Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/274

Cette page n’a pas encore été corrigée

535

HYSTERIE

536

nition conventionnelle d’un point de départ. Il est impossible de se résigner, comme le fait Harte.nberg dans la dernière page de son livre (L’Hystérie et les Hystériques, Alcan, 1910), à une délinition subjective et variaiile au gré de chacun. Il est inadmissible que l’un appelle hystérie ce que l’autre n’appelle pas ainsi. C’est avouer qu’on a parlé, non pas de l’Hystérie, mais d’une hystérie. Quiconque n’appelle un chat qu’un chat fait une convention, posant en principe qu’au delà ou en deçà de certains éléments qualitatifs (pelage, aptitude à être apprivoisé) et quantitatifs (dentition, dimension du corps, etc.) l’objet de son étude ne sera pas un chat. Sans cette convention on n’a dans l’esprit qu’un concept indéfini, amorphe, confus, et c’est le cas de l’Hystérie actuellement, c’en sera le cas tant qu’on n’aura pas isolé, par convention, dans les innombrables échantillons de la clinique, un certain nombre de caractères paraissant constituer parla fréquence de leur solidarité un type habituel. Les plus grands maîtres de la psychiatrieont avoué(congrès de Lausanne — voir Bull, médical, 1907, 2’semesti-e) que le terme d’Hystérie est tin vocable qui « pèse lourdement » sur la langue médicale (Bernheim). On comprend que le sceptique et surtout l’incrédule, qui aiment à pécher en eau trouble, aient souvent fait appel à un terme aussi vague et aussi confus ; et leurs attaques trahissent déjà leur faiblesse par cette imprécision.

IL Les descriptions et les théories actuelles.

— Gela dit, il est certain que l’on s’est efforcé partout, depuis quelques années particulièrement, de trouver les caractères les plus habituellement groupés, les plus logicpiement solidaires, qui permettent lie reconnaître un type nosologique distinct dans 1 amas confus des observations cliniques. Les rapports de Scu>"VDER et de Claude au congrès de Lausanne, les derniers travaux du professeur R.wmond (.éroses et PsrclioiiKfroses) à Paris, ceux de Grasset, de Mairet et Euzière à Montpellier, de Bernheim et de ses élèves (.mselle, tlièse 1906) à Xancy, de Binswanger, Freud et Ziehen, en Autriche et en Allemagne, de Claparède en Suisse, de You.vg en.

gleterre, constituent à cet égard un effort plus ou moins varié dans son orientation, mais analogue dans son principe. Ce sont là des essais de définition clinique de l’hystérie, et l’on en trouvera un savant et substantiel exposé sous la plume d’Alquibr dans la Gazette des Hôpitaux du 8 août 1908. Mais les travaux les plus importants et les plus récents sont ceux de Jaxet (Les.étroses, 1909, livre oii le maître a résumé son enseignement de vingt ans, sa thèse et ses diverses communications au Congrès d’Amsterdam 1907, à l’Université Harvard 1907, etc.) ; de Dabinski (cf. un bel article de Ferrand, Be^ue pratique des conn. médicales, ii juillet 191 1), et du professeur Déjeri.nb (Les.Manifestations functionnelles des psYchonéi-roses, Masson, 191 1). Les définitions de Janet et de Déjerine sont synthétiques, celle de M. Babinski est analytique ; toutes trois sont des conventions fécondes. Pour M. Janet, les névroses sont des a maladies psychologiques » portant sur le pouvoir de former et d’utiliser des idées ou groupes d’images, c’est-à-dire sur les fonctions de l’esprit en évolution, ce qui les distingue des troubles mentaux proprement dits, qui portent sur des fonctions mentales acquises, anciennes, et désormais incapables de varier d’un homme normal à un autre homme normal. Cette définition générique des névroses étant posée par le professeur Janet, la définition spécifique de l’hystérie et de la psychasthénie, seules névroses selon lui, s’ensuit logiquement : les symptômes appareillés de rune(idées fixes, amnésies, paralysies,

