu’il en reste une troisième, dont les conséquences métaphysiques sont, à notre présent point de vue, ou du moins peuvent être tout autres : c’est rh3pothèse d’après laquelle l’idée d’objet résulterait tout uniment d’une projection illusoire de nos états de conscience hors de nous, c’est-à-dire, au pied de la lettre, d’une hallucination (théorie de r « hallucination vraie i<, objectivation spontanée des images, avec rectification ultérieure par le moyen des réducteurs antagonistes, etc.). Il est trop clair que, si cette idée n’est, en elle-même, qu’une illusion, il n’y a plus de fond à taire sur elle, prise en elle-