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HUS (JEAN)

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za si’é p’resi’edlein P V Praze, 1898). Hus se comporta de même au moment de mourir. Il pria pour ses ennemis, invoqua à maintes reprises la miséricorde du Christ, mais jamais il ne s’avoua l’auteur des propositions qu’on lui reprochait. Et c’est aussi pour ce motif qu’il refusa de se rétracter (Documenta, 124, n°’t4 et 75). Ulrich von Richenthal, témoin oculaire, rapporte ce qui suit. Hus serait mort dans la persuasion qu’il n’était pas obligé de se confesser, n’ayant aucun péché nioriel. Quand la llamme du bûcher s’éleva, le condamné poussa un cri. Il se tut bientôt et rendit le dernier soupir (Die ^’erurleitung iind Ilinrichtung des Dr. (sic) Johannes lins, dans la revue Katholik, année 1898, t. II, p. 189).

2. Une seconde accusation pèse sur Sigismond et surleConcilc : celle deparjure, de sauf-conduit violé. Sur ce dernier point, la charge ne serait reccvable qu’aune condition. Il faudrait prouver que le but du sauf-conduit, quand les rois et les princes l’accordaient, n’était pas seulement de protéger le voyageur contre qui l’aurait pressuré injustement, lui extorquant des impôts par exemple ou des prestations, ou encore de le prémunir contre tout guet-apens. Or la preuve n’a été jamais faite que le sauf-conduit eût une portée plus étendue. Le libellé même du passeport (on l’a souvent ])ublié) que Sigismond signait pour Hus à Spire, le 18 octobre i^i^, n’a pas un mot susceptible d’un sens plus large. Sigismond y prend le voyageur sous sa tutelle et celle de l’Empire ; il ordonne à tous les princes régnants de ce pays, aux employés, soldats, capitaines, préposés, percepteurs d’impôts et autres, de laisser Hus passer librement, demeurer et revenir sans aucun obstacle, sans exiger ni tribut ni aucune redevance en argent. « Quatenus ipsum, dum ad vos pervenerit, grate suscipere, favorabiliter tractare ac in bis quæ celeritatem ac securitatem ipsius concernunt ilineris tam per terram quam per aquam, promotivam sibi velitis cl debcatis ostendere voluntatem, necnon ipsum cum faniulis, equis, valisiis et aliis rébus suis singulis per quoscumque passus, portus, pontes, terras, dominia, districtus, iurisdictiones, civitatcs, oppida, castra, villas et quælibet loca alla vestra sine aliquali solutione datii, pedagii, tributi, et alio quovis solutionis onere omnique prorsus impedimcnto remoto Iransire, stare. morari et redire libère permitlatis « (.^pudDr.Wilhelm Berger, Johannes lias und Konig Sigmund, Augsburg, 1871. licilage I, p. 179).

Ici, pas un mot du concile.

Donc le sauf-conduit, comme toutes les autres lettres de ce genre, n’était qu’un passeport, d’autant plus nécessaire à l’époque de la féodalité et des chevaliers pillards, que petits, ou grands seigneurs terriens, cherchaient à rançonner les voyageurs.

Ainsi est comjjris le sauf-conduit par la presque unanimité des historiens et des juristes à notre époque. Franc Palacky, bien que favorable à Hus, écrit là-dessus dans son histoire : « Le peuple de Bohème n’a pas fait un grief à Sigismond précisément de ce qu’il ait refusé à Hus protection contre cette accusation et cette condamnation comme hérétique. — Non, le sauf-conduit dont on a tant parlé n’a jamais eu ce sens. Aussi ne peut-il être question ici de loi violée. Mais ce que ce même peuple n’a jamais pu oublier, c’est que Sigismond, loin de se faire l’avocat de Hus, excita bien plutôt, pour le perdre, le zèle des Pères » {Gescliichle von Btihmen. Band III, Ableilung i, p. 35-). Constantin IIÔFi, En, qui a édité les historiens du mouvement hu « isite, partage ces vues de Palacky (Hussitica, dans Historische-politische Blntler, ann. 1858 ; — Bd. I, p. 519-554). Le Dr. Wilhelm Berger dislingue entre sauf-conduils politiipies et sauf-conduits judiciaires : H prouve que le sauf-conduil accordé

à Hus est de la première catégorie. Pareilles lettres n’avaient qu’un but : garantir au porteur sécurité, tant à l’aller qu’au retour (Johannes Hus und Konig Sigmund, io4-i 1 1).

