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HUMILITE

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nicsuie où je suis le principe de mon activité. Bien loin que je sois la cause première de mes bonnes actions, je ne suis pas même l’instrument parfaitement docile qui transmet, sans le déformer, le mouvement reçu de la cause supérieure. A supposer encore <|ue je n’aie jamais péclié mortcUeniint, que de grâces stérilisées, que de virtualités naturelles ou surnaturelles arrêtées dans leur éclosion par les muitiples néglijfences d’une liberté toujours inclinée à refuser l’elfort que vous lui demandez et que par vous elle peut donner I Que de maladresses, de scandales mêlés au bien que vous faites par moi pour m’en donner la jouissance et le mérite, et que vous pourriez faire bien mieux sans moil Vraiment, Seigneur, nous ne faisons que gâcher votre besogne : Seryi inutiles sumii’i.

A considérer ainsi le moi séparé, principe de nos ignorances et de nos péchés, l’homme humble sent vivement le besoin de combattre l’instinct corrupteur qui nous porte à nous isoler dans ce moi, à l’aflirmer et à le grandir au mépris des droits de Dieu. De là cet amour de l’abaissement du moi qui est l’essence même de la vertu d’humilité, huiiiililiis importai qtiaiiiilani laudabilem dejeclioiiem ad ima. Il » Il" « , q. 161, art. : , ad a"’".

Non seulement l’humble rend volontiers hommage aux supériorités hiérarchiques, intellectuelles ou morales qu’il rencontre autourde lui, mais si saint ou si grand personnage qu’il soit, il se met toujours de cœur et, foutes les fois qu’il le peut, de fait aux pieds de tous ses frères, même des péelieurs, parce qu’il aime à inelinerson moi néant et principe de péché devant les parcelles de bien divin et les virtualités surnaturelles que la vie la plus criminelle ne peut totalement arracher do l’àme humaine. Si le Maître innocent a pu baiser les pieds de ses disciples, comment le disciple, qui se sentcoupable dans la mesure où il apiirécie mieux les grâces dont sa négligence abuse, n’aurait-il pas plaisir à répéter l’acte du Maître aimé et adoré, rendant ainsi à ses frères l’hommage <pie S. Paul demande pour tous, et oljservant à la lettre le conseil que la règle de saint Augustin donne au prélat : Timoré coram Deo prælatus suhstratiis sit pedihus yestris.

Non seulement l’humble accepte volontiers la situation inférieure que lui crée, dans la société, la limitation de ses talents etde ses ressources, mais, en toute occurrence, il est doux, r.pa.ù ; , à la façon de Jésus, joyeux d’être méconnu, oublié, injurié, victime de l’ignorance ou delà malveillance des hommes, de ce que d’autres appelleraient l’injustice du sort, de ce qu’il appelle, lui, l’aimable volonté de Dieu. Il sait que rien n’arrive, pas même le péché, sans la permission du Père qui est au ciel et gouverne tout pour le bien des élus. Dès lors, pourquoi n’accepterait-il pas avec joie l’jnsuceès qui le protège contre l’orgueil, lui donne meilleure conscience de son néant, et l’oblige à faire un acte de conûanee plus liliale dans la divine Providence qui n’a besoin du succès d’aucun homme ? C’est dans l’acceptation de la mort, dans l’échec apparemment définitif de tout elTort personnel, que s’aflirment surtout la divine beauté et la mystérieuse puissance de l’Immilité. Ecoutons Jésus sur la croix : « En vos mains. Seigneur, je remets mon l’ime..Vvec les énergies incomparables dont cette àme est pleine, j’aurais pu merveilleusement travailler pour votre service. Vous n’avez besoin ni de mes travaux, ni de mes triomphes. Vous voulez avant tout le plus bel acte d’amour dont l’humanité soit capable. Vous le voulez pour la perfection et le bonheur de qui vous le donne, pour le renouvellement de la beauté du monde souillé par l’égoïsrae.Quevotre volonté soit faite et non la mienne, votre volonté sur le monde et