anesthésies, etc.) et de l’autre (velléités fixes ou obsessions, doutes, phobies ou paralysies de l’activité, algies, etc.) se correspondent et caractérisent respectivement la néTose des fonctions proprement mentales (hystérie), et la névrose des fonctions volitives et frénatrices (psychasthénie). — Pour M. Déjerine, les névroses sont génériquement définies par une perversion de l’émotivité : l’hystérie, c’est l’ensemble des désordres mentaux et physiques qui naissent d’une représentation émouvante des réalités ; la neurasthénie, c’est l’ensemble des troubles moraux, alfectifs, qui résultent de l’interprétation émouvante des mêmes réalités. L’hystérie, c’est l’effet, pour ainsi dire, des actions aiguësde l’émotion ; la neurasthénie c’en est comme la réaction chronique. Quant à la psychasthénie, elle n’est pas névrose pour ce maître, mais psychose. On le voit : une différence dans la sj’nthèse générique des névroses modifie la conception spécifique de ce qui est névrose, et l’hystérie même n’apparaît plus ici comme en relation essentielle avec l’hypnose ou la suggestibilité (voir, pour plus ample analyse de ces doctrines de Janet et de Déjerine, nos articles de la Kevue des connaissances médicales des 30 avril 1910 et 30 juin 1911). — Pour M. Babinski, au contraire, ce qu’il isole de plus caractéristique dans le type clinique de l’hystérie, c’est la suggestibilité ; et d’ailleurs, avant lui, nombre d’auteurs exprimaient de diverses façons l’incroyable aptitude que présentent les « hystériques « à réaliser aussitôt qu’elle est conçue une perversion quelconque du fonctionnement normal de la nutrition, de la circulation, des sécrétions, des organes sensoriels ou moteurs ; et les différentes théories qu’on a données de l’hystérie se résument toutes à une interprétation de ce phénomène : troubles des réfiexes corticaux ou sous-corticaux (Raymond), désagrégation entre le centre O et le a polygone » (Grasset), rétrécissement du champ de la conscience (Janet), imagination idéoplastique des Xancéiens, pathomimie de Dieulafoy, pithiatisme de Babinski, toutes ces explications sont des façons diverses d’expliquer un même phénomène. Ce qui distingue seulement l’interprétation de M. Babinski, c’est que, sans s’engager aucunement dans la compromission d’une synthèse, il définit l’hystérie (I un élat psychique spécial capable d’engendrer certains troubles « primitifs ou secondaires, les premiers étant caractérisés par <i la possibilité où l’on est de les reproduire par suggestion avec une exactituae rigoureuse chez certains sujets et de les faire disparaître sous l’influence exclusive de la persuasion », les seconds étant simplement caractérisés par leur

« subordinalionaux troubles primitifs ». Cette habile

délinition présente comme accidentels, comme contingents, tous les accidents et « stigmates Il queCnARcoT présentait comme essentiels, et elle fait de la suggestibilité pathologique l’essence et comme le noyau des phénomènes hystériques. C’est dire que l’hystérie se borne à ce qu’on peut suggérer ou simuler ; c’est en retrancher tous les phénomènes proprement organiques (paralysies, hémiplégies, œdèmes) qui. pour peu qu’ils éclosent sur un terrain névropathique, étaient jadisétiquetés hystériques sans autre forme de procès ; c’est enfin restreindre la part de l’émotion (mise au premier plan par Déjerine) et la considérer simplement comme un phénomène favorable au succès lie la suggestion.

Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans une discussion médicale, mais nous en avons dit assez, et nous n’en avons pas dit trop, ])ensons-nous, pour montrer en quoi l’hystérie intéresse l’apologiste.

A l’époque de Charcot, cette suggestibilité des bys tériques, entretenue par l’hypnotisme, qu’on pratiquait éperdument, passait pour expliquer toutes les