C’est en ces derniers temps seulement qu’on a recommencé à comprendre le sauf-conduit donné par Sigismond comme engageant même le Concile, et à parler de manquement à la foi jurée (Uhlsiann, /. c). On prend dans les lettres de Hus et des seigneurs de Bohême à Sigismond les expressions qui se rapportent au sauf-conduit, — et voici quelle conclusion on en veut tirer. Ils considéreraient le sauf-conduit comme assurant au titulaire, en toute hypothèse, libres allées et venues dans Constance et retour paisible jusqu’à Prague. Aucun doute que Hus, une fois appréhendé, n’ait porté plainte à bien des reprises contre Sigismond, violateur du sauf-conduil. Le prisonnier dit même quelque part que du moins l’empereur aurait dû le renvoyer à Prague pour y être jugé (Documenta, i i^-i 15, n° 70). Seulement il en appelle en même temps à des promesses que Sigismond lui aurait fail faire par Heinrich Lefl.Que du reste Sigismond ait fait ces promesses parce que lui-même avait exposé l’affaire au roi autrement qu’elle n’était en réalité, c’est là ce que tait Jean Hus (Documenta, 6971, n" 36 : le témoignage des barons, le 7 oct. 14>4 ; ibid., 531, n° 63 ; — cf. ci-dessus l’exposé des faits). Quant aux barons de Bohême, ils ne s’appuient pas uniquement sur le sauf-conduit dans leur supplique pour Hus. Ce qu’ils veulent, c’est justilier Hus et lui délivrer un cerlilîcat de bonne conduite (Documenta, 534, n° 65). Nulle part ils ne disent expressément : cette lettre portail l’assurance qu’il } aurait en toute hypothèse sécurité pour le retour à Prague. Aussi Karl Mïilleb prouvait-il déjà dans son article : « Sauf-conduit de Sigismond à Jean Hus » (Historische Vierteijahresschrift, 1898) que Hus et ses amis ont fait entrer trop de choses dans le sauf-conduil. Et les promesses elles-mêmes que le roi avait faites par l’intermédiaire de Heinrich Letl ne peuvent guère s’être rapportées qu’à une condition — celle même posée par Hus dans ses négociations avec le roi — à savoir qu’il pourrait présenter publiquement sa défense devant le concile, à Constance même. Il espérait « par un grand combat y remporter une grande victoire » (Documenta, 78-79, n" /|i). Sur ce point, le roi Sigismond fit ce qu’il pouvait faire. En arrivant à Constance il apprit que Hus avait été saisi. Très mécontent, il demanda tout d’abord qu’on le relâchât. Cependant, mieux renseigné sur l’étal réel des choses, il laissa le concile libre d’agir. Voilà ce qui lui fît dire dans son allocution à Hus (c’était lors de l’interrogatoire public qui eut lieu le 8 juin 1415) : « Quod ego dedi tibi salvum conductum etiam prius quam de Praga exivisti, et etiani mandavi ibidem dominis Wenceslao et loanni ut te adducerent et assecurarent, ut libère le vcnientera ad Conslantiam non opprimèrent, sed ut tibi publicam darent audienliam, ut possis l’e iîde tua respondere » (Documenta, 284). Sûrement donc la volonté de l’empereur a dû êlre celle-ci : donner à Hus l’occasion de plaider sa cause publiquement, tout en restant libre. C’est la faute de Hus lui-même si cela ne s’est jamais réalisé. Prétendant toujours avoir raison, niant qu’il eût jamais professé des erreurs, tellement persuadé de son infailliltilité qu’il déclarait vouloir soulfrir le bûcher si on le convainquait d’errevir (Documenta, O7, n" 34). cet homme obligeait ses juges à ne pas le traiter autrement, si le concile voulait empêcher que ses erreurs se répandissent.

Les lois séculières établissaient la peine du bûcher pour quiconque défendait l’erreur en matière de foi