sur moi. Je m’en remets à vous du succès de la cause pour la(piellejemeurset quicst plus vôtre que mienne. Sur l’eiraiement de mon humanité au tombeau, vous saurez donner au triomphe de la vérité un éclat plus divin ; c’est dans cette conliance que je meurs content, content d’achever en mourant ainsi le don que je vous ai fait de ma vie entière. Consummatumest. » Nous savons quelle gloire a été la conséquence de cette humilité du divin Crucitié. Une glorilication analogue est réservée à tous ceux qui l’imitent. Mais, nous objecte t-on, ces humbles sont voués à la défaite qu’ils acceptent d’avance, ce sont des pusillanimes qui savent surtout se résigner et mourir, nous avons aujourd’hui besoin de magnanimes qui préfèrent lutter et vaincre. Que vaut cette objection’?

V. L’humilité et la magnanimité. — Bien loin d’être contraire à la magnanimité, l’humilité en est une condition. Sans l’humilité on peut avoir, il est vrai, unemagnanimité purementhumaine, assezbelle déjà pour que nous l’admirions. Sojons cependant discrets dans la louange ; un jour viendra, s’il n’est déjà venu, où nous verrons que la magnanimité du mondain a ses tout petits côtés, comme la vertu naturelle imparfaite de qui n’a point la grâce. Justifions cette allirmation en disant ce qu’est la magnanimité, dans quelle mesure elle peut exister sans l’humilité et comment l’humilité, qui favorise son développement, lui donne seule son achèvement.

La magnanimité est la vertu qui gouverne notre désir instinctif de la gloire, de telle sorte qu’il favorise et ne trouble point la rectitude du jugement que nous avons à porter sur les grandes choses que nous pouvons faire et la confianceavec laquelle nous devons les entreprendre et sans laquelle nous sommes condamnés à l’inertie ou à l’insuccès. La magnanimité présuppose une vertu moins éclatante, que saint Thomas dit in/iomée, innominaia, mais qui porte dans notre français actuel le nom de modestie (ce n’est plus la modestia latine) et qui remplit vis-à-vis des actions courantes de la vie ordinaire le rôle de la magnanimité dans les grandes décision s. Les vertus de magnanimité et de modestie sont faussées ou supprimées par la pusillanimité, la présomption, la vaine gloire et l’ambition.

Le pusillanime, trop déliant des ressources dont il dispose, se décourage en face de la difficulté et n’ose rien entreprendre qui sorte de sa routine ordinaire. Pourquoi ? c’est, ou bien parce qu’il ne compte que sur lui et non sur le secours des circonstances et de la grâce, ou bien parce qu’il a trop peur d’une humiliation et d’un échec. Dans l’un et l’autre cas, l’orgueil est à la racine de la pusillanimité.

Le présomptueux, tout plein d’une estime exagérée de ses capacités, ose beaucoup plus que ne le lui permettent les moyens d’action dont il dispose. C’est encore de l’orgueil que vient cette présomption ruineuse de la magnanimité.

Le vaniteux est si épris d’honneur humain qu’il ne regarde plus à la qualité de l’encens qu’on lui sert ; la vanité, avec les petitesses d’esprit et de cœur qu’elle oppose à la magnanimité, est, elle aussi, fille de l’orgueil.

L’ambitieux aime les actions d’éclat et les grandes entreprises ; s’il a le jugement assez ferme pour garder l’exacte appréciation de ses ressources, il est capable d’une certaine magnanimité ; mais cette magnanimité reste bien imparfaite, car si cette forme d’orgueil qu’est l’ambition nous rend capables de grandes choses, elle nous les fait toujours faire petitement et parfois bassement. L’ambitieux fait petitement ses grandes actions, parce qu’il les fait pour lui, sans véritable amour du bien et des hommes, il les fait